Première victime de la crise financière internationale, le secteur de l'automobile semble entrer dans une phase de restructuration profonde. Jamais depuis la deuxième guerre mondiale, le secteur n'aura connu une crise d'une telle ampleur. Le Maroc, ayant fait de l'industrie automobile une priorité de sa stratégie industrielle (plan Emergence), doit redoubler d'efforts et d'imagination afin de pouvoir transformer cette crise en opportunités d'investissements, et partant, mieux conforter ses parts de marché. Selon les dernières statistiques, ce secteur compte 300 sociétés employant 20.000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires de 20 milliards de dirhams. Le secteur n'en est pas moins satisfait. «Pour le moment, nous n'avons aucune visibilité, surtout au niveau de la branche destinée à l'export», alerte Larbi Belarbi, le président de l'AMICA (Association marocaine de l'industrie et du commerce de l'automobile). Pour lui, «dans l'attente de voir comment le marché mondial va redémarrer et comment seront utilisées les capacités de production des clients des équipementiers marocains, nous continuons à travailler pour pouvoir nous maintenir.» S'il est impossible de prédire la durée et l'impact de la crise, il faudra toutefois «attendre fin janvier 2009 pour avoir une idée sur les programmes des constructeurs américains, européens et asiatiques», souligne L. Belarbi. En attendant, baisse des profits, fermeture d'usines et licenciement de personnels se poursuivent un peu partout dans le monde. Le Maroc n'est pas en reste : mise au chômage technique par ci et baisse de régime d'activité par là. «Le ralentissement de l'activité se ressent depuis septembre dernier. Les commandes sont de plus en plus faibles. Certaines lignes de montage sont en chômage technique», indique-t-on auprès de Delphi France, qui chapeaute la filiale marocaine de Tanger. Même constatation chez Valeo Maroc, ayant procédé à la réduction du temps de travail, ou chez SEWS, filiale du japonais Sumitomo, qui a dû tailler dans les effectifs de son usine de Berrechid. Devant l'essoufflement de la demande étrangère adressée au Maroc, le marché interne offre une belle parade contre la crise mondiale, bien que sa taille demeure modeste (10% de l'activité). La Somaca, filiale marocaine de Renault, profitera certainement de la baisse de régime chez les équipementiers marocains, qui se tournent volontiers vers elle, tirant ainsi les coûts de production vers le bas. L'entreprise qui vient de lancer la nouvelle Logan, et bientôt deux autres modèles Kangoo Long Life et Sandero, devra passer de 35.000 à 100.000 voitures par an. Dans cette conjoncture tumultueuse, qu'en sera-t-il du projet phare de l'industrie automobile nationale, Renault-Nissan sur la zone franche de Tanger (200.000 voitures à partir de 2011 et 400.000 unités à terme) ? A l'heure actuelle, le groupe Renault, ayant accusé une baisse de 9,8% de ses ventes en octobre dernier, maintient ses programmes d'investissement et de formation à Tanger. A rappeler que Renault-Nissan compte approvisionner son usine de Tanger à raison de 75 % auprès des équipementiers locaux. Nous devons reconnaître que 2009 sera l'une des années les plus difficiles pour notre industrie et pour l'économie dans son ensemble depuis 50 ans, a confié Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan, au Wall Street Journal. La tendance mondiale vers des modèles de voitures propres et surtout moins chères joue en faveur du Maroc, considéré à juste titre comme étant une destination à bas coût et donc compétitive. La tenue récemment (mi-novembre) de la Convention d'affaires automobile dans le bassin méditerranéen à Casablanca et à Tanger conforte un tant soit peu les professionnels. «En pleine crise, nous avons réussi à rassembler des constructeurs et des équipementiers de taille», se félicite Larbi Belarbi, par ailleurs patron de la Somaca, qui souligne au passage l'intérêt manifeste de certains industriels de l'Europe de l'Est (grande destination des constructeurs européens) pour le secteur marocain. «Il est temps d'aller chercher de nouveaux clients afin de pouvoir compenser les éventuelles pertes», dit-il.