Lorsque nos deux princesses foulent le tapis rouge menant vers la place du Palais, tout le rocher est sous le charme. On appelle ce petit coin de paradis, le Rocher. Monaco, une principauté aux relents passéistes, une étiquette figée dans le temps, une famille royale bouleversée par le tumulte d'un destin tantôt tragique, tantôt féerique. A mi-chemin entre l'adulation et la moquerie, les Grimaldi (famille régnante), jouent, depuis une cinquante d'années, au jeu du «je t'aime moi non plus» avec la presse people et les hordes de paparazzi qui se déversent régulièrement sur cette parcelle d'exception princière, nichée en Hexagone. Le «storytelling» de l'événement était le suivant. Un prince fêtard, vautré depuis un demi-siècle dans le tourbillon de la jet-set, célibataire, emperlant les conquêtes et, corollaire fatale, d'un appétit charnel exacerbé, les enfants illégitimes, épouse une ex-championne de natation, native de la contrée de Mandela. Du conte de fées en barre. Quand on évoque Monaco au Marocain lambda, on obtient les clichés en vogue liés aux Grimaldi. Tragique : décès de Grace Kelly, débauche bling-bling de Stéphanie, drame de l'aînée Caroline qui perd son mari, Stefano Casiraghi, victime d'un fâcheux accident de motonautisme. Le samedi 2 juillet 2011 fut l'occasion pour les Grimaldi de conjurer les mauvais sorts d'antan. Et pour ce faire, on mit les petits plats dans les grands. Le parterre d'invités de la cérémonie religieuse ferait pâlir Davos et le G8 confondus. Un parterre de rêve. Voyez. Letizia et Felipe d'Espagne, Victoria de Suède, Umberto Tozzi, Andrea Bocelli, Inès de la Fressange et ce bon vieux Karl Lagerfeld, celui la même qui, commentateur lors du mariage de Kate et William, s'était répandu de compliments sur la tenue éthérée de la princesse Lalla Salma. Ayant troqué son fauteuil d'analyste vestimentaire pour un strapontin d'invité, il fallait que France Télévisions lui trouve un substitut. C'est Stéphane Bern, cette grande berge sympathique, et adoratrice aveugle des royautés devant l'Eternel, qui le remplacera au micro. Verdict du changement, Bern sur France 2, taillera des croupières d'audimat à TF1. Plus de 4,2 millions de téléspectateurs contre un peu moins de 2 millions pour la chaîne de Martin Bouygues. «Ah les premiers invités arrivent», s'écrie subitement Bern, faisant sursauter sa copilote d'un jour au desk Marie Drucker. «Qui représente le Maroc ?» De l'autre côté de la Méditerranée, chez nous, on se dégrise à peine du référendum de la veille. Devant leurs télés, par un samedi indolent, les Marocains se reluisent les mirettes devant le défilé de faste et de glamour que constitue la procession des convives. Le débat constitutionnel ayant écrasé toute autre actualité, rares sont ceux qui savent le Maroc représenté au mariage monégasque. Sur Twitter, quelques statuts raillards accompagnent la sortie des invités des hôtels de Paris et l'Hermitage. @Lamiab tente de calculer le Dollar par centimètre carré que vaut la robe farouchement échancrée de Naomi Campbell. Sur Facebook, quelqu'un pose «ze» question. «Qui représente le Maroc ?». On est bien en peine de lui fournir un début de réponse. Sur la place du palais où sera célébrée la cérémonie religieuse, on a dressé un interminable tapis rouge. Les caméras s'attardent sur l'entrée des invités. Florilège d'écussons, de chapeaux improbables et de hautes tenues. Les roturiers s'entremêlent aux royaux lesquels cèdent de l'espace aux stars du showbiz. «Tiens !» relève Marie Drucker, «voila Bernadette». L'épouse de l'ex-président Jacques Chirac, grand amoureux du royaume chérifien, rappelle aux téléspectateurs nationaux qu'il y a comme un goût d'inachevé aux festivités. «Pas de Marocains à l'horizon», s'attriste @Nadial sur Twitter. Elle est retweeté quelque 120 fois. Le planning du jour est réglé comme du papier à musique. Albert II et Charlène s'échangeront les vœux à 17 H 00 heure locale tapante. Or, il est 16H30, et toujours nul froufrou de caftan n'est visible dans les parages. Soudain, Bern s'étouffe. «Regardez-moi ça !». Petite pause. «C'est la princesse Lalla Meryem, sœur de Sa Majesté le roi Mohammed VI ; elle est accompagnée de sa ravissante fille, la princesse Lalla Soukaïna». Une reporter de BFM TV s'émerveille : «Elles sont belles, on les dirait sœurs». Quittant majestueusement l'Hôtel de Paris, nos princesses de beauté, foulent délicatement les marches menant vers une berline allemande. La scène se déroule de façon furtive. «Que portent-elles ?» inscrit @Girlystyle sur son mur. «Des caftans beiges», répond sommairement @Hasnix avant d'ajouter un «wow» plutôt explicite. Nos deux princesses prennent place dans leur carrosse des temps modernes. Direction, la place du Palais. La deuxième attente commence. Excepté que la curiosité se trouve un autre objet : les caftans. Stéphane Bern, prolifique de nature, n'est pas trop disert à propos des tenues princières. Peut-être attend-il les quelques pas effectués sur le tapis rouge, pour ausculter l'accoutrement de nos gracieuses représentantes ? Elles arrivent. Eurêka ! Sur Facebook, on est littéralement soufflé par la classe des princesses. Le port altier, la démarche évanescente, elles évoluent main dans la main et se meuvent avec la délicatesse d'un félin. Epiphanie, le choix vestimentaire se précise. Lalla Meryem porte la version évoluée d'un caftan Damas beige à manches évasées avec un motif d'ornement en dentelles aux poignets, le tout agrémenté de sequins en fils d'or et soutenu par une superbe ceinture rehaussée d'un subtil enchevêtrement d'or et de fragments d'émeraudes. Un spectaculaire mariage de faste et de sobriété. Lalla Soukaïna, quant à elle, arbore un sublime caftan de coupe Candice. De prime abord, la matière renvoie à du taffetas beige irisé de broderies fil d'or et d'un parchemin de passementeries confinant au régal esthétique. Les manches sont également évasées et, détail qui a son importance, la tenue se prolonge d'une mini traîne à l'arrière, ce qui donne à l'apprêtement davantage de caractère. Sur les réseaux sociaux, on frise la jubilation. «Je rêve, c'est Angelina Jolie», hurle @Sami193 en majuscules. En effet, plus mince et parfaitement bronzée, Lalla Soukaina ressemble à s'y méprendre à l'actrice américaine et épouse de Brad Pitt. En l'espace de quelques minutes, l'apparition remarquable et remarquée des princesses a éclipsé l'union sacrée d'Albert et Charlène. Loin d'être l'unique fruit d'un chauvinisme tenace, la fascination pour nos représentantes a irradié le magazine Hello qui avait couronné Lalla Salma «Reine de beauté» lors des épousailles de Kate et William. Ce coup-ci, le support a inclu Lalla Meryem et Lalla Soukaina dans la liste des prétendantes au titre de la plus belle invitée du mariage. Il faudra attendre quelques jours pour connaître l'identité de la gagnante. En attendant, citons ce commentaire d'un internaute visiblement sous le charme : «Deux belles princesses… Khamssa wa Khmiss». Que dire de plus ? Réda Dalil