En 48 heures, la police espagnole a battu son propre record et celui de la 2ème plus grosse prise de tous les temps de cannabis. Lors de deux opérations, la police espagnole met la main sur 84 tonnes de haschich. En 48 heures, la police espagnole a battu son propre record et celui de la 2ème plus grosse prise de tous les temps de cannabis. Lors de deux opérations, la police espagnole met la main sur 84 tonnes de haschich. Connu pour son beau temps, le printemps est une saison où les trafiquants marocains s'activent, mais où ils augmentent rarement le volume des livraisons à ce point. En outre, ils semblent désormais jouer aussi la carte de l'Afrique via la Mauritanie et le Maghreb via l'Algérie. Le tour de vis donné par les autorités marocaines et espagnoles a contraint les narcotrafiquants à revoir leurs tactiques. Cependant, la hausse sensible des quantités de drogue montre que malgré la lutte menée au Maroc, la culture du cannabis continue à occuper de grandes superficies. La police et la douane espagnoles n'en reviennent pas. En deux jours, elles ont réussi à mettre la main sur 84 tonnes de résine de cannabis. La première saisie a été effectuée dans le Sud de l'Espagne et plus précisément dans le grand port de marchandises d'Algésiras fin avril dernier. Des agents de la Garde civile espagnole décident, dans le cadre d'une opération de contrôle, de vérifier la cargaison d'un camion frigorifique. Le camion contenait bien quelques caisses de melons, mais derrière se cachaient en fait 24 autres caisses de bois pleines à craquer de ballots de cannabis enveloppés dans des sacs en toile de jute. L'opération baptisée «Melonar» par la police espagnole alerte les autorités marocaines qui entament de leur côté une enquête pour connaître les raisons du passage d'une marchandise si peu dissimulée. Les premières conclusions de l'enquête, et après vérification des enregistrements des caméras de surveillance (quelque 500 caméras sont disposées dans l'enceinte du port Tanger-Med), conduisent à l'émission de mandats d'arrêt à l'encontre de quatre personnes. Les vidéos en question montrent comment les complices ont permis au camion de rentrer en territoire espagnol sans passer par le scanner. Cette saisie représente près de 10% du bilan total des saisies de 2012, représentant une valeur marchande de 50 millions d'euros. Cette opération n'est pas restée longtemps dans les annales du trafic de drogue comme grande prise. Complicités douanières Le 3 mai dernier, la police espagnole effectue par hasard l'une des plus belles saisies de tous les temps. 52 tonnes de haschich. Un record digne du livre Guiness. Suite à une alerte d'un témoin qui suspectait une tentative de vol, la police espagnole a découvert un grand stock de cannabis. La résine en provenance du Maroc était stockée dans un entrepôt de la zone industrielle Torrecilla-Amargacena à Cordoue. Une fois sur place, la police saisit les plus grande quantité de toute son histoire. La drogue «était empilée en ballots contenant entre six ou sept briques dont l'origine était marquée sur chacune», a indiqué la police espagnole. Le record de la plus grosse saisie était détenu jusque-là par un cargo panaméen transportant 36 tonnes de haschisch à Galice en 1996. Au Maroc, le record avait été atteint en 2007, avec une prise de 35 tonnes. Par quoi peut-on expliquer cette «frénésie exportatrice» qui a pris les contrebandiers et les trafiquants de drogue entre le Maroc et L'Espagne ? Avec la disparition en 2004 de l'Observatoire géopolitique des drogues (OGD), bien malin celui qui pourrait prédire l'avenir et expliquer le présent. Toutefois des questions se posent avec acuité. Pourquoi risquer de transporter 84 tonnes de drogue en si peu de temps ? Et pourquoi les trafiquants n'ont pas utilisé les avions pour les grandes quantités avec des pistes de décollage de fortune dans le rif marocain comme ils en avaient l'habitude ? Et comment ces cargaisons ont réussi à passer la frontière marocaine alors qu'elles n'étaient pas bien dissimulées ? Suite à la saisie de ces 84 tonnes, la police marocaine et espagnole ont procédé à plusieurs arrestations. Une première opération maroco-espagnole conjointe conduit à l'arrestation de quatre personnes au port de Tanger-Med suite à l'opération Melonar. De source judiciaire, on indique qu'une «coopération étroite a été mis en place bien avant l'annonce de cette saisie afin de réussir l'enquête qui a jusqu'à présent abouti à l'arrestation de quatre ressortissants marocains, deux douaniers et deux employés d'une agence de sécurité privée», alors qu'une cinquième personne est recherchée par la police après avoir été identifiée. Une seconde opération lancée par la police espagnole au sujet des 52 tonnes saisies dans l'entrepôt à Cordoue a permis l'arrestation de trois personnes. L'opération déclenchée le vendredi 3 mai a mobilisé plus de 30 agents de la police qui précise que cette opération n'a pas encore pris fin. La déléguée du gouvernement espagnol en Andalousie, Carmen Crespo a donné lundi dernier une conférence de presse pour fournir plus de détails sur l'opération. L'enquête a révélé que la destination de la cargaison était la ville de Perpignan. Le conducteur du camion, un ressortissant marocain, a été arrêté le 27 avril à Algésiras et a été traduit en justice. Selon plusieurs organismes, notamment l'organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), le Maroc est le principal pays fournisseur de résine de cannabis consommée en Europe. Selon l'OICS, 72% de la résine de cannabis saisie par les autorités douanières dans le monde en 2011, provenaient du Maroc, où 47.400 hectares de terres servaient en 2010 à la culture de cannabis. En 2011, les autorités marocaines ont saisi 138 tonnes de résine de cannabis. Un rapport de l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), publié en juin dernier, avait donné la première place au Maroc dans ce triste classement. Pourtant, en 2010, et selon un rapport des Nations Unies, c'est bel et bien l'Afghanistan qui est le premier producteur de haschich avec un rendement à l'hectare de 145 kg, alors que celui-ci ne dépasse pas 40 kg au Maroc. Aujourd'hui, la percée de la drogue en quantités et en zones d'exportation et de transit préoccupe. Il y a lieu à cet égard de signaler que le trafic n'est plus orienté seulement vers l'Espagne, principale porte d'entrée de la drogue sur le territoire européen. Depuis quelques années, le trafic se développe à l'Oriental, mais aussi vers la Mauritanie. La mafia met le paquet sur l'Algérie C'est ainsi que la MAP a indiqué que plus de huit tonnes de haschich ont été saisis dans l'est du Maroc à Oujda et Bouarfa en septembre 2012. A la mi-avril 2013 deux véhicules transportant 2,5 tonnes de cannabis ont été arrêtés près de Maghnia à la frontière maroco-algérienne, non loin de Tlemcen. La direction régionale de la Douane algérienne a indiqué que d'importantes «cargaisons de cannabis sont régulièrement saisies en Algérie, particulièrement dans l'ouest du pays près de la frontière avec le Maroc». Une partie du cannabis produit au Maroc transite par l'Algérie pour son exportation, mais aussi pour la consommation locale. Bien que fermée depuis 1994, la frontière algérienne est franchie par les passeurs, les contrebandiers, les trafiquants de drogue et même les populations frontalières. Selon la presse algérienne, près de 157 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en Algérie, contre 53 tonnes en 2011, selon l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT). Toujours début mai et près de Tlemcen aussi, La gendarmerie algérienne a saisi 10 quintaux de kif traité en provenance du Maroc. Le chauffeur du véhicule, qui transportait la drogue dans des sacs de 20 et 25 kilogrammes, a pris la fuite à travers la bande frontalière. Les services de la gendarmerie ont pu saisir dans cette wilaya une quantité importante de drogue en 2012, qui s'élève à 378 quintaux. Cette percée se retrouve également dans le Sud du Maroc. En Mauritanie, les quantités saisies ont augmenté substantiellement. Les autorités sont même arrivées à saisir plus de six tonnes de cannabis. L'année 2013 a été celle des saisies record aussi bien en France qu'en Espagne. L'aéroport d'Orly par exemple en France a saisi en 2012 près de 165 kilos, soit l'équivalent des cinq années précédentes. La résine de cannabis transite par l'aéroport d'Orly dans le cadre d'un «trafic vers la Guadeloupe et la Martinique où elle est échangée contre de la cocaïne», a expliqué la douane française. Les trafiquants de drogue rivalisent donc d'ingéniosité pour faire passer leur drogue en la dissimulant le plus possible. Au Maroc, certains choisissent la manière forte et forcent barrages et postes de contrôle sur les routes, mais à l'étranger, la politique du bulldozer doit être changée par celle de la ruse et du jeu trouble des complicités de part et d'autre de la frontière. Parmi les constats dressés par les analystes en criminologie, force est de constater qu'aujourd'hui que le trafic augmente et que les quantités diminuent par la voie aérienne, tandis qu'elles atteignent des pics inégalés par la voie terrestre. Les trafiquants ont semble-t-il perdu la bataille aérienne et se focalisent sur la voie terrestre. En outre et selon la douane française, un changement de comportement des trafiquants se profile. «Depuis au moins cinq ans, on note une augmentation régulière du nombre de saisies, mais une réduction importante des quantités appréhendées par saisie. Chaque saisie représentait une moyenne de 4,5 kilos en 2007 pour moins de 900 grammes en 2012». Un écart qui en dit long. Est-ce à dire que les saisies opérées sur les grandes quantités incitent les trafiquants à multiplier le nombre des livraisons et des «mules» qui assurent le transport. La réponse est équivoque. Ce qui est sûr c'est que les trafiquants marocains vivent ces derniers mois un printemps noir. Les déboires et les saisies bien qu'importantes ne représentent malheureusement qu'une petite partie des quantités qui circulent. Premier fournisseur de l'Europe, le Maroc bien qu'ayant lancé une politique de lutte contre le kif qui a permis de réduire les superficies cultivées ne peut faute de fonds lutter contre toute une culture enracinée au fil des ans.