Verts contre rouges, le Maroc attend ce samedi à 17 heures le 124e derby de Casablanca entre le Raja et le Wydad, le plus chaud du Maghreb, et peut-être même d'Afrique. Depuis soixante ans, le refrain est le même à chaque but. Une moitié exulte, jubile et fanfaronne. L'autre plonge dans des abîmes de stupeur et de déception. Wydad-Raja, c'est LE rendez-vous. Son histoire, ses petites anecdotes ou phrases font qu'il trône sur le Royaume. Au Maroc, peu importe d'où vous venez, la question est récurrente : «Wydadis ou Rajaouis ?». «Il est comparable au derby de Milan. Les deux équipes partagent le même stade. Au sud, la moitié des sièges sont aux couleurs du Raja, vert et blanc. Au nord, rouge et blanc à l'effigie du Wydad», explique Guillaume Ribeiro, organisateur de stage pour le WAC. «Quand on le perd, ce sont des insultes qui pleuvent derrière» Sur le terrain, ce sont les monstres sacrés du Royaume chérifien qui s'affrontent, les deux clubs les plus titrés du pays. Le WAC Casablanca domine en Championnat avec dix-neuf titres, le Raja est le meilleur club marocain à l'échelle continentale avec trois Ligues des champions remportées. La rencontre atteint rarement des sommets. «Les équipes sont inhibées et ne prennent aucun risque, confie Walid Regragui, actuel entraîneur du FUS Rabat. Le spectacle est évidemment dans les tribunes. Quand le stade pouvait accueillir 80 000, il y avait 90 000 personnes à l'intérieur trois heures avant le coup d'envoi». En 123 matches de Botola, nom estampillé de la Ligue de football, le bilan fait la part belle... à la neutralisation entre les deux équipes (58 nuls, 37 victoires du Raja contre 28 pour le WAC). «Il y a trop de pression, constate Malik Evouna, l'ancien buteur frénétique du WAC (2013-2015). L'enjeu tue vraiment le jeu. Dès le début de saison, mes coéquipiers marocains ne pensent qu'au derby. Je peux même vous dire que certains préfèrent gagner ce match que le championnat.» Samir Malcuit, ancien attaquant du Raja (2011-2012), abonde : «Quand on le perd, ce sont des insultes qui pleuvent derrière. Les supporters mettent une telle intensité émotionnelle, que perdre face à cet adversaire, c'est être touché dans son amour propre.» Pourquoi une telle animosité ? Les deux clubs ont le sang mêlé, avec un patriarche commun : Mohamed «Ben Lahcen» Affani dit le Père Jégo, sobriquet qu'il gagne en France en 1922 lorsqu'il évolue dans la modeste équipe de L'Yeuse. Il deviendra le saint patron du football marocain. En 1930, après des voyages en France ou Angleterre pour se familiariser avec la tactique et croiser notamment la perle noire Larbi Ben Barek, cet éphémère journaliste sportif fonde, grâce au souffle nationaliste en pleine période de décolonisation, le Wydad Athletic Club de Casablanca. Ou plus précisément le Wydad signifiant en arabe «l'Amour». Quatre titres nationaux plus tard, sans compter deux tentatives d'assassinat par des colons en colère de voir leur WAC composé à 100 % de musulmans, le Père Jego est évincé, à sa grande surprise. Il rejoint l'autre jeune club de la ville, le Raja, et promet de le transformer en rival éternel du Wydad. A partir de 1956, le match se transforme en une immense fête populaire dans la ville Le duel entre les deux frères ennemis est exacerbé par une dimension sociale : le WAC est le club des bourgeois, le Raja, celui du peuple. A partir de 1956, ce match va se transformer en une immense fête populaire dans la ville, chaque quartier manifestant son amour pour son camp. Le spectacle en dehors du terrain prend une dimension unique en Afrique. Tifos géants en 3D, chants soutenus, fumigènes et spectacle pyrotechnique sont l'ADN du derby, Passé par le Real Madrid, Saint Etienne ou encore le Besiktas, John Toshack en a vu d'autres, et pourtant... «Je pourrais écrire un livre sur le derby de Casablanca. c'est tout simplement le top comparé aux autres derbys que je connais, surtout les efforts des supporters des deux équipes», confie le coach gallois. «J'ai vécu des PSG-Marseille dans une sacrée ambiance. Je suis présenté au public le jour du match. Là, je me suis dit "mais où est-ce que je suis ? Qu'est ce que ça, c'est trop !"», s'enthousiasme Samir Malcuit. Encore mieux qu'un blockbuster américain dans une salle avec le son Dolby : «Au moment d'aller faire une touche ou de tirer un corner, j'ai eu l'impression d'être moi-même spectateur des supporters», ajoute le frère aîné du Stéphanois Kévin. Les tifos sont au coeur de la passion. «Avant le derby, c'est le secret le mieux gardé de la ville, dit Mourad Moutawakil, journaliste vedette de la chaîne nationale, 2M. Les groupes de supporters du WAC et du Raja rivalisent d'ingéniosité. Au dernier moment, on découvre les illustrations choisies. Les deux kops se répondent chacun leur tour. On a aimé des fresques historiques de joueurs ou coach ; ou plus récemment celle du WAC sur Mohamed Ali. Mais ces derniers temps, des choses plus insultantes sont apparues». Hooliganisme, vandalisme, voitures saccagées Une ambiance plus délétère a pris place. Le hooliganisme s'est invité depuis le début des années 2000, prenant des proportions effroyables. Les zones limitrophes au stade ont été tout particulièrement touchées par les actes de vandalisme. Sur les réseaux sociaux, dans des vidéos postées par les riverains, on a pu constater l'étendue des dégâts : des voitures saccagées, le mobilier urbain arraché et les piétons terrorisés. Ce qui a parfois obligé ces dernières saisons à délocaliser la rencontre... Mais que cela soit à Rabat, Marrakech ou à Casablanca, le derby restera l'épicentre du football marocain. Accro au séisme qu'il provoque deux fois par an depuis plus d'un demi-siècle. Depuis soixante ans, le refrain est le même à chaque but. Une moitié exulte, jubile et fanfaronne. L'autre plonge dans des abîmes de stupeur et de déception. Wydad-Raja, c'est LE rendez-vous. Son histoire, ses petites anecdotes ou phrases font qu'il trône sur le Royaume. Au Maroc, peu importe d'où vous venez, la question est récurrente : «Wydadis ou Rajaouis ?». «Il est comparable au derby de Milan. Les deux équipes partagent le même stade. Au sud, la moitié des sièges sont aux couleurs du Raja, vert et blanc. Au nord, rouge et blanc à l'effigie du Wydad», explique Guillaume Ribeiro, organisateur de stage pour le WAC. «Quand on le perd, ce sont des insultes qui pleuvent derrière» Sur le terrain, ce sont les monstres sacrés du Royaume chérifien qui s'affrontent, les deux clubs les plus titrés du pays. Le WAC Casablanca domine en Championnat avec dix-neuf titres, le Raja est le meilleur club marocain à l'échelle continentale avec trois Ligues des champions remportées. La rencontre atteint rarement des sommets. «Les équipes sont inhibées et ne prennent aucun risque, confie Walid Regragui, actuel entraîneur du FUS Rabat. Le spectacle est évidemment dans les tribunes. Quand le stade pouvait accueillir 80 000, il y avait 90 000 personnes à l'intérieur trois heures avant le coup d'envoi». En 123 matches de Botola, nom estampillé de la Ligue de football, le bilan fait la part belle... à la neutralisation entre les deux équipes (58 nuls, 37 victoires du Raja contre 28 pour le WAC). «Il y a trop de pression, constate Malik Evouna, l'ancien buteur frénétique du WAC (2013-2015). L'enjeu tue vraiment le jeu. Dès le début de saison, mes coéquipiers marocains ne pensent qu'au derby. Je peux même vous dire que certains préfèrent gagner ce match que le championnat.» Samir Malcuit, ancien attaquant du Raja (2011-2012), abonde : «Quand on le perd, ce sont des insultes qui pleuvent derrière. Les supporters mettent une telle intensité émotionnelle, que perdre face à cet adversaire, c'est être touché dans son amour propre.» Pourquoi une telle animosité ? Les deux clubs ont le sang mêlé, avec un patriarche commun : Mohamed «Ben Lahcen» Affani dit le Père Jégo, sobriquet qu'il gagne en France en 1922 lorsqu'il évolue dans la modeste équipe de L'Yeuse. Il deviendra le saint patron du football marocain. En 1930, après des voyages en France ou Angleterre pour se familiariser avec la tactique et croiser notamment la perle noire Larbi Ben Barek, cet éphémère journaliste sportif fonde, grâce au souffle nationaliste en pleine période de décolonisation, le Wydad Athletic Club de Casablanca. Ou plus précisément le Wydad signifiant en arabe «l'Amour». Quatre titres nationaux plus tard, sans compter deux tentatives d'assassinat par des colons en colère de voir leur WAC composé à 100 % de musulmans, le Père Jego est évincé, à sa grande surprise. Il rejoint l'autre jeune club de la ville, le Raja, et promet de le transformer en rival éternel du Wydad. A partir de 1956, le match se transforme en une immense fête populaire dans la ville Le duel entre les deux frères ennemis est exacerbé par une dimension sociale : le WAC est le club des bourgeois, le Raja, celui du peuple. A partir de 1956, ce match va se transformer en une immense fête populaire dans la ville, chaque quartier manifestant son amour pour son camp. Le spectacle en dehors du terrain prend une dimension unique en Afrique. Tifos géants en 3D, chants soutenus, fumigènes et spectacle pyrotechnique sont l'ADN du derby, Passé par le Real Madrid, Saint Etienne ou encore le Besiktas, John Toshack en a vu d'autres, et pourtant... «Je pourrais écrire un livre sur le derby de Casablanca. c'est tout simplement le top comparé aux autres derbys que je connais, surtout les efforts des supporters des deux équipes», confie le coach gallois. «J'ai vécu des PSG-Marseille dans une sacrée ambiance. Je suis présenté au public le jour du match. Là, je me suis dit "mais où est-ce que je suis ? Qu'est ce que ça, c'est trop !"», s'enthousiasme Samir Malcuit. Encore mieux qu'un blockbuster américain dans une salle avec le son Dolby : «Au moment d'aller faire une touche ou de tirer un corner, j'ai eu l'impression d'être moi-même spectateur des supporters», ajoute le frère aîné du Stéphanois Kévin. Les tifos sont au coeur de la passion. «Avant le derby, c'est le secret le mieux gardé de la ville, dit Mourad Moutawakil, journaliste vedette de la chaîne nationale, 2M. Les groupes de supporters du WAC et du Raja rivalisent d'ingéniosité. Au dernier moment, on découvre les illustrations choisies. Les deux kops se répondent chacun leur tour. On a aimé des fresques historiques de joueurs ou coach ; ou plus récemment celle du WAC sur Mohamed Ali. Mais ces derniers temps, des choses plus insultantes sont apparues». Hooliganisme, vandalisme, voitures saccagées Une ambiance plus délétère a pris place. Le hooliganisme s'est invité depuis le début des années 2000, prenant des proportions effroyables. Les zones limitrophes au stade ont été tout particulièrement touchées par les actes de vandalisme. Sur les réseaux sociaux, dans des vidéos postées par les riverains, on a pu constater l'étendue des dégâts : des voitures saccagées, le mobilier urbain arraché et les piétons terrorisés. Ce qui a parfois obligé ces dernières saisons à délocaliser la rencontre... Mais que cela soit à Rabat, Marrakech ou à Casablanca, le derby restera l'épicentre du football marocain. Accro au séisme qu'il provoque deux fois par an depuis plus d'un demi-siècle.