«A Casablanca, le délai de traitement des dossiers d'autorisation de construire peut atteindre 18 mois ! Ceci complique grandement notre mission au niveau de la capitale économique et nuit à l'investissement en matière d'urbanisme », dénonce d'emblée Mohamed Karim Sbai, président du Conseil Régional des Architectes du Centre. Par : Mounia Kabiri Kettani Dysfonctionnements alarmants Plus de 100.000 demandes d'autorisation de construire sont traitées chaque année au Maroc. Et de l'avis des professionnels et de l'administration elle-même, la procédure est longue et laborieuse avec un arsenal juridique complexe, constitué d'une centaine de textes dépassés et contradictoires, sans parler de la multiplicité des intervenants. Ceux-ci sont au moins une dizaine : agences urbaines, collectivités locales, autorités de tutelle, cadastre, différents établissements publics... Ces imperfections sapent tous les efforts du Maroc pour améliorer son attractivité. A titre indicatif, comptez une vingtaine de procédures et une moyenne de 163 jours pour obtenir un permis de construire dans le Grand Casablanca. Pas étonnant alors que l'on ait perdu 5 places pour ce qui est de l'efficacité dans l'octroi des permis de construire dans le classement Doing Business 2013 de la Banque Mondiale. Le Conseil régional du centre de l'Ordre national des architectes a recensé, de manière exhaustive, les principaux dysfonctionnements constatés à chaque étape de la procédure d'instruction des demandes d'autorisation auprès des différents services et administrations. Il en est ressorti des constats alarmants. Par exemple, au niveau des communes, les professionnels affirment qu'après son dépôt, le dossier de demande d'autorisation peut demeurer sans suite, bloqué au niveau du bureau d'ordre faute de moyens pour un dispatching rapide du courrier. Aussi, les accusés de dépôt ne sont-ils pas délivrés aux dépositaires de dossiers de la part de la plupart des communes. Enfin, même s'ils en ont le droit, les architectes ne sont pas admis dans les commissions d'examen des dossiers au niveau de certaines communes. Dar Al Khadamat est aussi pointée du doigt. D'après l'ordre des architectes, les cas de pertes de documents déposés auprès des guichets de cet établissement sont nombreux. Selon Sbai, « cette entité transmet les dossiers aux services extérieurs avec un retard pouvant atteindre 30 jours. Pire, les dossiers transmis sont parfois incomplets ». S'ajoute à cela le retard accusé au niveau de l'examen des dossiers qui peut atteindre 6 mois. Des dysfonctionnements sont également constatés pour ce qui est de la délivrance des permis d'habiter et des réceptions. « Réunir tous les membres de la commission chargée de l'examen de ces dossiers reste contraignant surtout que les décisions ne sont pas prises séance tenante et que cette procédure englobe l'ensemble des communes (ce qui reste matériellement trop complexe pour une seule commission). Cette procédure peut actuellement durer jusqu'à 6 mois. En plus, la commission recourt généralement à la notification d'avis (favorable ou défavorable) au lieu du constat de conformité justifié plus formel », déplore Sbai. Absence de concertation Les architectes n'y vont pas par quatre chemins. Pour eux, il faut tout simplement limiter l'instruction du dossier aux seuls représentants des administrations en charge de la politique urbaine dans les villes. « La mairie et la wilaya représenteront le volet politique de la gestion urbaine alors que l'Agence urbaine se chargera du côté technique. Ainsi, les commissions d'instruction seront plus fluides et plus efficaces », explique un architecte à Casablanca. La multiplicité des entités internes intervenant dans l'instruction des dossiers de demande d'autorisation pour le compte de la protection civile (PC) est une autre pomme de discorde entre les architectes et le département de l'Intérieur. « En l'absence de concertation entre ces entités, l'architecte est contraint de jouer le rôle d'intermédiaire en recueillant et en transmettant les avis d'un bureau à l'autre. En outre, les représentants de la PC ne prennent pas les décisions lors des commissions, ce qui rallonge les retards. Plus encore, l'examen des dossiers n'est pas unifié entre les différentes entités et responsables. De fait, l'application et l'interprétation des normes de sécurité ne fait pas consensus, et ces normes deviennent donc personnalisées », nous confie Sbai. L'objectif est de faire réagir la mairie contre ces imperfections. A défaut, les architectes iront plus loin...