Notre planète se réchauffe. Tous les scientifiques en conviennent au point que l'un des principaux laboratoires de la NASA évoque un "proche et dangereux point de bascule» et que Rajendra Pachauri, prix Nobel de la paix 2007 avec l'ancien vice-président américain Al Gore, estime qu'«il nous reste sept ans pour inverser la courbe mondiale des émissions de gaz à effet de serre ». Ce qu'on sait un peu moins - et que nous dit l'étude rendue publique début juillet par la Banque Européenne d'investissement (BEI)-, c'est que la Méditerranée constitue un «hot spot» - point chaud - de ce changement climatique. Réalisé avec le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), ce rapport prévoit à l'horizon 2080 une augmentation de la température de 2,2° à 5,1° ; une baisse de la pluviométrie de 4 % à 27 % et une élévation du niveau de la mer de 35 centimètres pour les pays de l'Europe du sud et de la région méditerranéenne. Les évènements extrêmes - vagues de chaleur, sécheresses ou inondations - pourraient quant à eux être plus fréquents et violents. Les zones les plus vulnérables seront celles d'Afrique du Nord voisines des zones désertiques, les grands deltas (ceux du Nil, du Pô et du Rhône notamment), les zones côtières ainsi que les zones à forte croissance démographique et socialement vulnérables (rive Sud et Est, villes à forte densité de population et banlieues). Ne rien faire coûte plus cher Ce changement climatique aura des conséquences notamment sur l'agriculture et la pêche (baisse des rendements de 10 % à 50 % selon les pays), le tourisme (vagues de chaleur, raréfaction de l'eau) et bien sûr la production d'hydroélectricité «au moment où les besoins énergétiques des rives sud et est de la Méditerranée explosent » et où la production d'énergie devra au moins être doublée pour répondre au défi démographique et à l'urbanisation exponentielle (qui atteindra 74% en 2025). Si la BEI et son vice-président Philippe de Fontaine Vive estiment qu'une «atténuation de ce changement climatique en Méditerranée est encore possible», ils insistent sur la nécessité de réagir très vite par un «investissement massif dans les secteurs du capital humain, les infrastructures et la production d'énergie qui devra au moins être doublée». Y compris par le recours au nucléaire civil. Ce n'est certes pas simple, mais la BEI et le PNUE considèrent qu'il n'y a pas le choix : si on ne fait rien, soutiennent-ils, «le coût de l'inaction sera de 30 à 35 milliards de dollars, l'équivalent du produit intérieur brut de la Tunisie, avec un pétrole à 120 dollars le baril, et de 43 milliards avec un prix à 175 dollars le baril». Reste à savoir comment trouver la centaine de milliards d'euros d'investissements dont vont avoir besoin une dizaine de villes du pourtour méditerranéen ? Si la BEI a débloqué 1,1 milliard d'euros destinés à une centaine de projets de protection et de réhabilitation de l'environnement dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, ses deux priorités sont le soutien au secteur privé, moteur d'une croissance durable, et la création d'un environnement propice à l'investissement, par des infrastructures performantes et des systèmes bancaires modernisés. Or la BEI ne cache pas que les investisseurs privés ne s'engageront que s'ils ont une garantie politique de suivi et de transparence... L'absence d'ambition politique, principal écueil A supposer que l'enveloppe financière soit sensiblement plus importante qu'elle ne l'est, l'Union pour la Méditerranée peut évidemment constituer un moteur en la matière avec ses projets de dépollution de la Méditerranée -l'une des mers les plus polluées du globe-, d'"autoroutes" maritimes et terrestres, de protection civile, d'énergie solaire, d'université méditerranéenne et de soutien aux PME. Rendue publique à la veille du sommet de l'UPM à Paris, l'étude de la BEI envisage d'ailleurs des échanges entre les deux rives, le Sud exportant par exemple de l'électricité «verte» vers le Nord grâce à la filière solaire et les pays excédentaires en eau en transférant vers ceux qui en manquent. Mais tout projet de développement économique - y compris concernant la maîtrise du changement climatique ou la dépollution de la Méditerranée -, risque d'être voué à l'échec d'emblée si cette Union pour la Méditerranée, fait l'impasse sur la question des droits de l'Homme et néglige toute ambition politique. Or l'insistance mise jusqu'ici sur la nécessité de «faire avancer la paix et la stabilité avec des projets concrets» - euphémisme pour évacuer le politique de cette initiative- ramène cette Union pour la Méditerranée à faire du contrôle de l'immigration sa (principale) raison d'être et à garantir le statu quo à des régimes autoritaires majoritaires sur la rive sud et peu enclins à faire évoluer leur gouvernance vers plus de transparence ou à impliquer les représentants d'une société civile indépendante dans le partenariat. Autant d'objectifs peu susceptibles d'être relayés par les populations de la rive sud.