Par : Mireille Duteil Au-delà de l'armement libyen dont disposent les groupes armés au nord du Mali, d'où vient le trésor de guerre des rebelles ? Qui les finance ? Les réponses diffèrent selon les groupes armés. Mais tous les émirs ont mis en place des circuits de financement qui s'apparentent à ceux des organisations mafieuses : rackets, braquages, contrebande, revente de voitures volées, trafics d'armes, de tabac, de drogue et d'hommes, sont des modes d'action répandus dans la zone saharo-sahélienne depuis une douzaine d'années. On retrouve trois grandes sources de financement. La première source de revenus, et de loin, pour les djihadistes est l'argent des rançons obtenues en contrepartie des libérations des étrangers. On estime que 50 millions de dollars ont été déversés dans la zone depuis 2003. Aqmi en a été le premier bénéficiaire suivi du Mujao. Au passage, de nombreux intermédiaires, dont des gens proches de l'ancien pouvoir, se sont aussi enrichis. Moktar Benmokhtar, chef d'une katibat d'Aqmi, en mauvais terme avec Abou Zeid ces derniers mois, est le principal seigneur de la guerre responsable de cette mafia des sables. Un exemple : l'enlèvement dans le sud tunisien, en février 2008, de deux touristes autrichiens, lui aurait rapporté entre 1 et 2 millions d'euros. L'Espagne et l'Italie auraient payé 8 millions d'euros pour récupérer leurs ressortissants en 2009. Abou Zeid réclamerait 90 millions d'euros pour la libération des sept otages français. Le prix de l'otage a bondi avec les années. Jusqu'alors, les pays occidentaux ont versé les rançons pour sauver leurs ressortissants, tout en le niant farouchement. Aujourd'hui, les pays s'y refusent – la Grande-Bretagne l'a toujours fait – comprenant qu'ils entretiennent le terrorisme. Sans ce trésor de guerre, jamais les groupes armés n'auraient pu acheter autant d'armes, de picks-up, de matériels de transmission, et recruter autant d'hommes... Deuxième source de financement : la drogue. Jusqu'en 2012, elle comptait relativement peu dans les moyens financiers dont disposent les djihadistes, en particulier Aqmi. Pour Al-Qaeda au Maghreb islamique, la drogue est « haram » et les chefs des katibate se contentent d'assurer – au prix fort – la sécurité des trafiquants et prennent une taxe sur les transits de cocaïne à destination des « impies des pays apostats» sur tout le Sahel. Des entrées financières non négligeables puisque de 50 à 80 tonnes de coke transitent annuellement d'Amérique latine vers l'Europe via le Sahel, dont certains pays sont devenus des narcos-Etats. Parallèlement, le haschich marocain traverse aussi la région, sous la garde des djihadistes, à destination de l'Egypte et du Moyen-Orient. Troisième source de revenus, peu importante : l'argent du Qatar. L'aide humanitaire apportée par le Croissant rouge qatari dans le nord du Mali a été largement récupéré par Ansar eddine et, à moindre titre, le Mujao, pour recruter des jeunes. Les touaregs du MNLA ont aussi bénéficié des largesses de l'émirat. Iyad ag Ghali a fait plusieurs voyages au Qatar. « L'émirat ne comprend pas le djihadisme de cette région. Il le voit comme les partis islamistes du Maghreb », explique un chercheur. Il risque de déchanter.