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J'attaque, donc je suis !
Publié dans Le temps le 01 - 06 - 2011

Quand les snipers du verbe agressif font leur révolution, nul n'est plus à l'abri.
Depuis que la parole s'est libérée dans notre auguste royaume, l'improbable coudoie l'indicible, lequel se fraie un chemin vers le ridicule le plus consternant. Il y va aujourd'hui de l'obligation morale d'y aller de sa petite phrase assassine à l'encontre de la monarchie. Hier- retenue oblige- on s'offusquait collectivement contre le grands corps makhzénien malade. Aujourd'hui, les snipers du verbe aiguisés, enhardis par le dynamisme des jeunes et l'ouverture annoncée par Mohammed VI lors de son discours du 9 mars, confondent critique et acharnement nauséabond. Les bénéficiaires de ce no man's land politique qu'est la proverbiale transition vers la démocratie, profitent de la fenêtre de tir pour qui fustiger le palais, qui revenir en grâce après des années d'exil intellectuel. Voila donc que, voulant à tous prix se distinguer de la mêlée de causeurs désormais autorisés, certains éditorialistes devenus anachroniques attisent, force populisme à l'appui, le feu de la sédition chez nos compatriotes. Passons brièvement sur Rachid Niny dont le casse-tête 20 février déglingua la boussole idéologique. «De quel côté dois-je me ranger ?» a-t-il dû se répéter jusqu'à la migraine ? Défendre l'establishment coûte que coûte en courant le risque de s'aliéner la jeunesse, segment certes peu lucratif mais gage d'un avenir florissant, ou bien s'embarquer la tête la première dans le paquebot de la rébellion Facebook, et désavouer de ce fait des bailleurs de fonds puissantissimes ? En réalité, Niny n'a pas choisi. Résultat, sa plume devient une espèce d'arrosoir tous azimuts. Tout le monde y prend pour son grade, jeunes, vieux, apparatchiks, businessmen véreux (ne le sont-ils pas tous ?), camarades plumitifs, ces vendus. Et, cerise sur le gâteau, feu Hassan II lequel est décrit comme un monarque «plus soucieux de la qualité de son orchestre que du bien-être de son peuple». Oups, l'horloge Niny déraille, au vu et au su des nombreux lecteurs du sieur, lesquels, alarmés par le changement saisissant de tonalité de leur hérault, se déchaînent sur les bonnes feuilles de son quotidien. Ainsi, dans plusieurs villes du royaume, les marches dominicales ont été l'occasion pour certains d'immoler Al Massae, déçus par la hargne mal placée de leur pourfendeur de torts préféré. La plume du docteur ès populisme en mal de victime expiatoire, s'attaque désormais à ses frères d'armes. C'est ainsi que Le Temps a eu droit à l'indignation du sieur Niny. Dans sa chronique du lundi 18 avril, le directeur de publication de Al Massae, s'improvise statisticien et relooke notre business plan en fixant notre palier de ventes hebdomadaire à 2000 exemplaires. Assurément l'arrondi est un modèle de lecture sélective. Néanmoins, l'on est en droit de se demander pourquoi, alors que en principe notre insuccès commerciale est si patent, le leader Massimo de la presse arabophone s'abaisserait à notre niveau, et ce, pour mettre en exergue notre si faible portée dans l'opinion ? Mystère et boule de gomme ! Peut-être est-ce dû au fait que notre ligne éditoriale, 20 février ou pas, n'a pas vacillé d'un pouce. Contrairement à nombre de nos collègues, au plus vif des manifestations et tandis que un à un on se délestait de toute élégance pour s'attaquer à la sacralité de notre dynastie régnante, nous avons maintenu notre charpente idéologique, laquelle peut sommairement se résumer aux trois éléments suivants. Un : nous sommes conscients que les jeunes du 20 février sont à l'origine du boulevard réformateur à présent ouvert. Deux, bien que l'esprit 20 février soient foncièrement bon, nous désapprouvons l'organisation du mouvement, ses revendications nihilistes (fi du Parlement, du gouvernement) et son refus catégorique d'exposer un projet sociétal intelligible à la commission De Abdellatif Menouni. Et en dernier lieu, alors que le discours royal laissait subodorer un cheminement certain vers un big bang constitutionnel consacrant la monarchie parlementaire dans la loi fondamentale, nous sommes atterrés par ce glissement généralisé de la parole publique dans les manifestations d'une absence de tact choquante vis-à-vis de l'aura royale. De la sorte, nous avons, la gorge serrée, encaissé les charges anti-baisemain de Abdelhamid Amine de l'AMDH, nous avons, le ventre noué, enduré la vision cauchemardesque de couvertures s'interrogeant sur le coût de la royauté ; nous avons frémit à la lecture d'articles, a priori sérieux, sur le retour en grâce de Al Adl Wa al Ihssane, mouvement éminemment républicain érigeant son leader, le cheik Yassine, en personnage mystique. Oui, nous avons été rudoyés dans notre sensibilité par cette litanie de crimes gratuits de lèse-majesté. Bien entendu, notre positionnement ne nous a guère valu que des éloges. Il en est hélas tout à fait autrement. Ainsi, depuis que la culture dominante s'est cristallisée autour du verbe «Dégage», le respect insondable que nous avons maintenu à l'endroit de SM Mohammed VI, nous a valu les critiques les plus acerbes de sorte qu'il ne se passe pas une demi-lune sans qu'un internaute ne gratifie notre boîte mail d'une obole de ce type : «Bande de vendus, plus royalistes que le roi». Quelle fâcheuse inversion de l'histoire ? sommes-nous en droit de penser. Comment, en l'espace de deux mois, une approche journalistique tout autre que glorificatrice du 20 février en est venue à être frappéz d'un diktat moral des plus sévères. L'injustice est d'autant plus grande que loin de nous ériger contre les jeunes, nos propos ont a contrario élu de les mettre en garde contre les multiples récupérations qui les visent : gauche radicale, islamisme républicain et droite capitalistico-opportuniste, les organes majeurs de la confiscation se sont mis en branle pour tirer sur leur propres agendas, la couverture du souffle de liberté. Résultat : Que voit-on ? Alors que la commission Menouni s'échine à intégrer les propositions du 20 février, le mouvement oppose un refus catégorique à cette requête. Quel dommage que ceux-là même qui ont suscité le discours du 9 mars et la révision concomitante de la Constitution, n'y soient pas partie prenante ! La réalité est que la charte amenée à être soumise à référendum en juillet prochain, se fera sans un apport concret émanant des jeunes.
Le retrour des refuzniks
Devait-on vraiment en arriver là ? Le gâchis est, hélas, de taille. D'autant que la mise en branle du système initiée par les jeunes a créé des interstices de par lesquelles un duo de commentateurs antidatés de la scène politique s'est engouffré pour négocier sa renaissance médiatique. De fait, ravivé par la fulgurance démocratique qui enrobe à présent le pays, Aboubakr Jamaï et Ali Lamrabet, respectivement, ex-directeur de publication du Journal Hebdo et fondateur du journal satirique Demain, ont repéré là l'occasion de relustrer leur blason. Croyant à tort que leur antimonarchisme primaire d'antan avait finalement pris dans les masses, ils ont ressorti leur arsenal de snipers pour canarder les institutions d'un pays où ils ne vivent plus. Que n'a-t-on pas lu à propos d'Aboubakr Jamaï. Brillantissime éditorialiste voué à un radieux avenir journalistique, il fut néanmoins fauché par de regrettables pulsions antinationalistes. Celui qui a jugé bon orner son Journal de nombreux articles diffamatoires, dresse l'oreille tandis que Ben Ali se fait débarquer de sa chaire de despote préhistorique. Ni une ni deux, Jamaï trace un parrallèle. Pour lui, il ne fait aucun doute : le printemps arabe est contagieux, et aucun pays n'y sera immunisé. Par conséquent, allant jusqu'au bout d'une dialectique simpliste, il prédit pour le Maroc une révolution «sanglante». Dans les colonnes du Nouvel observateur, Jamaï tissera une analogie surprenante entre le parti unique tunisien, le RCD, et le PAM. Beau grand écart si l'en est. S'agissant du soulèvement populaire, il prédit l'anarchie car la situation au Maroc est intenable, estime-t-il, les soupapes sociales cèdent les unes après les autres, etc. Un recours prononcé au catastrophisme, voici à peu près la griffe Jamaï. Fort d'un réseau solide auprès des canaux diplomatiques américains, il aura, toute sa carrière d'éditorialiste durant, mené un lobbying forcené contre la sacralité royale. Dans une conférence de presse organisée en décembre 2000 à Madrid par la section espagnole de «Reporters sans frontières» sous le thème «Solidarisons-nous avec les publications interdites», Jamaï esquisse son modèle de gouvernance pour le Maroc. Il sort un lapin bien chétif de son chapeau haut-de-forme : le modèle espagnol. «Tant que la monarchie continue à intervenir, jugera-t-il, ce pays ne connaîtra jamais l'équilibre.» Les incartades de ce type sont monnaie courante chez Aboubakr Jamaï, mais c'est au lendemain du 20 février qu'il monte sévèrement au créneau. Profitant du contexte actuel, il crée la version française du site d'information Lakome.ma et s'empresse de signer un édito rageur qu'il intitule : «L'amour et les preuves d'amour». Dans ce billet, il use d'un raccourci mental pour lier la bavure sécuritaire du 13 mars rue d'Agadir avec ce qu'il qualifie «d'Absence de volonté de démocratisation du régime». Bien entendu, les pistes d'ouverture énoncées dans le discours du 9 mars sont passées par perte et profit. Le déterminisme mental est en cela tenace qu'on déniche dans l'actualité tout élément susceptible d'invalider la marche accélérée vers un Etat de droit. Ainsi, Jamaï ne prête aucune légitimité à la Commission consultative de révision de la Constitution, composée selon lui, d'«universitaires et de néo-apparatchiks du makhzen» dont Ahmed Herzenni qu'il affuble de ce doux sobriquet : «insulte aux militants démocrates».
Injures et caricatures
Au rayon agitateurs irascibles, on retrouve Ali Lamrabet. Une version brute de décoffrage d'Aboukakr Jamaï. La dentelle, ce n'est pas son fort. Le CV de l'impétrant est impressionnant de diversité. Journaliste coriace, il connut son heure de gloire en occupant le poste de rédacteur en chef du Journal puis en créant l'hebdomadaire satirique Demain. Ses poussées anti-nationales sont nombreuses, mais c'est en se solidarisant nettement avec le Polisario qu'il écope en 2005 de dix ans d'interdiction d'exercer au Maroc. Il avait alors défrayé la chronique dans une interview accordée à la chaîne «RASD TV», lors de laquelle il défend l'organisation d'un referendum d'autodétermination au «Sahara occidental» sous l'égide de l'ONU tout en qualifiant les sahraouis vivants dans les camps de Tindouf de réfugiés contrairement, selon sa lecture, à «la propagande officielle marocaine qui persiste à parler de sinistrés». C'est la goutte d'eau d'une longue série de dérapages qui en fera persona non grata du paysage journalistique marocain. Depuis, profitant de son statut de «catalogué» antimonarchiste, Ali Lamrabet ne se reconnaît aucune limite dans l'injure. Ses sorties tonitruantes sont légion. Il sillonne l'Europe, se faisant le porte-étendard d'une liberté de presse bafouée. En 2004, depuis l'université de Laguna à Ténérife, il déclare qu'il «faut continuer à dénoncer les exactions du régime marocain à partir de l'intérieur du fait qu'il existe toujours une dictature avec la promulgation de nouvelles lois liberticides». La même année, il assiste avec Mohamed Abdelaziz à une conférence-débat au centre culturel «sahraoui» à Alger, pour échanger opinions maaarocanophobes avec l'ambassadeur de la pseudo-RASD. Devenu rébarbatif du fait de la constance séditieuse de ses propos, Lamrabet réussit à se faire oublier. Pas pour longtemps, hélas. C'est à la révolte qui secoue le Machreq et le Maghreb qu'il doit son retour aux spots lights. A mesure que les tyrans se font débouter par leur peuple, la gouille de Lamrabet s'enflamme. Il est convaincu que le Maroc s'apprête à vivre le même cauchemar. Sur sa page facebook, il multiplie les provocations. Le vieux Lamrabet renaît de ses cendres. Quelques jours avant le 20 février, il prédit la fin de «la monarchie absolue et les razzias financières de l'entourage royale qui terrorisent les hommes d'affaires marocains au nom de Sa Majesté». Son logiciel s'emballe. Tirant sur tout ce qui bouge, il épingle l'opérateur historique, accusé de procéder à des écoutes téléphoniques dans l'illégalité la plus totale. Pis, dans un journal nouvellement mis en ligne : www.demainonline.com, Lamrabet se livra à une parodie d'interviews du prince Moulay Hicham en prêtant à ce dernier des propos orduriers à l'endroit de la famille royale. Enfin, le summum de l'inélégance est atteint lorsque, sur son profil Facebook, il publie une série de caricatures retraçant une soi-disant «évolution de la servitude à travers l'Histoire». La narration accompagnant ces images travesties relève de la calomnie la plus perfide. Bref, il semblerait qu'à l'orée de la démocratisation annoncée par Mohammed VI, les mêmes qui, hier vouaient le pays aux gémonies, n'ont pas évolué d'un iota. Les sempiternels coups de boutoirs haineux et irrationnels se distillent sans vergogne à des millions de Facebookers, désarçonnés par tant de rage. Dans l'absolu, ces refuzniks du débat ayant tous deux élu domicile sur une terre d'expatriation, ne désirent guère d'avenir meilleur pour le Maroc. Car, en vérité, leur rôle, l'utilité qu'ils se prêtent en seraient réduits à zéro. En attendant, ils flinguent à tout-va, profitant d'une heure de gloire…bien passagère.
Réda Dalil
Aboubkar Jamaï Révisionnisme quand tu nous tiens !
«Le processus d'ouverture politique initié durant les dernières années du règne de feu Hassan II n'existe plus aujourd'hui, le roi Mohammed VI freine cette ouverture et le champ de liberté d'expression se rétrécit de plus en plus. Quand la presse aborde des sujets compromettants, la répression augmente.»
A. Jamaï Une lecture «originale» du jeu politique
«Pour qu'un parti fonctionne au Maroc, il doit éviter deux obstacles : se confronter avec la monarchie pour ne pas être exclu du jeu politique et se doter d'une base sociale, car sans celle-ci, il sera exclu par le Roi. Par contre, si un parti politique se rapproche de la monarchie, il perd sa crédibilité sociale. Au Maroc, la première force politique est la monarchie, c'est un parti sacré.»
D'Ali Lamrabet L'affabulatrice histoire
Dans l'édition du 28/3/2011 de son journal électronique «Demainonline», Ali Lamrabet rédige une interview fictive de Moulay Hicham auquel il prête cette déclaration contrefaite : «La pharmacie royale a épuisé son stock d'analgésique».
A. Lamrabet Le pacte faustien !
En 2005, Ali Lamrabet se fend d'une sortie explosive sur la chaîne de télévision «RASD TV» ( Polisario). Il y prône l'organisation d'un referendum d'autodétermination au «Sahara occidental» sous l'égide de l'ONU. En outre, il qualifie les sahraouis vivant dans les camps de Tindouf de «réfugiés».


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