Le mouvement du 20 février a fait montre d'un calme olympien. Les flics ? Idem. Dimanche 13 mars, les jeunes engagent un mini-raout rue d'Agadir à Casablanca. Les mégaphones entonnent des slogans protestataires. Fi du Parlement, fi du gouvernement ; mais, surtout, fi d'une monarchie gouvernante. Quatre jours après le discours historique du 9 mars, les revendications font désordre. Du coup, le sang des forces de l'ordre censées tout simplement circonscrire la manifestation, n'a fait qu'un tour. Il s'ensuivra, une grande répression. C'est le bal des baïonnettes. La hargne de la police est telle que de simples passants assimilés à des protestataires, se font sèchement tabasser. Grosse bourde du ministère de l'Intérieur ou excès de zèle des policiers casaouis. Les excuses du préfet de police de la wilaya de Casablanca, Mohamed El Mouzouni, écarteront tout doute quant à la source des responsabilités. Las, le mal est fait. Selon Mohamed Darif : «Il est apparu invraisemblable qu'au lendemain du discours réformateur du roi, les jeunes aient eu envie de persister dans leurs cri de colère». Bref, le matraquage de trop. Le funeste épisode marque le mouvement du 20 février qui, visiblement insistera sur le caractère impérativement pacifique de la marche du 20 mars. Dont acte. Dans 50 villes et localités du pays, les citoyens ont défilés dans le calme. A aucun moment l'on ne vit de débordement. Mieux, afin d'éviter le drame, des ceintures humaines ont fait barrage devant les agences bancaires et autres devantures de magasins. La formule fait mouche. Aucun dégât matériel ne sera à déplorer. Chiens de faïence La paranoïa des jeunes a été en outre alimentée par une rumeur insidieuse. Il a fuité en effet que le ministère de l'Intérieur aurait informé partis politique et syndicats d'une possible intervention musclée des forces de l'ordre. Leur alibi, l'absence d'autorisation de défiler. Juridiquement, la marche s'inscrivait dans l'illégalité ; du coup les jeunes, soucieux de s'exprimer dans le calme, ont insisté sur la nécessité absolue d'éviter les escarmouches. Du côté de la police, la paranoïa est analogue. Vacciné par le flop sécuritaire du 13 mars, ils se sont largement tenus à carreau. Selon nos sources, la préfecture de police a intimé aux forces d'intervention rapide l'ordre de «raser les murs». Comprendre : se tapir le long de ruelles perpendiculaires aux grands axes, protéger les biens publics et ne s'interposer qu'en cas d'échauffourées entre manifestants voire d'actes de vandalismes patents. In fine, les deux camps se seront soigneusement reniflés, respectant le pacte implicite de non-provocation d'un côté et de non-agression de l'autre. Pourtant, malgré la trêve apparente, les jeunes, visiblement, n'ont guère refoulé le souvenir cauchemardesque de la castagne du 13 mars. Et pour cause, certaines banderoles ont arboré des accusations cinglantes à l'adresse des forces de l'ordre. Ainsi, on a-t-on pu lire «Jugeons les agresseurs du 13 mars» ; «Policiers brutaux = fossoyeurs de la démocratie» et enfin «Police politique dégage». Le raout du 20 mars se sera certes déroulé dans la quiétude, mais la tension sou -jacente entre jeunes et policiers était tout sauf impalpable. A quand le dégel ? Réda Dalil (Le Temps)