Tout son proche entourage le confirme : Fouzi Lekjâa est un sacré personnage ! Mais encore faut-il le rencontrer pour prendre la pleine mesure de son côté «enfant terrible». Ce dont nous avons pu nous rendre compte, lorsqu'il nous a reçus, après moult sollicitations, dans son bureau au ministère des finances. C'est lui-même qui nous a servi le café, avant de se soumettre à deux heures d'entretien, durant lesquelles son téléphone n'a pas arrêté de sonner. Au niveau des résultats, les astres semblent bien alignés pour le football marocain ces derniers temps. Comment faire pour inscrire ces performances dans la durée ? Avant de répondre à cette question, j'aimerais d'abord revenir sur les différentes phases par lesquelles le football national est passé. D'une configuration amateurs, il a migré vers un schéma de sponsoring où les clubs ont été confiés à des sociétés, de grands groupes ou des banques avant d'adopter par la suite le système actuel basé sur les adhérents. Ces trois phases, valables chacune dans son contexte, ont été toutes caractérisées par le manque de régularité dans les résultats. Quelles ont été leurs failles ? Au cours de ces années, l'on s'est peu intéressé aux infrastructures. Certes, on a érigé quelques grands stades aux normes de la FIFA, mais au niveau de la pratique footballistique, notamment dans les petits patelins de 10000 à 20000 habitants, rien n'a été fait. Je vous donne quelques chiffres sur la structure footballistique. Au niveau des championnats, on compte 130 clubs dont une centaine amateurs. Cela équivaut à 4000 joueurs séniors. Chaque équipe doit disposer de 4 catégories de jeunes (minimes, cadets, juniors et espoirs) soit des dizaines de milliers de joueurs. Cela sans compter le football en salle et les ligues féminines qui suivent la même logique. Toutes catégories confondues, ce sont plus de 5000 matches qui se jouent chaque week-end au Maroc, nécessitant des infrastructures aux normes, des équipes d'encadrement, des milliers d'arbitres... Par où commencer pour y remédier ? Nous avons commencé notre programme infrastructures en 2015 pour un budget de 1,5 milliard de DH financé par les contributions du ministère de la jeunesse et du sport et des collectivités territoriales et supervisé par la Direction des équipements... Au lieu de gérer les budgets séparément, nous avons tout mis dans un même compte et nous avons fixé les priorités. Plus de 100 terrains de football ont été réaménagés dans toutes les régions du Maroc. Je cite à titre d'exemple Sidi Slimane, Assa, Elgara, Azilal, Laâyoune, Khouribga... Et le travail continue. D'ailleurs, ce modèle très efficient s'exporte aujourd'hui en Afrique. Autre maillon faible auquel nous nous sommes attaqué: la formation des jeunes qui était dispensée à 99% par des personnes non qualifiées. Ce n'est pas le fort du football national... Entre la détection du talent et l'âge d'intégrer un club sénior, environ 10 ans de passage à vide peuvent s'écouler. Pire, durant cette phase, il y a souvent une destruction du potentiel brut que l'enfant a exprimé à l'âge de 10 ans. Ce n'est qu'une fois en classe sénior qu'on s'active au niveau des équipes élites pour ramener le meilleur entraîneur, le meilleur préparateur physique et créer de bonnes conditions de travail. C'est comme si vous preniez un brillant élève qui vient de sortir du primaire, que rien n'est fait pour le former et l'encadrer comme il se doit au niveau du collège et du lycée et qu'une fois à l'université vous engagez les meilleurs professeurs de Harvard ou de Cambridge. Cela ne servira à rien ! Aussi, il ne suffit pas de réunir une centaine d'enfants dans une école, de leur donner des t-shirt du club, de faire des petites animations et prétendre former. La formation, c'est un cycle, des formateurs, une préparation physique, une croissance morphologique, mentale, musculaire, technique, tactique... Tout cela, notre système footballistique le zappe. Au bout du compte, seuls certains joueurs arrivent à échapper à cette spirale de destruction des talents et réalisent des exploits exceptionnels. Peut-on régler définitivement ce problème ? Je donnerai l'exemple du système allemand qui travaille correctement au niveau de la formation. Il ne sort jamais un Lionel Messi, mais forme une équipe nationale renouvelée qui joue toujours la demi ou la finale d'une Coupe du monde depuis 1934. Voilà la référence idéale pour nous. Sur cette base, je me suis réuni avec la direction technique nationale (DNT) et je lui ai dit que je voulais un système similaire, et, si c'est possible, listez-moi vos besoins et mettons-nous au boulot. La DTN a été chargée de préparer un programme de formation unique et homogène afin de créer un style de football marocain, de lui donner une identité. Il y a bien une école allemande et italienne, pourquoi ne pas avoir un football marocain en dispensant la même formation au niveau national ? Un partenariat a été conclu avec l'OFPPT et l'Institut de Limoges pour la formation dans une dizaine de métiers : chargé du matériel, directeur administratif et financier, directeur sportif, manager...Nous en sommes à notre deuxième promotion. Qu'avez-vous fait sur le plan de la gouvernance ? Parmi les actions menées, la mise en place et le renforcement des bonnes pratiques, la création d'une dynamique continue, la délégation et la fédération des équipes et membres de la FRMF autour de deux idées : la réussite comme défi et la prise de risque comme moyen pour y parvenir. Nous travaillons également sur une charte d'éthique et de bonne gouvernance au sein de la fédération. Et pour les clubs ? Un club modèle est un triptyque infrastructures, restructuration administrative et consolidation des capacités financières. Nous avions deux choix. Soit décréter une réforme et l'imposer, soit accompagner et construire collectivement avec le management des clubs. Nous avons choisi la dernière démarche qui a donné lieu au plan comptable adopté l'année dernière. Actuellement, la fédération forme les financiers des clubs pour mettre en application ce nouveau plan comptable. Pour les accompagner dans leur transformation en sociétés, nous avons fait appel à des cabinets spécialisés. Ce chantier est aujourd'hui irréversible si l'on veut professionnaliser la pratique footballistique. Aujourd'hui, nous sommes au niveau des dernières étapes pour que les clubs basculent en société à partir de la saison prochaine 2018-2019. Qu'apportera cette transformation aux clubs ? Elle vise à donner de la transparence à l'action sportive, crédibiliser les clubs vis-à-vis de leurs partenaires et donner du sens au métier du manager de football. Au Maroc, l'implication du monde des affaires est très faible. Et la réponse est unanime. Sur la place publique, on ne développe que des discours négatifs : caisse noire, pratiques frauduleuses, dysfonctionnements... Tout cela n'encourage pas les entreprises à associer leur image aux clubs. Opérer cette transformation, c'est s'ouvrir sur le monde des affaires et avoir des passerelles autres que la subvention publique. Vous conviendrez que les budgets actuels sont très modestes. Comment peut-on atteindre de bons résultats avec peu de moyens ? Au niveau des budgets, on demande aux responsables de faire le mieux avec les moyens dont ils disposent. C'est ça le management. Ce qui est valable pour les politiques publiques l'est pour le foot. La hiérarchisation des priorités et l'effort d'innovation sont nécessaires, de même que la capacité à gagner en efficience pour aller vers une indépendance des subventions étatiques. On pense également à creuser pour trouver des financements au niveau des fonds verts pour financer les projets de développement durable. Quel bilan dressez-vous de ces chantiers de réforme à ce jour ? Aujourd'hui, nous recensons plus de 100 pelouses synthétiques (8 à 9 MDH chacune) au niveau national. Ce qui fait que les compétitions se font dans des conditions très correctes. Cette semaine -l'entretien a eu lieu le 8 février-, nous allons ouvrir les stades du Père Jégo et de Berkane en pelouse naturelle, et celui de Berrechid en synthétique. Côté formation, en plus des actions prises dans le cadre de l'amélioration du contenu, de l'homogénéité des programmes et le niveau des formateurs, nous avons mis aux normes les plus abouties dont le Centre de formation de Maâmora de 30 ha, joyau du football national. Il sera opérationnel au mois d'avril. L'équipe nationale commencera d'ailleurs son stage pour la Coupe du monde dans ce centre. Au-delà de tous les aspects techniques de notre programme de développement que je viens de vous exposer, dans le football, ce qui compte au final, pour le public, c'est le résultat des équipes nationales. On ne peut pas lui demander d'attendre 2024 pour voir les premiers résultats, sachant que dans la mémoire collective, le souvenir le plus agréable remonte à une vingtaine d'années. Pour agir vite, il a fallu mettre de l'âme dans la sélection nationale et combler de nombreuses lacunes pour que la culture défaitiste qui s'est propagée au niveau du corps sportif et la déception ancrée chez les joueurs et les populations disparaissent. Le changement de méthodes a payé quelque part avec le retour du football aux devants de la scène africaine, la qualification au Mondial de Russie et la consécration au CHAN 2018. Comment avez-vous vécu ces moments? C'est un sacre qui tombe à point nommé et qui m'a personnellement apporté un réconfort sans pareil, puisqu'à travers ces exploits, nous nous rendons compte que nos efforts ne sont pas vains. Le lendemain de la finale du CHAN, je suis rentré célébrer cette victoire dans ma ville natale, Berkane. Un moment de pur partage avec la famille et les proches. Mais aussi une occasion pour présenter notre Maroc haut en couleur à quelques membres de la CAF que j'ai invités autour d'un déjeuner berkanais. Pour moi, l'amour de la ville vient juste après celui de la famille et du pays. Berkane, c'est mon milieu, c'est moi-même, c'est là où je me ressource auprès de mes parents et de mes amis au delà de mes fonctions de président de la FRMF ou de directeur du budget. Comment peut-on s'assurer que ces bonheurs se prolongent et que le football marocain se développe durablement ? Dans le foot, la logique de court terme n'est pas du tout indiquée. Il faut avoir une logique de préparation des générations futures et des actions dans le long terme. De plus, au niveau des politiques publiques et sportives, les responsables doivent savoir ce qu'ils veulent du football. Pour moi, je conçois le foot en tant que vecteur de développement social qui doit être basé sur une politique publique de sport, à l'instar de ce qui se fait dans les pays les plus avancés. Il suffit d'avoir à l'esprit que c'est une passion qui mobilise entre 500 000 et 800000 personnes chaque week-end pour prendre la pleine mesure de son importance. De plus, le sport ce sont aussi des valeurs, celles d'accepter la défaite, le vivre-ensemble, la solidarité, le partage, le respect des règles, la discipline... Encadrer sur cette base le million de jeunes qui jouent au football, c'est participer concrètement à construire une société saine. Cela prend du temps et demande beaucoup de travail... Le plus simple aurait été de se contenter de gérer le statu quo, mettre l'énergie sur la locomotive nationale. Autrement dit, soigner ce qui est visible et avec cela faire mandat honorable. Mais nous avons choisi une autre option, plus difficile, celle de réformer en profondeur et de mettre en place une stratégie et préparer la relève. Si vous figez votre action sur l'immédiat, c'est-à-dire le match du dimanche, vous passerez à côté d'une stratégie pérenne. La bonne gestion n'est autre que la capacité de prendre du recul par rapport à cet immédiat et s'inscrire dans les aspects stratégiques. Et c'est là que réside toute la difficulté et tout l'apport d'un manager footballistique qui doit accepter que les fruits de son travail soient récoltés par son successeur. Comment gérez-vous vos deux postes, celui de directeur du budget et de président de la FRMF ? Ma journée commence à 8h et se termine vers 10 heures du soir, y compris le week-end qui sont des journées d'activité dans le foot. Vous arrivez à vous en sortir? Je fais ce que je dois faire. Je ne me pose pas de questions. Les médias évoquent des divergences entre vous et Moulay Hafid Elalamy en termes de vision et de méthodologie dans la gestion du dossier de candidature du Maroc à l'organisation du Mondial 2026... Donnez-moi un système où il n'y a pas de divergences. On travaille sur un dossier qui intéresse un Etat de 35 millions de personnes et vous voulez que nous soyons d'accord sur tout ? Bien sûr qu'il peut y avoir des divergences de points de vue. Et puis il faut savoir qu'il n'y a pas que nous deux qui travaillons sur le dossier mais 77 personnes. Quand je dis à Moulay Hafid Elalamy qu'il doit renforcer ses équipes ou que je mets le point sur la nécessité de faire un travail diplomatique parallèle, c'est mon point de vue. Chacun de nous a son propre style. Je ne changerai pas et il ne changera pas. Ma mission est claire. J'ai mis à sa disposition toutes les données dont je disposais, je me consacre au volet football et Moulay Hafid Elalamy gère les autres attributions. Les divergences de points de vue sont un point positif dans chaque dossier de travail et il est nécessaire pour avancer. Quelles sont nos chances pour organiser la Coupe du monde 2026 ? Rien n'est gagné d'avance. La compétition sera rude. Nous avons des chances d'égal à égal mais tout dépendra du travail qui sera fait entre mars et juin 2018. Et celles de passer le premier tour du Mondial 2018 en Russie ? Nous ferons tout pour y arriver. Nous avons une belle équipe, des joueurs de haut niveau qui évoluent bien dans de grands clubs, et disputeront des matchs contre des joueurs qui sont d'habitude des collègues. Sur les 211 pays dans la FIFA, nous faisons partie des 32 équipes qui disputeront cette Coupe du monde. C'est déjà un exploit. Sur les 180 qui n'y prendront pas part, il y a une équipe comme l'Italie par exemple. Après de longues années, la FIFA nous classe 39e mondial. Si on se qualifie, c'est bien, sinon, on aura fait ce qu'il fallait faire Ce dont nous avons pu nous rendre compte, lorsqu'il nous a reçus, après moult sollicitations, dans son bureau au ministère des finances. C'est lui-même qui nous a servi le café, avant de se soumettre à deux heures d'entretien, durant lesquelles son téléphone n'a pas arrêté de sonner. Au niveau des résultats, les astres semblent bien alignés pour le football marocain ces derniers temps. Comment faire pour inscrire ces performances dans la durée ? Avant de répondre à cette question, j'aimerais d'abord revenir sur les différentes phases par lesquelles le football national est passé. D'une configuration amateurs, il a migré vers un schéma de sponsoring où les clubs ont été confiés à des sociétés, de grands groupes ou des banques avant d'adopter par la suite le système actuel basé sur les adhérents. Ces trois phases, valables chacune dans son contexte, ont été toutes caractérisées par le manque de régularité dans les résultats. Quelles ont été leurs failles ? Au cours de ces années, l'on s'est peu intéressé aux infrastructures. Certes, on a érigé quelques grands stades aux normes de la FIFA, mais au niveau de la pratique footballistique, notamment dans les petits patelins de 10000 à 20000 habitants, rien n'a été fait. Je vous donne quelques chiffres sur la structure footballistique. Au niveau des championnats, on compte 130 clubs dont une centaine amateurs. Cela équivaut à 4000 joueurs séniors. Chaque équipe doit disposer de 4 catégories de jeunes (minimes, cadets, juniors et espoirs) soit des dizaines de milliers de joueurs. Cela sans compter le football en salle et les ligues féminines qui suivent la même logique. Toutes catégories confondues, ce sont plus de 5000 matches qui se jouent chaque week-end au Maroc, nécessitant des infrastructures aux normes, des équipes d'encadrement, des milliers d'arbitres... Par où commencer pour y remédier ? Nous avons commencé notre programme infrastructures en 2015 pour un budget de 1,5 milliard de DH financé par les contributions du ministère de la jeunesse et du sport et des collectivités territoriales et supervisé par la Direction des équipements... Au lieu de gérer les budgets séparément, nous avons tout mis dans un même compte et nous avons fixé les priorités. Plus de 100 terrains de football ont été réaménagés dans toutes les régions du Maroc. Je cite à titre d'exemple Sidi Slimane, Assa, Elgara, Azilal, Laâyoune, Khouribga... Et le travail continue. D'ailleurs, ce modèle très efficient s'exporte aujourd'hui en Afrique. Autre maillon faible auquel nous nous sommes attaqué: la formation des jeunes qui était dispensée à 99% par des personnes non qualifiées. Ce n'est pas le fort du football national... Entre la détection du talent et l'âge d'intégrer un club sénior, environ 10 ans de passage à vide peuvent s'écouler. Pire, durant cette phase, il y a souvent une destruction du potentiel brut que l'enfant a exprimé à l'âge de 10 ans. Ce n'est qu'une fois en classe sénior qu'on s'active au niveau des équipes élites pour ramener le meilleur entraîneur, le meilleur préparateur physique et créer de bonnes conditions de travail. C'est comme si vous preniez un brillant élève qui vient de sortir du primaire, que rien n'est fait pour le former et l'encadrer comme il se doit au niveau du collège et du lycée et qu'une fois à l'université vous engagez les meilleurs professeurs de Harvard ou de Cambridge. Cela ne servira à rien ! Aussi, il ne suffit pas de réunir une centaine d'enfants dans une école, de leur donner des t-shirt du club, de faire des petites animations et prétendre former. La formation, c'est un cycle, des formateurs, une préparation physique, une croissance morphologique, mentale, musculaire, technique, tactique... Tout cela, notre système footballistique le zappe. Au bout du compte, seuls certains joueurs arrivent à échapper à cette spirale de destruction des talents et réalisent des exploits exceptionnels. Peut-on régler définitivement ce problème ? Je donnerai l'exemple du système allemand qui travaille correctement au niveau de la formation. Il ne sort jamais un Lionel Messi, mais forme une équipe nationale renouvelée qui joue toujours la demi ou la finale d'une Coupe du monde depuis 1934. Voilà la référence idéale pour nous. Sur cette base, je me suis réuni avec la direction technique nationale (DNT) et je lui ai dit que je voulais un système similaire, et, si c'est possible, listez-moi vos besoins et mettons-nous au boulot. La DTN a été chargée de préparer un programme de formation unique et homogène afin de créer un style de football marocain, de lui donner une identité. Il y a bien une école allemande et italienne, pourquoi ne pas avoir un football marocain en dispensant la même formation au niveau national ? Un partenariat a été conclu avec l'OFPPT et l'Institut de Limoges pour la formation dans une dizaine de métiers : chargé du matériel, directeur administratif et financier, directeur sportif, manager...Nous en sommes à notre deuxième promotion. Qu'avez-vous fait sur le plan de la gouvernance ? Parmi les actions menées, la mise en place et le renforcement des bonnes pratiques, la création d'une dynamique continue, la délégation et la fédération des équipes et membres de la FRMF autour de deux idées : la réussite comme défi et la prise de risque comme moyen pour y parvenir. Nous travaillons également sur une charte d'éthique et de bonne gouvernance au sein de la fédération. Et pour les clubs ? Un club modèle est un triptyque infrastructures, restructuration administrative et consolidation des capacités financières. Nous avions deux choix. Soit décréter une réforme et l'imposer, soit accompagner et construire collectivement avec le management des clubs. Nous avons choisi la dernière démarche qui a donné lieu au plan comptable adopté l'année dernière. Actuellement, la fédération forme les financiers des clubs pour mettre en application ce nouveau plan comptable. Pour les accompagner dans leur transformation en sociétés, nous avons fait appel à des cabinets spécialisés. Ce chantier est aujourd'hui irréversible si l'on veut professionnaliser la pratique footballistique. Aujourd'hui, nous sommes au niveau des dernières étapes pour que les clubs basculent en société à partir de la saison prochaine 2018-2019. Qu'apportera cette transformation aux clubs ? Elle vise à donner de la transparence à l'action sportive, crédibiliser les clubs vis-à-vis de leurs partenaires et donner du sens au métier du manager de football. Au Maroc, l'implication du monde des affaires est très faible. Et la réponse est unanime. Sur la place publique, on ne développe que des discours négatifs : caisse noire, pratiques frauduleuses, dysfonctionnements... Tout cela n'encourage pas les entreprises à associer leur image aux clubs. Opérer cette transformation, c'est s'ouvrir sur le monde des affaires et avoir des passerelles autres que la subvention publique. Vous conviendrez que les budgets actuels sont très modestes. Comment peut-on atteindre de bons résultats avec peu de moyens ? Au niveau des budgets, on demande aux responsables de faire le mieux avec les moyens dont ils disposent. C'est ça le management. Ce qui est valable pour les politiques publiques l'est pour le foot. La hiérarchisation des priorités et l'effort d'innovation sont nécessaires, de même que la capacité à gagner en efficience pour aller vers une indépendance des subventions étatiques. On pense également à creuser pour trouver des financements au niveau des fonds verts pour financer les projets de développement durable. Quel bilan dressez-vous de ces chantiers de réforme à ce jour ? Aujourd'hui, nous recensons plus de 100 pelouses synthétiques (8 à 9 MDH chacune) au niveau national. Ce qui fait que les compétitions se font dans des conditions très correctes. Cette semaine -l'entretien a eu lieu le 8 février-, nous allons ouvrir les stades du Père Jégo et de Berkane en pelouse naturelle, et celui de Berrechid en synthétique. Côté formation, en plus des actions prises dans le cadre de l'amélioration du contenu, de l'homogénéité des programmes et le niveau des formateurs, nous avons mis aux normes les plus abouties dont le Centre de formation de Maâmora de 30 ha, joyau du football national. Il sera opérationnel au mois d'avril. L'équipe nationale commencera d'ailleurs son stage pour la Coupe du monde dans ce centre. Au-delà de tous les aspects techniques de notre programme de développement que je viens de vous exposer, dans le football, ce qui compte au final, pour le public, c'est le résultat des équipes nationales. On ne peut pas lui demander d'attendre 2024 pour voir les premiers résultats, sachant que dans la mémoire collective, le souvenir le plus agréable remonte à une vingtaine d'années. Pour agir vite, il a fallu mettre de l'âme dans la sélection nationale et combler de nombreuses lacunes pour que la culture défaitiste qui s'est propagée au niveau du corps sportif et la déception ancrée chez les joueurs et les populations disparaissent. Le changement de méthodes a payé quelque part avec le retour du football aux devants de la scène africaine, la qualification au Mondial de Russie et la consécration au CHAN 2018. Comment avez-vous vécu ces moments? C'est un sacre qui tombe à point nommé et qui m'a personnellement apporté un réconfort sans pareil, puisqu'à travers ces exploits, nous nous rendons compte que nos efforts ne sont pas vains. Le lendemain de la finale du CHAN, je suis rentré célébrer cette victoire dans ma ville natale, Berkane. Un moment de pur partage avec la famille et les proches. Mais aussi une occasion pour présenter notre Maroc haut en couleur à quelques membres de la CAF que j'ai invités autour d'un déjeuner berkanais. Pour moi, l'amour de la ville vient juste après celui de la famille et du pays. Berkane, c'est mon milieu, c'est moi-même, c'est là où je me ressource auprès de mes parents et de mes amis au delà de mes fonctions de président de la FRMF ou de directeur du budget. Comment peut-on s'assurer que ces bonheurs se prolongent et que le football marocain se développe durablement ? Dans le foot, la logique de court terme n'est pas du tout indiquée. Il faut avoir une logique de préparation des générations futures et des actions dans le long terme. De plus, au niveau des politiques publiques et sportives, les responsables doivent savoir ce qu'ils veulent du football. Pour moi, je conçois le foot en tant que vecteur de développement social qui doit être basé sur une politique publique de sport, à l'instar de ce qui se fait dans les pays les plus avancés. Il suffit d'avoir à l'esprit que c'est une passion qui mobilise entre 500 000 et 800000 personnes chaque week-end pour prendre la pleine mesure de son importance. De plus, le sport ce sont aussi des valeurs, celles d'accepter la défaite, le vivre-ensemble, la solidarité, le partage, le respect des règles, la discipline... Encadrer sur cette base le million de jeunes qui jouent au football, c'est participer concrètement à construire une société saine. Cela prend du temps et demande beaucoup de travail... Le plus simple aurait été de se contenter de gérer le statu quo, mettre l'énergie sur la locomotive nationale. Autrement dit, soigner ce qui est visible et avec cela faire mandat honorable. Mais nous avons choisi une autre option, plus difficile, celle de réformer en profondeur et de mettre en place une stratégie et préparer la relève. Si vous figez votre action sur l'immédiat, c'est-à-dire le match du dimanche, vous passerez à côté d'une stratégie pérenne. La bonne gestion n'est autre que la capacité de prendre du recul par rapport à cet immédiat et s'inscrire dans les aspects stratégiques. Et c'est là que réside toute la difficulté et tout l'apport d'un manager footballistique qui doit accepter que les fruits de son travail soient récoltés par son successeur. Comment gérez-vous vos deux postes, celui de directeur du budget et de président de la FRMF ? Ma journée commence à 8h et se termine vers 10 heures du soir, y compris le week-end qui sont des journées d'activité dans le foot. Vous arrivez à vous en sortir? Je fais ce que je dois faire. Je ne me pose pas de questions. Les médias évoquent des divergences entre vous et Moulay Hafid Elalamy en termes de vision et de méthodologie dans la gestion du dossier de candidature du Maroc à l'organisation du Mondial 2026... Donnez-moi un système où il n'y a pas de divergences. On travaille sur un dossier qui intéresse un Etat de 35 millions de personnes et vous voulez que nous soyons d'accord sur tout ? Bien sûr qu'il peut y avoir des divergences de points de vue. Et puis il faut savoir qu'il n'y a pas que nous deux qui travaillons sur le dossier mais 77 personnes. Quand je dis à Moulay Hafid Elalamy qu'il doit renforcer ses équipes ou que je mets le point sur la nécessité de faire un travail diplomatique parallèle, c'est mon point de vue. Chacun de nous a son propre style. Je ne changerai pas et il ne changera pas. Ma mission est claire. J'ai mis à sa disposition toutes les données dont je disposais, je me consacre au volet football et Moulay Hafid Elalamy gère les autres attributions. Les divergences de points de vue sont un point positif dans chaque dossier de travail et il est nécessaire pour avancer. Quelles sont nos chances pour organiser la Coupe du monde 2026 ? Rien n'est gagné d'avance. La compétition sera rude. Nous avons des chances d'égal à égal mais tout dépendra du travail qui sera fait entre mars et juin 2018. Et celles de passer le premier tour du Mondial 2018 en Russie ? Nous ferons tout pour y arriver. Nous avons une belle équipe, des joueurs de haut niveau qui évoluent bien dans de grands clubs, et disputeront des matchs contre des joueurs qui sont d'habitude des collègues. Sur les 211 pays dans la FIFA, nous faisons partie des 32 équipes qui disputeront cette Coupe du monde. C'est déjà un exploit. Sur les 180 qui n'y prendront pas part, il y a une équipe comme l'Italie par exemple. Après de longues années, la FIFA nous classe 39e mondial. Si on se qualifie, c'est bien, sinon, on aura fait ce qu'il fallait faire