L'élection de Mustapha Bakkoury, un ingénieur pure souche et à la base un technocrate, à la tête du PAM n'a pas été une surprise. Elle n'est pas pour autant sans signification. Beaucoup de cadres fondateurs du Mouvement de tous les démocrates (MTD), inspirateur du PAM, étaient sur la ligne. Hakim Benchamach en premier, derrière lequel finira par se ranger un autre «historique», Salah El Ouadie. Le choix de Bakkoury a éte dicté en définitive par le bons sens. Ingénieur Ponts et chaussées et gestionnaire bancaire de renom, il est rare de voir ce genre de profil dans les directions des partis politiques marocains qui recrutent essentiellement dans les milieux des enseignants, des avocats et accessoirement des médecins. Si l'on excepte quelques uns, dont Mhammed Douiri, un historique de l'Istiqlal, Mohamed Kabbaj, plusieurs fois ministre notamment à l'Equipement et aux Finances, qui s'est retrouvé malgré lui à l'UC, et bien plus tard Karim Ghallab qui a dû endosser les couleurs de l'Istiqlal pour prendre en charge l'Equipement et les transports, l'histoire du Maroc indépendant a été une longue opposition du technocrate au politique. Dans les mutations qui configurent le Maroc d'aujourd'hui, c'est probablement cette donnée qui est en train d'évoluer. La normalité politique, prônée par le célèbre rapport sur le développement humain et consacrée par la nouvelle constitution et les dernières élections, est en train de s'installer progressivement pour faire des partis politiques le réceptacle naturel des élites de pointe que compte le royaume. Mais cette lecture probable n'est pour l'instant qu'une contingence que seul le temps permettra de vérifier. L'arrivée de Mustapha Bakkoury au secrétariat général du PAM a été surtout le produit d'un besoin intérieur au parti. Après des discussions parfois houleuses auxquelles présidait l'incontournable Ilyas El Omari, un consensus quasi général s'est porté sur la nécessité de normaliser l'image du parti. Un parti comme les autres qui va désormais, au détriment de ses conservateurs, chercher à s'enraciner en essayant de tisser sa toile par des militants venus pour la plupart de la gauche locomotivant en eux le projet de la modernité. L'image pacifiée et apaisée du PAM ne pouvait passer par Hakim Benchammach trop marqué à gauche intérieurement et trop porté sur la polémique extérieurement. Son élection à la présidence du conseil national lui préserve une place de choix dans la hiérarchie du parti. De là il pourra continuer à monter au front si nécessaire. A Mustapha Bakkoury reviendra la mission d'établir de nouveaux liens avec les composantes du paysage politique national. L'ancien patron de la CDG a été parmi les pionniers du MTD, mais ne s'est pas trop impliqué dans le PAM, du moins pas aux avant-postes. Calme et roué au montage et traitement des dossiers compliqués, il lui sera plus facile de discuter avec un Abdelilah Benkirane. Si celui-ci ne s'est pas rendu à la séance d'ouverture du congrès, pour raison de maladie a-t-il fait savoir publiquement, il n'a pas manqué de s'y faire représenter par son inséparable ministre d'Etat Abdellah Baha. A ce titre, le nouveau patron du PAM est une figure rassurante également en interne, aussi bien pour les conservateurs que pour l'aile gauche qui a réussi à faire passer son projet de social-démocratie. Pas d'articles associés.