Nés du désir de susciter le débat et les échanges, les cafés littéraires investissent peu à peu le Maroc. S'il n'est pas erroné, le terme de «café littéraire», qui a été consacré par l'usage, est néanmoins réducteur. Dès leur apparition, les cafés ont eu partie liée avec la presse, la politique, le théâtre et les arts du spectacle, la musique, la philosophie et le domaine des idées. La poésie et l'art romanesque se taillent une place de choix dans ces cénacles toujours improvisés et toujours renouvelés. Mais ils n'en constituent pas nécessairement le dénominateur commun. Et les représentants de toutes les disciplines artistiques y ont droit de cité. Le terme «café littéraire» a été souvent employé au cours des dix dernières années dans certains pays du Maghreb, où des institutions culturelles officielles et semi-officielles organisaient des soirées et des séminaires variés dans les domaines de la littérature, de la pensée et de la philosophie, en marge de leurs activités habituelles, sous le nom de «café littéraire». Ces initiatives ont été une tentative pour restaurer le style des salons culturels et rencontres littéraires qui étaient courantes dans les années soixante dans certaines grandes villes arabes. Au Maroc, l'expérience du «café littéraire» a germé dans la tête des membres du collectif des Amis du café littéraire. Leur concept : apporter la culture là ou elle peut être consommée. Aucun lieu fixe, mais des points de rendez-vous autour d'un café ou d'un thé pour discuter, écouter ou lire autour d'un thème donné. Les premières expériences ont eu lieu à Casablanca et Rabat et rapidement se sont exportées à El Jadida et Fès. A chaque ville son café… et ses idées A Marrakech l'Association «Forum du Livre pour le Développement et la Culture» vient de lancer le concept de la «Biblio'Café» pour faire partager les envies de la lecture avec les passionnés des cafés dans la cité ocre. Cette initiative de café-bibliothèque se propose notamment de créer un lieu culturel de proximité et un espace de dialogue interculturel et de permettre aux jeunes créateurs de s'affirmer et de s'épanouir. Les assoiffés de lecture trouvent en ces «cafés littéraires» tous les aspects de la littérature, allant du roman à l'essai en passant par des recueils de poésie et de nouvelles. Une opération similaire intitulée «Bibliothèque pédagogique» a été menée par l'Association dans des lycées de la ville en partenariat avec certains établissements éducatifs en vue d'encourager les lycéens à découvrir toutes les formes imaginables d'expression à travers la lecture. Créée en mai dernier, l'Association a notamment pour ambition de relancer l'action associative et de promouvoir la culture de citoyenneté, de paix et de coexistence pacifique tant au niveau local, régional que national. Du côté de Fès, le plus célèbre café-théâtre et littéraire et le plus ancien s'appelle la Comédie. Chaque jour Les passionnés de culture et de théâtre viennent échanger, dans une ambiance conviviale, leurs impressions sur une pièce théâtrale, un livre, une exposition de peinture ou même un fait de société. Sur les murs de ce cadre chaleureux, on découvre quelques créations d'artistes de talent. La Comédie propose aussi des spectacles montés en partenariat avec le Syndicat des professionnels du théâtre et des soirées de poésie et rencontres en partenariat avec l'Union des écrivains du Maroc et des soirées de malhoune. La projection de quelques courts-métrages est également prévue. C'est une clientèle un peu spéciale. Elle est composée essentiellement d'artistes, d'intellectuels et d'étudiants qui viennent, à toute heure, prendre un café ou un thé et échanger leurs impressions et leurs passions sur l'art, le théâtre et la littérature. A Casablanca et Rabat, villes qui ont connu la naissance du café littéraire marocain, les rencontres sont adossées à des institutions telles que la fondation ONA, les facultés et aux théâtres (Mohamed V pour la capitale, association Taieb Seddiki pour Casablanca). Plus académiques, les cafés de ces deux villes attirent souvent un public d'universitaires, de journalistes. Les cafés redeviennent lieux de convivialité élégante et policée, de discussions littéraires et politiques. Il s'y crée une nouvelle forme de sociabilité et des échanges impossibles ailleurs en rendant possible un mélange, un brassage des classes sociales, en raison du prix très modéré des consommations. On peut avancer que le café littéraire devient un maillon fort lié à la diffusion des idées nouvelles, d'une autre forme de rencontres et d'échanges. Yassine Ahrar L'origine Le café Procope fut probablement le premier endroit de ce genre. Créé en 1686 par Francesco Procopio Dei Coltelli dit Procope, ce lieu, d'un genre nouveau, obtint ses lettres de noblesse de la fréquentation de Voltaire, Rousseau et Diderot, pour ne citer qu'eux-là. Le rôle des cafés à cette époque était d'avoir une meilleure réputation, et c'est à cette fin que l'on invitait l'élite des philosophes, des écrivains, etc. Les personnes présentes pouvaient alors s'instruire et donner leurs opinions politiques. Les salons étaient organisés par des personnes qui invitaient les savants chez elles en fonction des sujets abordés, mais aussi selon l'hôtesse : par exemple, chez Madame Geoffrin, on ne recevait que des célébrités littéraires et philosophiques, telles que Diderot, Marivaux, Grimm, Helvétius…