Hind, 23 ans, avec un Bac + 2 en poche et une assez bonne maîtrise de la langue de Molière, a déjà fait le tour des centres d'appels casablancais. Son dernier employeur, lui a demandé, à elle et à ses collègues de prendre des vacances, pour cause d'absence d'activité. « Je prévoyais de travailler tout l'été pour avoir un peu d'argent et reprendre mes études, mais notre patron nous a donné des vacances sans solde, bien sûr.» raconte Hind avec un brin d'humour. Déception et démission L'histoire de Hind résume une partie du quotidien des Télé-Acteurs et des Télé- Conseillers. Un quotidien fait de stress continu et de travail routinier, sans une réelle évolution de carrière. Au contraire de ce que promettent les employeurs au départ. «On vous offre un cadre agréable de travail, un bon salaire et de réelles possibilités d'évolution de carrière.» peut-on lire sur une des nombreuses offres d'emplois dans ce secteur. Ce décalage entre attentes et réalités crée des déceptions chez beaucoup de Télé-Acteurs. Ces déceptions se transforment quelques fois en démissions. Yassine, bac + 5 nous raconte son expérience : «Après un an dans un centre d'appel et malgré une fiche de zéro absence et une bonne conduite, je n'ai pas vu mon statut avancer. Mes supérieurs ont essayé de me mettre sur un nouveau produit et me faire signer un nouveau CDD. C'était hors de question, j'ai démissionné.» Le mot est lâché, au Maroc ou ailleurs les centres d'appels sont hantés par les démissions, le taux de turnover atteint 30% dans les centres français, et au Maroc ? « Du fait de la reprise des études universitaires, le taux de démission est de 60% mais le reste de l'année, le taux atteint est d'à peine 20%.» tempère un responsable RH d'un call center à Casa. Devant cette situation se dirige-t-on vers une panne sèche des RH ? «C'est un constat désormais bien partagé : tous les secteurs nécessitant, une main d'uvre qualifiée connaissent des difficultés de recrutement. » nous confirme Mohamed El Ouahdoudi, Président du Salon international des centres d'appels au Maroc (SICCAM) et fondateur de l'Association des Centres d'Appels et des Centres Informatiques Offshore au Maroc. Ce qui amplifie le manque de RH c'est également l'image négative collée à ce métier. « En effet ce secteur reste un peu mystérieux pour les non professionnels, et de ce fait il suscite aussi bien des fantasmes sur ses taux de croissance à deux chiffres, que sur une certaine exploitation des salariés. La vérité est souvent au milieu. » nuance Mohamed El Ouahdoudi. Pour beaucoup, travailler dans un call center reste une solution de dépannage en attendant de trouver mieux. Mohamed Amine est un cas :« malgré mon diplôme en dessin de bâtiment et plusieurs expériences professionnelles je me suis rabattu sur les centres d'appels après des mois de chômage. J'y suis depuis 3 ans et je considère encore ce travail comme temporaire car il ne me permettra jamais de réaliser mes objectifs en travaillant 42h par semaine pour 4100 Dh. » conclut-il avec amertume. Rares sont ceux qui choisissent de faire carrière dans les centres d'appels. Youssef fraichement bachelier, pense le contraire : « Je travaille dans un grand centre d'appel et je m'y plais. Je compte y rester. D'ailleurs, avant d'avoir mon bac je travaillais déjà à mitemps dans un centre.» Des employés comme Youssef se font rares sur les plateaux. Comment alors l'Etat pourra-il répondre à la demande croissante en RH ? Un plan urgent de formation est déjà lancé par le gouvernement et «les opérateurs prospectent dans les villes moyennes, pour y dénicher des compétences locales.» annonce Mohamed El Ouahdoudi. Lors du dernier SICCAM « la question du recrutement des personnes à besoins spécifiques (mal voyants, handicapés moteurs...) a été posée en des termes très positifs par Nezha Skalli, ministre du développement social.» Pourquoi pas Mis à part quelques centres d'appels bien structurés et qui offrent des conditions de travail sensiblement meilleures, des petits centres poussent un peu partout profitant du succès du secteur. Certains investisseurs baissent le rideau dès que les affaires ne marchent pas bien et laissent sur le banc leurs collaborateurs. Mais le président du SICCAM tient à préciser que «les fraudes viennent souvent de l'étranger, de certains « donneurs d'ordre » qui abusent de la confiance de prestataires peu avertis. Mais dans l'ensemble, le secteur des centres d'appels est à présent très structuré, et en plus il est très rentable.» La preuve : les recettes des centres d'appels sont en hausse de 22,8% et les dépenses ont baissé de 7,5%