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Les Ultras, supporters Talmout
Publié dans L'observateur du Maroc le 13 - 05 - 2009

Dimanche, 7h00 du matin, Casablanca se réveille. Trois jeunes membres Maganisites ; des inconditionnels du virage sous la montre du stade, attendent devant la porte principale du stade Mohammed V l'arrivée du reste de la bande. Ismail est un de nos trois ultras, «j'habite à 04 et j'ai rejoins les Green Boys car je me sens protégé qu'on soit en groupe surtout dans les déplacements hors Casa». Avant que l'enfant du Hay Mohammadi termine, la police débarque, «foutez le camp, fils de p…», insulte un policier. Les trois jeunes font profil bas et quittent les lieux, l'hogra dans l'âme. Voilà de quoi "bien" entamer une journée sous haute tension entre les 70 000 supporters et les 5000 membres des force de l'ordre. Après quelques coups de fils, nos Ultras arrivent finalement à investir le stade pour aider à installer les Tifos.
Les Ultras du Raja se composent de trois groupes, les Green Boys, qui revendiquent le titre de premier Ultra au Maroc, le groupe a été créé en juin 2005 et compte 500 adhérents et 8 sections. Le deuxième groupe est formé des Ultras Eagles, créés le 6 juin 2006 et présent dans 10 villes. Le troisième groupe de fanatiques rajaouis ce sont les Green Gladiotors, créés en février 2006 et comptent 3 sections. ?a c'est le public du virage Sud «d'honneur». Qui sont les résidents du virage Nord ?
Chtouki, Abdeslam et Driss, l'ex-triplette d'or du Wydad que tous les clubs internationaux s'arrachaient autrefois a de quoi être fière des Winners qui honorent le drapeau rouge. Créé en 2005, ce groupe Ultra était l'idée d'une clique d'amis qui aimait le club. Les Winners s'engagent pour Wydad Al Oumma, le club du peuple marocain. Ils se sacrifient, s'engagent, supportent, glorifient le club et ses anciens noms sans aucune contrepartie. Mustapha, un Winner raconte : «En un mois, on a réalisé quatre Tifos consécutifs et deux autres nous attendent. On est prêts à tout sacrifier pour le WAC, c'est pour cette raison qu'on s'appelle les Fedayines et c'est aussi en hommage aux résistants palestiniens». Le jeune se montre fier du travail réalisé, «nos chants cartonnent et nos produits se vendent comme des petits pains». Pour ce jeune, comme des milliers comme lui, la «Hamra» est son amour. Forever Together on vous dit !
Une seule chose rassemble les Ultras du Wac et du Raja, c'est la haine contre le public de l'équipe des FAR. «A chaque déplacement, on se fait massacrer mais quand on les accueille on leurs rend bien la monnaie», reconnait un membre des Green Boys. Jihad, un membre actif des Ultras Askary adopte la zen-attitude et défend son groupe qui, apparemment, cause de sérieux ennuis aux forces de l'ordre. «les forces de l'ordre ne comprennent pas nos sacrifices et nos objectifs. Leurs injustices dépassent les normes », accuse-t-il. «On se fout des joueurs, des dirigeants, de l'entraineur, ils vont tous changer. Ce qui compte c'est le nom du club. Quand un policier te provoque en insultant ta mère, c'est normal que tu réagisses», lance nerveusement le jeune supporter. Leur sacrifice dure, les Fidèles continuent la lutte et mettent leur amour au service du club. Fidèles Forever !
Nec plus ultra
Les Ultras ne sont pas organisés dans des associations, «partout dans le monde, la nature des Ultras ne rime pas avec cadre institutionnel», remarque Issam. Mais au Maroc un choix pareil égale agir dans l'illégalité, «on a fait ce même choix, pour rester fidèle à l'esprit des fondateurs et ce malgré les contraintes des locaux, de l'accès au stade et le risque des arrestations», argumente ce jeune ingénieur. Depuis l'avènement des Ultras, les associations de supporters sont désormais dépassé et même un peu irritées. «Les Ultras refusent toujours d'assister à la réunion de coordination d'avant le derby qui se tient au siège de la Wilaya», reproche M. Adib, président de l'association wydadie Tawassol. «Les choses ont évolué, dans le sens positif, par exemple les fumigènes ne sont plus utilisés dans les stades», tempère-t-il. En plus de l'illégalité assumée, les Ultras se distinguent par leurs modes de financement et d'organisation. Les Ultras marocains sont en train d'écrire une Success Story en matière de marchandising. Ils créent des produits dérivés, le tout autoproduit, autofinancé et auto commercialisé. En plus de la vente des produits, les adhésions (environ 150 DH par an) constituent la deuxième source de revenus. «le nombre d'adhésions fut un record cette saison, on a même un bébé d'un an parmi nous», rigole Mustapha des Winners. En plus des simples adhérents, chaque Ultra se compose d'un noyau dur d'une dizaine de personnes, une sorte de bureau exécutif.
Retour au stade Mohammed V, chez les Ultras rajaouis l'ambiance est tendue, les préparatifs n'avancent pas, «on est en train de se faire ridiculiser devant nos ennemis», pleure un membre des Ultras Eagles. Les ennemis du jour et de toujours ne se cachent pas pour se moquer royalement des Verts, des éclats de rire brisent le silence dans les gradins. Chez les Wydadis, le travail est nettement mieux organisé, ils communiquent en talkie-walkie et une équipe média filme le tout. Et le résultat est probant. Un seul hic, l'ambiance est trop sérieuse pour un groupe Ultra, une seule personne (ou presque) donne des ordres. Côté foot, le match commence sur des chapeaux de roues, le Wydad mène au score rapidement, les Winners sont aux anges, les Green encaissent le résultat en silence. Faute d'une réaction de leurs joueurs, les Ultras des Verts répliquent avec des messages adressés au Winners. Ils oseront même une citation de Gilbert Bécaud : «mon ami m'a trahi». Le match se termine avec une courte victoire du WAC. Aux alentours du stade, c'est la guerre. Les forces de l'ordre ont presque disparu. Le rond point Bir Anzarane est un véritable champ de bataille entre de (très) jeunes hooligans. Bilan : 65 supporters arrêtés et 25 bus saccagés. «Nos stades sont des espaces d'extérioration de la culture de la marginalisation et de la précarité dont souffrent les jeunes marocains», analyse le chercheur en psychologie des déviations, Abdallah Abou Ayyad El Alaoui. Il ajoute «devenir supporter devient une manière pour s'identifier socialement, mais quand supporter se transforme en acte de hooliganisme c'est l'expression négative de soi-même», décortique-t-il. Dans les gradins, les Ultras des deux équipes rangent leurs matériels et avant de quitter, les Rajaouis saluent les Winners en transformant le signe de victoire affiché au départ en un doigt d'honneur.


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