Bien que le travail effectué par la DTN soit colossal, Nasser Larguet s'est dit insatisfait. «Nous avons trois chantiers prioritaires, le premier consiste à continuer à travailler et à professionnaliser toutes les actions que l'on a au niveau des Ligues et au niveau amateur.» « Il y a une grande réforme est en projet au niveau de la formation des cadres. On a essayé au début de rattraper le retard qu'on a à ce niveau, mais la DTN n'est pas satisfaite de son propre travail. Il nous faut des cadres professionnels de plus haut niveau. Aujourd'hui, nous avons des cadres pour combler un déficit d'entraineurs et d'éducateurs à l'échelle nationale. Mais je ne suis pas tout à fait satisfait. On est en train de travailler avec Jean Pierre Morlans et l'ensemble de la DTN pour refonder et revoir tout le contenu du travail et les exigences pour chaque formation de la pratique», s'est-il confié. Larguet a, en outre, souligné que ce qui intéresse l'opinion publique, ce sont les résultats. À ce sujet, il a précisé que l'équipe A est en train de travailler sur deux objectifs, à savoir la qualification pour la Coupe du monde 2018 et la CAN 2019 au Cameroun. À cela s'ajoutent d'autres dossiers : la qualification pour le CHAN et la préparation de la future équipe U23 pour 2019, la future U20 pour 2019, et la future équipe U17 pour 2019. La Licence Pro CAF dès le mois d'avril Considéré comme un modèle en Afrique, le Maroc via la Direction technique nationale va pouvoir dispenser dès le mois d'avril la formation de la licence Pro CAF. En plus, la DTN a proposé à la Fédération de faire des formations annexes en dehors de l'aspect technique. Dans ce sens, un partenariat tripartie a été signé entre la FRMF, l'OFPPT et le Centre de droit et d'économie de sport de Limoges en France pour former à la fois les directeurs administratifs financiers nécessaires pour professionnaliser nos clubs et les stadium managers, c'est-à-dire des gens qui vont s'occuper des stades et des infrastructures sportives. Ces formations ont déjà démarré avec l'OFPPT qui va dispenser des prérequis aux lauréats. La formation effective débutera au mois d'avril et durera 18 mois. La troisième formation qui sera dispensée est la licence en «football management». Elle est ouverte aux anciens internationaux ayant disputé une Coupe d'Afrique ou une Coupe du monde. Ces derniers seront les futures personnes qui vont travailler dans le management des clubs professionnels. Entretien avec Nasser Larguet, directeur technique national «Nous sommes les derniers en termes d'intégration des joueurs forméslocalement en équipe nationale A» Le Matin : La Direction technique nationale (DTN) est souvent vue uniquement sous l'angle des équipes nationales, trouvez-vous cela injuste ? Nasser Larguet : Effectivement, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) en général et, bien sûr, la DTN sont vues uniquement à travers des équipes nationales. Or les équipes nationales sont la résultante de tout le travail que nous faisons. La DTN est un département qui a en charge la mise en place de la politique technique nationale définie par le président de la FRMF et son bureau et éventuellement proposer des actions sur le plan strictement technique. Elle est composée de trois départements intimement liés. Le premier travaille avec le football de masse, c'est-à-dire le monde amateur, les Ligues régionales et les clubs professionnels dans le secteur des jeunes. Le second est celui de la formation des cadres. Il comprend la formation classique des entraîneurs et octroie ce qu'on appelle les licences D, C, B et A. Le troisième est celui de la préparation des équipes nationales de jeunes. Les équipes nationales sont la résultante de tout le travail que je viens de citer parce qu'on a besoin des clubs professionnels pour former de jeunes joueurs qui seront amenés à jouer dans des équipes nationales de jeunes. C'est aussi la résultante de la qualité des formateurs et des entraîneurs qu'on a. Plus les équipes du championnat participent honorablement aux compétitions africaines et plus on a de joueurs compétitifs pour l'équipe A. On l'a vu récemment avec le FUS et le WAC, qui nous ont fourni de bons joueurs pour l'équipe locale, qui a réussi a enchaîner des performances positives contre le Cameroun, le Burkina Faso et le Mali. Cette équipe composée de joueurs âgés de moins 25 ans est en train de devenir compétitive. Vous venez de dire que les joueurs locaux étaient très bons. Comment expliquez-vous alors leur faible présence dans l'équipe A qui a disputé la Coupe d'Afrique des nations ? Quand on fait le bilan de l'ensemble des équipes qui ont participé à la CAN, nous sommes les derniers en termes d'intégration des joueurs formés localement. Nous sommes la Fédération où seulement quatre joueurs formés localement figuraient dans l'équipe A lors de la CAN 2017. À titre de comparaison, le Cameroun compte 19 joueurs, la Côte d'Ivoire 15. Les quatre joueurs formés localement sont Yacine Bounou et Amine Attouchi du WAC, et les deux jeunes Hamza Mendil et Youssef En-Nsyeri. Ces chiffres doivent nous alerter. Comment se fait-il que des nations comme la Côte d'Ivoire, le Cameroun ou le Burkina Faso arrivent à former autant de joueurs et pas nous ? On n'est pas plus bête que les autres ! Nous avons des potentialités au Maroc. On le voit à travers l'équipe locale. On est en train de découvrir des joueurs qui ont un énorme potentiel. Vous avez Walid Azaro, Walid El Karti, et plein d'autres bons joueurs. Malheureusement, on ne leur fait pas toujours confiance à 100% dans les clubs pour leur permettre de parfaire leur formation et leur donner une base solide pour l'avenir. Je suis persuadé que si on s'y intéresse, on va y arriver. Effectivement, votre remarque pertinente, car aujourd'hui l'équipe nationale du Maroc est faite de joueurs que l'entraineur, en son âme et conscience, a choisis parce qu'il pensait que ces joueurs-là allaient être performants par rapport à ses objectifs. Je suis sûr que plusieurs autres joueurs vont très rapidement frapper à la porte de l'équipe nationale A, puisqu'Hervé Renard est très ouvert aux joueurs locaux. Vous avez dit que nous étions les derniers en termes d'intégration des joueurs formés localement en équipe nationale A. Est-ce une critique voilée pour les clubs ? Ce n'est pas du tout une critique. Il faut arrêter de se voiler la face. On a perdu le fil de la formation depuis quelques années. Il ne faut pas se le cacher, il faut dire la vérité. Je ne le dis pas seulement comme ça en l'air. Ce sont les acteurs mêmes qui ont travaillé pendant des années dans le football marocain qui me le disent. Cela fait 10 ans que je suis rentré dans mon pays pour œuvrer au niveau de la formation des jeunes, grâce au projet de Sa Majesté le Roi qu'est l'Académie Mohammed VI. On a été un pays formateur. Nous sommes un pays du football, nous avons de bons jeunes, mais on a perdu le fil de la formation, parce qu'on a voulu avoir des joueurs prêts, capables d'accomplir des performances. On a délaissé les jeunes joueurs. On s'est même aperçu que les moyens que donnait la FRMF à ces clubs pour encourager la formation avaient été détournés pour les équipes premières au détriment des jeunes. On s'aperçoit que certains clubs n'avaient même pas 15 ballons pour pouvoir entraîner leurs jeunes. Ce n'est pas normal. Quand on voit qu'il y a des clubs qui n'ont qu'un seul terrain à partager en quatre pour quatre catégories, U15 ans, U17 ans, U19 ans et les espoirs, c'est qu'il y a un problème de formation. Ce n'est pas aujourd'hui que nous n'avons que 4 joueurs formés localement en équipe A. C'est depuis 2004 que très peu de joueurs locaux jouent en équipe nationale. Ce n'est donc pas l'arrivée de Faouzi Lekjaa, d'Ali Fassi Fihri ou de Nasser Larguet à la DTN qui a fait qu'on a ce problème-là. Aujourd'hui, le président de la Fédération veut redonner au Maroc la place qu'il avait au niveau de la formation. Cela ne veut pas dire qu'on n'a jamais eu de formation, ce serait une erreur de le croire et ce serait malhonnête de ma part de le dire. Aujourd'hui, il faut qu'on rétablisse la vérité. Les clubs ne forment pas. À peine 3 ou 4 se sont mis à faire de la formation, mais les autres ne suivent pas. Je sais pertinemment que dans les régions où évoluent ces clubs, il y a de fortes potentialités. Il faut aujourd'hui qu'on se mette au travail, qu'on retrousse les manches et qu'on se dise : nous aussi on est capable d'être comme le Burkina Faso, le Cameroun ou la Côte d'Ivoire, former chez nous, exporter des joueurs et gagner des titres.