Après le démantèlement de l'accord multifibres en 2005, l'industrie marocaine du textile habillement se trouve, en cette fin d'année 2008, confrontée encore une fois à un défi de taille : baisse de la consommation des ménages dans la zone euro, son principal débouché externe (90% des exportations du secteur). La récession qui frappe actuellement aux portes de l'Europe vient nous rappeler la faible compétitivité d'un secteur longtemps tourné à l'export. Selon une source au département d'Ahmed Réda Chami, ministre du Commerce, de l'industrie et des technologies de l'information, les mesures prévues dans un plan de relance du secteur seront dévoilées incessamment. En attendant, les textiliens s'impatientent et observent impuissants l'effondrement de leurs marchés de prédilection. En 2009, l'Allemagne, l'Espagne et la Grande Bretagne devront afficher, selon les prévisions de l'Amith (Association marocaine de l'industrie textile habillement) des replis respectifs de 5, 4 et 3%. Pour l'exercice 2008 qui tire à sa fin, la profession s'attend à une baisse de ses exportations estimée à 8%, contre - 7,5% à fin octobre et 6% à fin septembre 2008. Ayant depuis longtemps bénéficié du soutien des pouvoirs publics, le secteur, une des priorités de la stratégie industrielle Emergence, n'a vraisemblablement pas réussi sa mue. Le manque de compétitivité est toujours flagrant. Alors que l'Egypte, au cours des sept premiers mois de 2008, aura amélioré de 19% ses ventes sur les marchés de l'UE (Union européenne), le Maroc affiche plutôt une baisse de 1%. Jusqu'à fin octobre de cette année, «les expéditions de produits textiles ont continué d'enregistrer de mauvaises performances», lit-on dans la dernière revue de conjoncture économique de Bank Al Maghrib. Des exemples ? Les exportations des vêtements confectionnés (14,4 Mds DH) et des articles de bonneteries (5 Mds DH) accusent des baisses respectives de 6,2 et 14%. Selon la profession, le pire est à venir. L'Amith s'attend à une exacérbation de la baisse des exportations au cours des prochains mois, en raison «des restrictions découlant de la crise financière internationale sur les lignes de crédits accordées aux enseignes et marques de distribution clientes du textile habillement marocain.» Le dernier conseil d'administration de l'Amith (du 11 octobre 2008) a émis le vu de voir activer les «réformes structurelles dont le secteur a le plus grand besoin, notamment en matière d'accès aux intrants, d'assouplissement des procédures et d'amélioration de la compétitivité logistique.» Lors d'une réunion tenue avec le ministère de tutelle en début de ce mois de décembre, les industriels du textile, par la voix de leur groupement Amith, ont fait part de leurs attentes à leur partenaire public. Pêle mêle, ils recommandent des baisses de droits de douane, un assouplissement des règles d'origine de l'ALE Maroc-UE, des plates-formes industrielles d'exportation et plus de flexibilité dans le temps du travail (plafonnement des heures supplémentaires à 100 heures par an et par opérateur, à comparer avec les 230 heures en vigueur en France). Au chapitre des instruments de financement et de couverture de risques, les industriels espèrent un soutien de la part des organismes d'assurances crédit (Smaex, société marocaine d'assurance à l'export, en l'occurrence) «pour les accompagner dans leur prise de risque clients en mettant en place des dispositifs de garantie spécifique contre les incidents de paiement et/ou de recouvrement des créances clients étrangers.» Vis-à-vis des banques, les industriels souhaitent une extension des crédits fournisseurs (lignes aval et crédits documentaires). Pour diversifier l'offre exportable, les textiliens voient d'un bon il la création d'un crédit R&D et un abattement de l'IR sur une période de trois ans pour l'embauche de ressources clés (commerciaux et créatifs, notamment). Plus que jamais, le Maroc devra faire jouer à fond son atout de proximité géographique avec l'Europe. Les industriels estiment que cette conjoncture difficile est porteuse d'opportunités. «Dans un contexte caractérisé par un manque de visibilité et d'incertitudes commerciales, les stratégies d'approvisionnement devront privilégier le court terme et les petites séries à partir des zones de sourcing de proximité au détriment des engagements sur les grandes séries à partir de l'extrême orient.» Dans cette optique, si les donneurs d'ordre décident de s'approvisionner à fréquences rapides et en petites quantités pour réduire les coûts de stockage et mieux s'adapter à la demande, le Royaume en tirera un avantage concurrentiel certain. L'industrie textile nationale, portée beaucoup plus sur le «fast fashion», devra accélérer sa mutation vers une «industrie au service de la mode ». Un pari risqué, dans la conjoncture actuelle, au cas où les acteurs de la distribution en Europe s'orienteraient vers une stratégie de bas prix, sur fond de récession et en relation avec la baisse du pouvoir d'achat des clients. La montée en gamme a ses limites !