L'ancien défenseur de Valenciennes, Abdeslam Ouaddou, connaît bien Zahir Belounis. Comme ce dernier, qui rentre aujourd'hui en France après un bras de fer avec son ancien club qui a duré deux ans, il a été retenu contre son gré au Qatar de 2011 jusqu'en novembre 2012. Pour metronews, il revient sur ce moment particulier. Auquel il n'a cru qu'une fois l'avion parti de Doha. Comment avez-vous réagi quand vous avez appris que Zahir allait pouvoir rentrer en France ? J'ai eu Zahir [Belounis, ndlr] mercredi matin, il m'a dit que c'était dans la poche, c'est un vrai soulagement. J'ai d'abord été un peu mitigé. Cela fait six semaines qu'ils [les Qataris] nous font le coup. Aujourd'hui, il a obtenu son visa de sortie et j'en suis ravi pour lui, pour sa famille, pour sa maman qui ne l'a pas vu depuis deux ans. On le serait pour moins... On sent qu'il était au bout du rouleau et qu'il entrevoit le bout du tunnel. C'était un très long combat. Je ne vous cache pas qu'il y a deux semaines, alors qu'on se parlait quatre fois par semaine au téléphone, quand je n'ai plus eu de nouvelles de lu, j'ai commencé à flipper car je savais qu'il avait des idées noires. Je peux le comprendre. Même si pour moi cela a duré moins longtemps, je sais qu'il s'est trouvé dans une situation où il ne contrôlait plus rien du tout. Au Qatar, la Kafala, ce système esclavagiste où vous appartenez à un habitant de l'émirat et où vous êtes pieds et poings liés, vous broie. C'est un sentiment d'emprisonnement pur et simple. Quoique vous fassiez, si vous n'avez pas le visa de sortie que vous accorde votre employeur qatari, vous ne sortez pas du pays. Si vous êtes en litige avec lui, il ne vous le donnera que si vous abandonnez la procédure. "Jusqu'à ce que l'avion décolle, avec ma femme, on tremblait de peur" C'est ce qu'a fait Zahir Belounis ? Pendant deux ans, il a été séquestré là-bas et il se retrouve avec plus rien du tout. Heureusement, je sais qu'il est courageux et intelligent. Il m'a dit : "Ma dignité vaut plus que tout et s'il faut que je m'assoie sur mon contrat pour pouvoir repartir, je le ferai et je me reconstruirai". Je sais qu'il en est capable. Comment se passe le retour après tant de temps ? Jusqu'à ce que l'avion décolle, avec ma femme, on tremblait de peur. On se disait qu'au dernier moment, ils allaient nous faire le coup de nous dire qu'on ne partait pas. Quand l'avion a décollé, avec ma femme, on s'est serré dans les bras en se disant qu'on allait quitter cet enfer. Au Qatar, c'est toujours la même méthode. Quand il y a un litige, ils viennent vous dire d'accepter le deal quand il y en a un, à partir de là, il y a un rapport de force et évidemment, chez eux, ce seront toujours les plus forts. Donc ils ne vous payent plus, ils vous coupent les vivres et avec votre famille, ils vous laissent comme ça, sans la possibilité de rentrer chez vous. Vous êtes pris en otage. "J'ai été absorbé par l'image que le Qatar se construit à coups de milliards" Avant de rejoindre le Qatar en 2010, vous étiez au courant de la kafala, ce système de parrainage qui oblige un travail étranger à avoir un sponsor local ? Non et c'est probablement mon erreur. J'ai découvert ça là-bas. Mais contrairement à ce que pensent les gens, on ne va pas au Qatar uniquement pour l'argent. En ce qui me concerne, j'ai eu des meilleurs contrats en Europe que quand j'ai joué à Doha. En Angleterre (Fulham) ou à l'Olympiakos (Grèce), j'étais mieux payé. Si je suis parti là-bas, c'est surtout parce que c'était ma seule opportunité en quittant de Nancy. J'ai été absorbé par l'image que le Qatar se construit à coups de milliards, celle d'un état moderne, de gentlemen, etc... Mais aujourd'hui, ma pensée est toute autre.