Le développement de l'agriculture marocaine requiert une plus grande capacité d'investissement. Dans un contexte mondial marqué par les enjeux de la sécurité alimentaire, le changement climatique, la hausse des prix des produits agricoles, le Maroc a revu sa stratégie agricole en terme de mise à niveau, de restructuration et de redéfinition des missions. C'est le fameux Plan Maroc Vert, lancé voilà maintenant trois ans, et qui vise à faire de l'agriculture le principal moteur de croissance de l'économie nationale au cours des quinze années à venir. Cette vision agricole a érigé l'économie d'eau d'irrigation en action stratégique cruciale pour garantir une agriculture plus productive, durable et respectueuse de l'environnement. Toutefois, le développement de l'agriculture marocaine requiert une plus grande capacité d'investissement du secteur privé et de participation des banques commerciales. Ne dit-on pas que «l'argent est le nerf de la guerre !» L'agriculture marocaine a besoin également d'un management suffisant, d'une bonne organisation des producteurs, d'une disponibilité du foncier agricole, ainsi que d'une utilisation rationnelle de l'eau d'irrigation et une mise à niveau des structures d'encadrement. Pour faire le point sur ces thématiques et débattre de l'avenir de ce secteur, le SIAM se veut une plateforme idéale d'échanges et de partages d'expériences. Le Salon met cette année un accent particulier sur le thème de «l'agriculture solidaire». 650 000 visiteurs sont attendus à cette sixième édition du Siam à laquelle participent 800 exposants dont 100 étrangers, venant de 30 pays. Le dossier spécial SIAM tente de brosser un aperçu général de la situation de l'agriculture marocaine avec une attention particulière sur les défis que le Maroc doit relever sans tarder, particulièrement celui de l'économie de l'eau. Dossier préparé par Said El Hadini Garantir la souveraineté alimentaire passe par un secteur agricole performant et durable. C'est le défi à relever. Sollicitude royale Le secteur de l'agriculture connait ces dernières années un important effort d'investissement et ce à tous les niveaux: des projets agricoles, hydro-agricoles ainsi que des infrastructures logistiques. Faut-il rappeler que la stratégie Maroc Vert ambitionne le lancement d'une nouvelle vague d'investissements estimés à 10 milliards de dirhams chaque année, et ce à travers la mise en place de 1 506 projets. Cet effort est soutenu par des bailleurs de fonds nationaux et internationaux de référence, tels que la Banque mondiale, l'Union européenne et le Fonds International du Développement de l'Agriculture. «Trois ans après son lancement, le Plan Maroc Vert commence à porter ses fruits en ce qui concerne la modernisation du secteur et l'objectif fondamental d'amélioration de la qualité aussi bien pour le marché local que pour l'exportation.» Aziz Akhanouch, ministre de l'Agriculture, affiche ainsi son satisfecit lors du forum international Dakar-agricole 2011, tenu récemment dans la capitale sénégalaise. Cet événement a été marqué aussi par la lecture du discours royal, donnée par Abbas El Fassi, premier ministre. Il va sans dire que le Plan Maroc Vert bénéficie du soutien et de l'appui de la plus haute autorité du royaume. «Ce chantier majeur représente un changement structurel profond qui permettra, sans nul doute, au secteur agricole marocain de gagner les paris de la modernisation, de la productivité et de la compétitivité. Il est à même d'assurer à l'ensemble des Marocains une meilleure sécurité alimentaire», souligne le Souverain. Les experts marocains ont décliné à Dakar cette ambitieuse initiative, et plus particulièrement ses piliers fondateurs que sont le développement de l'irrigation, l'aménagement des lacs collinaires et les diverses mesures pour améliorer qualitativement et quantitativement les récoltes afin de répondre aux besoins du marché national et satisfaire aux exigences de l'exportation. Le Plan Maroc Vert, est considéré comme un modèle réussi de développement agricole qui pourrait servir de plateforme de connaissance et d'expertise pour la région. Développement durable Outre l'objectif d'augmentation significative de la production agricole, le Plan Maroc Vert «converge parfaitement avec les grands enjeux internationaux en matière de sécurité alimentaire. Il favorise ainsi l'insertion de la petite agriculture dans les échanges internationaux à travers l'amélioration de la productivité et l'appui à la reconversion vers des secteurs de production porteurs comme les produits de terroir», poursuit le Souverain. Il apparait ainsi clairement que le Plan Maroc Vert «s'appuie sur une approche résolument orientée vers la lutte contre la pauvreté par l'intégration des populations rurales les plus fragiles dans des systèmes économiques viables et durables, leur permettant d'augmenter significativement et durablement leurs revenus». «L'ouverture nécessaire aux échanges internationaux des matières premières et les Accords de Libre Echange revêtent une importance particulière dans la stratégie du Plan Maroc Vert, dans la mesure où ils permettent au Maroc de disposer de nouveaux débouchés pour ses produits et de fructifier ses échanges commerciaux.» Le souci de préservation de l'environnement est constant dans la démarche stratégique, puisque le discours royal y fait clairement référence, en soulignant que «l'ensemble des projets prévus dans le cadre de cette stratégie nationale ambitieuse prennent en compte les dimensions environnementales et la nécessaire adaptation de l'agriculture marocaine aux changements climatiques». Il préconise, à cet effet, l'instauration d'un équilibre entre le développement humain, et la gestion rationnelle des ressources naturelles. Le SIAM 2011 a apporté son lot de bonnes nouvelles, confirmant la bonne marche du Plan Maroc Vert. Le Maroc Vert … le progrès En 2010, l'investissement agricole s'est élevé à 22 milliards de dirhams, pour un total de 172 projets, dont 108 ont eu trait à l'agriculture solidaire. Le tout devra profiter à 400.000 agriculteurs. Pour donner un sens à la thématique de l'actuelle édition du SIAM, «l'agriculture solidaire», le roi a engagé le gouvernement à prendre une panoplie de mesures en faveur des petits agriculteurs dans l'objectif d'améliorer leur situation sociale. L'on cite notamment le rééchelonnement de leurs créances auprès du Crédit Agricole du Maroc, et la possibilité de contracter de nouveaux crédits. Les petits agriculteurs se verront également exonérés des frais d'eau d'irrigation au titre des campagnes agricoles antérieures à 2008, et ce, à concurrence de 10.000 Dhs, avec l'abandon des intérêts y afférents et le rééchelonnement du reste dépassant ce montant, sur une période pouvant atteindre 7 ans. «Ces mesures peuvent, dans l'ensemble, intéresser environ 200.000 petits agriculteurs démunis, et avoir des retombées bénéfiques pour tous les membres de leurs familles», rappelle le Souverain dans une lettre adressée aux participants aux Assises de l'agriculture, la veille du SIAM. En plus d'une valorisation de leurs salaires minimums, les petits agriculteurs devront bénéficier du système de couverture et d'assistance médicale. «Quels que soient les coûts financiers de ces mesures, il n'en demeure pas moins que notre objectif ultime est de placer les petits agriculteurs au coeur du processus de développement humain et rural, et d'en faire la cheville ouvrière du développement agricole dans notre pays», souligne le souverain. Economie de l'eau Des mesures en faveur des petits agriculteurs, des projets d'investissement et autres dispositions juridique et réglementaire. De quoi rendre l'agriculture marocaine moderne, compétitive, mais aussi solidaire et durable. 2011 verra ainsi le lancement de plusieurs projets structurants : produits du terroir, assurances agricoles et formations et recherches). Le volet distribution n'est pas en reste, et particulièrement pour certains produits exportables à forte valeur ajoutée (huile d'olive et agrumes), qui vont profiter de la structuration des canaux de commercialisation. A côté de cela, des réformes s'imposent dans le domaine du foncier et de l'irrigation. «L'effort de mobilisation de l'assiette foncière sera poursuivi au courant de cette année, à travers la mise en place d'un cadre juridique relatif au foncier agricole, ainsi que l'équipement des exploitations agricoles (80 hectares supplémentaires) avec les nouvelles technologies d'irrigation et d'économie d'eau», souligne le ministre de l'Agriculture, qui a retenu comme objectif d'irriguer 11.300 hectares supplémentaires en aval des barrages. A rappeler que le programme national d'économie en eau d'irrigation vise à porter à 550.000 hectares, les surfaces agricoles en irrigation localisée. «Pour ce faire, il faudra adopter des stratégies alternatives, telles que celle du dessalement de l'eau de mer. Il importe également de poursuivre la politique de construction des barrages, destinée à protéger durablement notre agriculture», souligne le souverain. Deux autres grands projets de partenariat public-privé seront lancés cette année. Il s'agit du dessalement de l'eau destinée à l'irrigation dans la région de Chtouka Ait Baha et du projet d'extension des superficies irriguées dans la région du Gharb à 35.000 hectares. Le Plan Maroc Vert est venu répondre à plusieurs problématiques dont souffre l'agriculture marocaine. Des maux et des remèdes La stratégie du Plan Maroc Vert concerne un secteur qui contribue à hauteur de 19% au PIB national, dont 15% dans l'agriculture et 4% en agro-industrie. Ce secteur emploie plus de 4 millions de ruraux et crée environ 100 000 postes d'emplois dans le domaine de l'agro-alimentaire. Ce secteur joue un rôle déterminant dans les équilibres macro-économiques du pays. Il supporte une charge sociale importante, étant donné que les revenus de 80% des 14 millions de ruraux dépendent de l'agriculture. Aussi, il est à rappeler la lourde responsabilité qui incombe à ce secteur quant à la sécurité alimentaire de 30 millions de consommateurs. Ce qui démontre le rôle crucial que joue l'agriculture dans la stabilité économique et sociale de notre pays. L'agriculture nationale se heurte, cependant, à plusieurs contraintes. D'abord un faible investissement dans la mesure où l'investissement dans le secteur agricole se caractérise par une faible utilisation des facteurs de production. Un exemple ? L'utilisation des engrais à l'hectare au Maroc représente quatre fois moins qu'en France, et la mécanisation est onze fois moins qu'en Espagne. L'agriculture au Maroc souffre également d'une faible participation du système bancaire au financement des projets agricoles avec seulement 18% d'agriculteurs qui accèdent aux crédits bancaires. De même, le secteur est faiblement subventionné (8% par rapport au revenu agricole contre 30 à 70% dans d'autres pays). Le tissu de l'agro-industrie demeure très modeste, puisqu'il ne représente que 24% de l'ensemble des unités industrielles nationales, et transforme à peine le tiers de la production. Dans la foulée, il faut noter que le Maroc ne bénéficie que de 60% et 28% des contingents tarifaires accordés par l'Union Européenne, respectivement pour les produits frais et transformés. Prédominance des petites exploitations Le diagnostic du secteur agricole fait apparaître également un très faible niveau d'organisation et une quasi-absence de l'interprofession, auxquels il faut ajouter un encadrement insuffisant. En effet, l'agriculture nationale souffre d'une gestion traditionnelle des exploitations, avec des structures d'encadrement inadaptées. Alors que les ressources en eau demeurent limitées (la sécheresse est l'un des plus importants obstacles au développement de l'agriculture nationale qui souffre de la faiblesse et de l'irrégularité de la pluviométrie), la valorisation des eaux de surface et souterraines laisse à désirer à cause d'un système d'irrigation non efficient. Les maux de l'agriculture marocaine ne s'arrêtent pas là. Le morcellement excessif constitue une contrainte majeure au développement de notre agriculture, étant donné que 70% des exploitations agricoles ont une taille inférieure à 5 hectares. En plus de l'exiguïté de l'exploitation agricole, le foncier est caractérisé par une multiplicité de régimes juridiques constituant une entrave à l'investissement. Le foncier est caractérisé également par un faible taux d'immatriculations et d'enregistrements. Autre caractéristique de notre agriculture : la prédominance des cultures céréalières, dans la mesure où les céréales occupent 75% des surfaces agricoles utiles (SAU), et ne participent qu'à concurrence de 10% à 15% au chiffre d'affaires du secteur agricole, ne contribuant ainsi qu'à concurrence de 5% à 10% de l'emploi du secteur agricole. Face à ces contraintes, l'agriculture marocaine dispose de plusieurs atouts dont les plus importants ont trait à la situation géographique du Maroc et sa proximité immédiate du marché européen avec des moyens logistiques en nette progression. L'agriculture peut par ailleurs mettre à profit la présence d'un marché national potentiel et dynamique, bien que souvent négligé, et qui peut constituer un débouché important grâce à la croissance démographique et l'augmentation du niveau de vie. Autres atouts et non des moindres : une main d'œuvre agricole qualifiée et très compétitive par rapport aux concurrents, des avantages comparatifs avérés pour plusieurs produits (fruits et légumes, etc.) et la présence au niveau national de plusieurs modèles d'entreprises agricoles et agro-industrielles réussis. Prenant en compte les contraintes et les atouts précités ainsi que les expériences réussies au niveau national et international, la stratégie du Plan Maroc Vert a adopté, comme équation de succès, l'investissement et l'organisation. Ainsi la stratégie Plan Maroc Vert a été bâtie sur sept fondements. Agriculture solidaire Le premier vise à faire de l'agriculture le principal levier de croissance sur les 10 – 15 prochaines années. Dans cette perspective, il est prévu de renforcer la part de l'agriculture dans le PIB de 70 à 100 Mds MAD et la création de 1,5 millions d'emplois supplémentaires ainsi que la lutte contre la pauvreté et l'amélioration du revenu agricole de 2 à 3 fois en faveur de 3 millions de ruraux. Le Plan Maroc Vert ambitionne d'accroître la valeur des exportations de 8 à 44 Mds DH pour les filières où le Maroc est compétitif (agrumes, oliviers, fruits et légumes). L'une des mesures phares du Plan Maroc Vert est d'adopter l'agrégation comme modèle d'organisation de l'agriculture. «Le Plan Maroc Vert a été bâti sur le principe de l'agrégation comme outil de développement du secteur agricole : sa mise en œuvre réside dans la création d'un partenariat gagnant-gagnant entre l'amont productif et l'aval commercial et/ou industriel», souligne-t-on auprès du département de l'Agriculture. Le Maroc se caractérise par deux types d'agriculture : en premier lieu, une agriculture moderne, localisée au niveau des zones irriguées et du bour favorable, occupant 20% des superficies cultivées ayant une forte productivité grâce à l'utilisation de techniques modernes. En second lieu, une agriculture traditionnelle et vivrière, localisée au niveau du bour défavorable et les zones montagnieuses et oasiennes. Cette agriculture occupe 80% de la SAU. Compte tenu de cette grande diversité de l'agriculture nationale, le Plan Maroc Vert a adopté deux approches : la première consacre l'investissement privé et vise le développement d'une agriculture moderne à haute productivité ou à forte valeur ajoutée (lait, viandes rouges et blanches et céréales en bour favorable). Les projets sont menés dans des zones à fort potentiel agricole (zones bour favorables ou irriguées) et bénéficient de l'accompagnement de l'Etat à travers le Fond de Développement Agricole (FDA), avec un soutien spécifique aux projets d'agrégation. Il est ainsi prévu la réalisation de 961 projets d'agrégation, visant 562 000 exploitants moyennant un investissement global de 75 milliards de dirhams. La seconde approche du Plan Maroc Vert concerne le développement de l'agriculture solidaire, se référant aux expériences de plusieurs pays et au projet MCC financé par les USA. L'objectif visé était l'accroissement de la production des filières végétales et animales des zones défavorisées en vue d'améliorer le revenu agricole des exploitants. Il s'agit de promouvoir des projets agricoles économiquement viables reposant essentiellement sur une intervention directe de l'Etat au niveau de certaines zones marginales (zones bour défavorables, de montagnes ou oasiennes) et ce, en prenant en considération la sauvegarde des ressources naturelles. Pour atteindre cet objectif, la stratégie propose la mise en œuvre de 3 catégories de projet. Premièrement : les projets de reconversion de 400 000 ha répartis sur 200 000 exploitations (de la céréaliculture vers des cultures à haute valeur ajoutée, notamment l'oléiculture avec 77% des terres céréalières ciblées, amandiers (9%), figuiers, etc). L'organisation de ce type de projet nécessite la constitution de 30 à 40 groupements de 100 agriculteurs par groupement, et ce, pour atteindre une superficie globale de 6 000 à 7 000 ha par projet. Deuxièment : les projets d'intensification ayant pour objectif l'amélioration des acquis existants sur les filières animales et végétales. Et ce, par l'encadrement des agriculteurs pour leur permettre de disposer de meilleures techniques et d'améliorer considérablement leur productivité et la valorisation de leur production. Cette catégorie concerne 400.000 ha. Troisièment: les projets de diversification consistent en l'appui à la promotion des produits spéciaux ou de terroirs afin de créer des revenus agricoles complémentaires avec des productions additionnelles (safran, miel, plantes médicinales, ...). Dans cette perspective, le soutien du secteur finacier national et des bailleurs de fonds étrangers est fortement sollicité et ce, dans le cadre d'un partenariat à long terme. Il est ainsi prévu la réalisation de 545 projets sociaux en faveur de 855 000 exploitants pour un investissement de 20 milliards de dirhams. Investir 10 Md DH/an Le Plan Maroc Vert a retenu la promotion de l'investissement privé comme une option vitale. L'objectif est de drainer un investissement annuel de 10 milliards de dirhams autour d'une offre Maroc ciblée. Pour mener à bon port la stratégie Maroc Vert, le département de Aziz Akhannouch a clairement opté pour une approche contractuelle. En effet, la mise en œuvre du Plan Maroc Vert nécessite la mobilisation de l'ensemble des acteurs des différents secteurs, notamment, l'administration, les élus régionaux et locaux, les professionnels et les associations. Tous ces acteurs opéreront dans un cadre de partenariats qui détermine le champ d'action et la responsabilité de chaque intervenant. Plusieurs types de partenariats seront conclus, notamment entre les régions, les Chambres d'Agriculture, le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche Maritime, les agrégateurs et les agrégés. La stratégie prévoit pour la réalisation de ces objectifs, la sauvegarde des ressources naturelles afin d'assurer une agriculture durable, en intégrant la dimension «changement climatique» au niveau de la conception des projets Plan Maroc Vert et en appuyant l'utilisation des systèmes d'irrigation à économie d'eau (de 154 000 ha actuellement à 692 000 ha). L'utilisation des énergies renouvelables dans le domaine agricole (solaire, éolienne et biogaz) est aussi fortement recommandée. Pour réussir cette stratégie, la refonte du cadre sectoriel s'avère d'une importance capitale. Cette refonte concerne d'abord le foncier - par la mise en gestion privée des terres publiques, collectives et habous et la poursuite des efforts de réformes structurelles (immatriculations, enregistrements)-, mais aussi l'eau, à travers la mobilisation de nouvelles ressources tout comme, la maintenance et l'extension des périmètres existants, la mise en gestion déléguée de l'eau d'irrigation, la tarification incitative, la généralisation des techniques d'irrigation moderne et l'utilisation de l'eau pour des cultures à haute valeur ajoutée. Le volet de la fiscalité ne serait être en reste. Le Plan Maroc vert recommande la mise en place d'une politique fiscale adaptée en tenant compte des spécificités régionales et économiques du secteur agricole à l'horizon 2013. La stratégie prévoit également la modernisation des circuits de distribution et l'amélioration de l'accès aux marchés de gros et aux abattoirs. L'économie de l'eau occupe une place centrale dans la stratégie Maroc Vert : l'irrigation localisée. La marche forcée vers la goutte d'eau en dépit des efforts déployés par le Maroc en matière de l'aménagement des périmètres irrigués, que traduit le programme national d'économie d'eau en irrigation (PNEEI) doté d'un d'un budget de 37 milliards de dirhams et lancé par l'Etat en 2007 en vue d'améliorer l'efficience de l'eau et de sa valorisation sur une superficie de 550.000 ha à l'horizon 2020, force est de constater que le chantier avance à pas de tortue. Une rencontre tenue récemment à Rabat autour de cette problématique a permis de faire le point sur l'état d'avancement de ce chantier structurant du Plan Maroc Vert. Il en ressort que la réticence des agriculteurs vis-à-vis du PNEEI reste de mise. Pour la vaincre, il est recommandé de renforcer les Offices régionaux de la mise en valeur agricole (ORMVA) en ressources humaines et matérielles suffisantes. En dépit du dédoublement du volume de la subvention des équipements de reconversion au goutte-à-goutte par l'Etat (passant de 40 à 100%), les agriculteurs hésitent encore à franchir le pas. Du coup, le retard accumulé dans la reconversion localisée est aujourd'hui patent. Pourtant, les avantages de cette nouvelle technologie d'économie d'eau sont nombreux. «Grâce au goutte-à-goutte, l'efficacité du mètre cube est multipliée par dix. Cela signifie que les agriculteurs produisent davantage avec moins d'eau», a souligné un cadre du département de l'Agriculture. Projets de reconversion Outre l'amélioration du revenu de l'agricultueur et l'économie en énergie, l'autre avantage du goutte-à-goutte est qu'il transforme les habitudes des agriculteurs dans la mesure où leur présence sur le champ est moins fréquente avec l'irrigation gravitaire. Dans cette perspective, la reconversion à l'irrigation localisée constitue une révolution culturelle qui va provoquer des changements à l'échelle agricole via le recours à une agriculture à haute valeur ajoutée. Pour encourager les agriculteurs à adhérer au Programme national d'économie d'eau en irrigation (PNEEI), la circulation de l'information s'avère fondamentale. Car parmi les raisons qui retardent l'adhésion des agriculteurs au PNEEI figurent le manque de formation et le grand taux d'analphabétisme dans le milieu rural. Autre proposition, il faut procéder à une grande sensibilisation des petits agriculteurs pour les amener à créer des associations d'irrigants. Les agriculteurs qui optent pour le goutte-à-goutte sont appelés à ne pas confier l'étude de reconversion à des bureaux d'études non agréés. La majorité des études sont faites par des entreprises qui orientent les agriculteurs à l'achat de leurs équipements. D'où la proposition des professionnels (Association nationale des améliorations foncières, de l'irrigation, du drainage et de l'environnement, d'ANAFIDE, en l'occurrence) de créer une liste de bureaux d'études agréés dans la reconversion au goutte-à-goutte. La réussite et la durabilité technique, économique et environnementale des projets de reconversion en dépendent largement. Sans un effort conséquent en matière de formation, la réalisation de PMV serait compromise. La formation en marche a mesure que le Plan Maroc Vert avance, le besoin en ressources humaines qualifiées se fait sentir. Dans ce sens, la formation professionnelle agricole s'avère certes comme un levier indispensable du Plan Maroc Vert. Les professionnels du secteur en sont conscients et sont déterminés à améliorer le plan d'action concernant la formation professionnelle. L'objectif étant de définir les métiers porteurs dans lesquels l'apprentissage doit être développé afin de mieux répondre aux besoins des agriculteurs et adapter l'offre de formation aux spécificités et aux besoins du secteur agricole en terme de compétences et de ressources humaines qualifiées. A titre d'exemple, la région de l'Orientale aura besoin dans l'immédiat de 9 000 personnes. Selon les résultats d'une enquête menée dans cette région du Royaume, on a pu constater une certaine inadéquation entre les offres de formation dispensées par les établissements de formations agricoles et les métiers dominants dans les entreprises et les unités de productions agricoles dans l'Orientale. Le Maroc compte 45 établissements qui dispensent quatre types de formation, à savoir la formation diplômante (techniciens, techniciens spécialisés, ouvriers qualifiés), la formation certifiante (formation par apprentissage des filles et fils d'agriculteurs pour assurer la relève), la formation continue des formateurs du personnel pédagogique et du personnel du ministère de l'agriculture, et la formation de reconversion pour l'appui à la création d'entreprises. A rappeler qu'une convention de partenariat a été signée récemment entre la Direction régionale de l'Agriculture et la chambre d'agriculture de la région de l'Oriental avec comme objectifs la formation des agriculteurs et leurs fils et filles dans les différents métiers, le renforcement des compétences techniques et pédagogiques des cadres et techniciens de la chambre et des établissements de formation professionnelle agricole dans la région de l'Oriental. Un exemple à suivre ! Flash Engrais, l'OCP veut sécuriser le marché L'Office Chérifien de Phosphates et la société marocaine Fertitech ont récemment signé à Casablanca un nouveau contrat package OCP, qui concerne une nouvelle offre commerciale pour la distribution des engrais sur le marché national. L'unique producteur des engrais phosphatés au Maroc compte par ce biais aborder l'année 2011 dans une optique d'optimisation de la productivité agricole. L'objectif du groupe est «de mettre en place les fondements d'une agriculture raisonnée et durable au Maroc», indique l'administration de l'OCP. Le développement du marché national des engrais reste pour l'OCP l'enjeu phare de l'année. Produits bio, dernière ligne droite Le projet de loi 29-10 relatif aux produits biologiques issus de l'agriculture et des produits de la mer vient d'être mis dans les circuits d'adoption après avoir été approuvé par le dernier Conseil de gouvernement. Ce projet définit les conditions de production, de valorisation et de commerce des produits biologiques. Pour le moment, les produits issus de l'agriculture biologique sont certifiés par des organismes étrangers dédiés. Le potentiel agricole marocain recèle des gisements de croissance inestimables. L'Etat et le privé sont fortement sollicités. Investissement : rentabilité assurée «plus on investit, plus on améliore le rendement et plus on croît l'offre de la production agricole». C'est l'avis du ministre marocain de l'Agriculture et des pêches maritimes, Aziz Akhannouch, qui intervenait récemment en marge du Dakar Agricole 2011 sur le thème «Comment nourrir le monde». «La responsabilité de nourrir le monde passe par un rôle des Etats mais aussi par l'importance de l'investissement du secteur privé». Pour le ministre, l'investissement est sans conteste l'une des clefs essentielles du développement du rendement agricole, ce qui, par conséquent, assurerait une meilleure rentabilité aux investisseurs. Ceci dit, ces lourds investissements ont toutefois besoin de politiques publiques d'aide. La mise à niveau de l'agriculture et la réalisation de la sécurité alimentaire passent immanquablement par un effort soutenu de l'investissement, aussi bien public que privé. Dans cette perspective, l'amélioration de l'environnement des affaires s'avère fondamentale pour rendre l'agriculture plus attractive et assurer une meilleure rentabilité aux investisseurs. À ce titre, M. Akhannouch estime que les agriculteurs doivent être accompagnés «par des politiques publiques d'aide à l'investissement en vue de leur permettre de se doter de moyens modernes». Il souligne également l'intérêt pour les acteurs agricoles de se réunir autour de coopérations ou de Groupements d'intérêt économique (GIE). Outre la rareté de l'eau et la faible mécanisation, l'une des problématiques majeures dont souffre l'agriculture est le volume des intrants. Il va sans dire que l'investissement apportera une amélioration de ces derniers, notamment les semences. Au Maroc, un programme volontariste de développement des semences lancé au cours des trois dernières années a permis de multiplier par 2,5 les semences pour les céréales. Il faut également investir dans la mécanisation par l'utilisation de tracteurs. Aujourd'hui, près de 7 000 nouveaux tracteurs font leur entrée chaque année dans le secteur agricole marocain. La sécurité alimentaire «implique nécessairement des investissements massifs dans les projets agricoles et d'infrastructures, notamment les infrastructures hydro-agricoles et le renforcement des circuits logistiques de distribution et d'accès aux marchés», avait précisé le roi dans une lettre adressée au Forum Dakar-agricole 2011. Zoom sur l'agropole de Berkane Parmi les réalisations phares du Plan Maroc Vert, le pôle agro-industriel de Berkane figure en bonne place. Il serait fin prêt et son inauguration est prévue dans les prochaines semaines. Cette nouvelle plateforme régionale de référence a été conçue pour le regroupement, la commercialisation, la transformation et la distribution des produits agricoles. Confiée à MedZ, la réalisation de ce projet s'inscrit dans le cadre des stratégies nationales Emergence et Plan Maroc vert. D'un investissement de l'ordre de 1,25 milliard de DH, le projet permettra de générer 5 000 emplois directs. Situé à 2 km de la commune rurale de Madagh, l'agropole s'étale sur un terrain domanial de 100 ha. De cette superficie, 27 ha seront dédiés aux activités de regroupement et de commercialisation, 27 ha pour les activités de transformation et 15 ha pour l'activité de logistique. L'on retient aussi la réservation de 16 ha pour la R&D et 4 ha d'espaces verts. La formation ainsi que les activités tertiaires ne sont pas en reste. Selon les responsables du projet, le site offre des possibilités d'extension dans l'avenir et se distingue par sa localisation stratégique. Implanté au centre du périmètre irrigué de la Moulouya, il jouit de la proximité de la rocade méditerranéenne et de celle des ports de Béni Nsar et Mellilia et des aéroports d'El Aroui et Oujda Angad. Un emplacement de choix qui peut assurer la valorisation de toutes les filières-clés (arboriculture, culture maraîchère, viande…) comme le veut la stratégie du Plan Maroc Vert (PMV). La vocation agricole de la région de Berkane n'est pas à démontrer. Cette dernière, réputée mondialement (surtout en Russie) pour ses clémentines, se distingue par différents atouts, dont notamment l'importance et la diversité de son potentiel agricole. Ajoutons à cela les potentialités hydrauliques qui devraient être davantage mobilisées pour l'irrigation en vue d'une production agricole plus diversifiée (maraîchage, arboriculture…) et du développement d'un élevage moderne, avec une place pour l'aviculture et l'apiculture. Sans oublier l'implantation d'exploitations agricoles de tailles importantes et l'existence d'un savoir-faire agricole et agro-industriel. Tout cela fait que le choix de cette région pour l'implantation de ce pôle agro-industriel est très judicieux. Ce projet permettra de valoriser les principales filières de la région, à savoir l'arboriculture (notamment les agrumes), les cultures maraîchères (pomme de terre,…) et la viande rouge (bovine et ovine). L'agriculture en chiffres Au Maroc, le secteur agricole, qui compte 1,5 million d'exploitations, joue un rôle important en matière de sécurité alimentaire, en plus de sa vocation à approvisionner l'agro-industrie en matières premières. L'agriculture contribue ainsi à hauteur de 15 à 20% dans le PIB et emploie entre 3 et 4 millions de personnes et 60 000 dans l'agro-industrie, soit 40% de l'emploi total. L'agriculture occupe aussi un place importante en matière de rentrées de devises de par son positionnement sur les marchés internationaux (35 % des exportations marocaines sont d'origine agricole), sans oublier son rôle de stabilisation des populations en milieu rural (source de revenus pour près de 15 millions de ruraux) et de la lutte contre la pauvreté (8 millions d'actifs exposés au chômage et à des conditions de vie difficiles). Le secteur agricole occupe de surcroît une place importante dans la politique d'aménagement du territoire surtout au niveau des régions périphériques (zones arides et semi- arides, oasis et montagnes) et de développement durable notamment en terme de préservation des ressources naturelles surtout l'eau, sachant que l'agriculture consomme à elle seule plus de 80 % au niveau national. A noter qu'avec 85 % de terres agricoles non irriguées, les rendements des principales cultures subissent des variations très importantes en raison de la forte irrégularité des précipitations et d'une fréquence élevée de sécheresses. Du coup, la sécurité alimentaire au Maroc repose essentiellement sur une agriculture pluviale qui domine largement les superficies cultivées.