Le SG du MP, Mohand Laenser décortique les révolutions qui embrasent les pays arabes et leurs répercussions sur le Maroc. Quelle est votre lecture des événements qui traversent le monde arabe ? Je pense que les évènements qui se produisent dans le monde arabe sont porteurs de plusieurs leçons. D'abord, la volonté populaire, lorsqu'elle est mobilisée autour de demandes justes et légitimes, finit par triompher quels que soient les obstacles. Ensuite, l'usage des nouvelles technologies de l'information rendent la communication plus facile et étendent le message au plus grand nombre de personnes en peu de temps, surtout à une jeunesse considérée, à tort, comme éloignée des préoccupations politiques. Il faut aussi signaler que la démocratisation de l'information en temps réel par les satellites ne permet plus aux régimes de commettre des exactions à l'abri des regards de la communauté internationale. Enfin, il faut retenir que la collusion entre le pouvoir et l'enrichissement illicite est porteuse des germes de révolution, tout comme l'imposition de la pensée unique par un parti-Etat. Des voix parlent d'un effet domino ou boule de neige sur le reste des pays arabes sans exception. Partagez-vous cet avis ? Je pense que, si les pays arabes en général partagent certaines tares des régimes tunisien et égyptien. Chaque pays a ses spécificités qui influeront, sans doute, sur la profondeur des changements pouvant s'y opérer. Mais il reste évident que le monde arabe semble entrer dans une étape de profondes réformes. Vous avez appelé récemment à une révision de la Constitution. Quel est votre argument ? La Constitution marocaine n'a pas été révisée en profondeur depuis bien longtemps. La dernière révision, encore que partielle, remonte à 1996. Or, depuis, un nouveau Roi a accédé au Trône et de nombreuses réformes ont été réalisées et ont besoin d'être consolidées par leur inscription dans la Loi fondamentale du pays. Depuis quelques années, l'amendement de la Constitution est à l'ordre du jour de plusieurs discours politiques. Mais il semble que personne n'ait encore fait l'inventaire de ce qu'il souhaite réellement amender dans la Constitution. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'au Mouvement Populaire nous avons décidé de faire cet exercice et de consigner ce qui nous paraît amendable. Nous avons toujours maintenu que la Constitution doit changer pour, entre autres, «constitutionnaliser» la langue berbère, pour modifier la composition et le mode électoral de la Chambre des Conseillers, mais que nous considérons que le renforcement des pouvoirs de l'Exécutif et du Législatif dépend surtout de l'application du texte actuel. On a parlé d'une réunion du Premier ministre avec les partis politiques , qui serait la résultante du 20 février… C'est une réunion classique tenue périodiquement par le Premier ministre avec les partis de la majorité, mais aussi avec ceux de l'opposition. Le timing et le contexte politique ont fait que cette réunion s'est faite en même temps avec l'opposition et la majorité, mais cela n'est pas exceptionnel car il y a des sujets d'importance nationale qui transcendent le clivage majorité-opposition. Ce sont ces sujets qui ont été abordés: la question du Sahara, le dialogue social, l'accélération des réformes, le fonctionnement des institutions entre autres. Vous avez déclaré, lors d'une conférence organisée par votre parti, que les citoyens marocains doivent jouir pleinement de leurs droits économiques, politiques et sociaux. Comment peut-on concrétiser cet appel ? Ceci n'est pas nouveau ; c'est une demande latente chez tous les citoyens. Il est évident que cela ne veut pas dire que le citoyen marocain ne jouit pas, au moins en partie, de ses droits. Ce sont d'ailleurs des droits qui sont inscrits dans la Constitution ou dans les conventions internationales auxquelles adhère le Maroc ou encore sur lesquels Sa Majesté le roi a pris des engagements, comme la question amazighe. En parlant d'une jouissance pleine, il s'agissait d'appeler l'attention sur les failles de l'administration ou de certains acteurs qui ne respectent pas ces droits. C'est une question de dignité, de responsabilité, d'équité et d'impunité. Quelle est votre position vis-à-vis du Parti authenticité et modernité (PAM) ? Le PAM est un parti légal qui a été créé en conformité avec la loi et qui a le droit d'agir dans le cadre de la loi. Tant qu'il se conformera aux dispositions applicables à tous, il n'y aura rien à lui reprocher. Qu'il soit en compétition avec les autres partis ou qu'il en gêne certains est tout à fait normal à mon sens, car c'est l'essence même du multipartisme. Maintenant, c'est aux partis qui lui reprochent d'agir en dehors de ces normes ou de bénéficier de passe-droits d'apporter la preuve de ce qu'ils avancent. La transhumance politique est revenue ces derniers temps au devant de la scène. Ne trouvez-vous pas que les formations politiques se trouvent une nouvelle fois de plus en plus décrédibilisées ? La transhumance partisane à grande échelle, surtout au Parlement, est une des causes de la décrédibilisation des institutions. Lorsqu'on parle, donc, de réhabiliter ces institutions, et en premier lieu le Parlement, c'est à ce problème qu'il faut s'attaquer en premier lieu. Une tentative a bien été faite avec la Loi sur les partis, mais ce texte, jugé imprécis et imparfait par certains, n'a pas eu l'effet escompté. C'est pourquoi nous continuons à demander la révision de ce texte en même temps que le Code électoral. En effet, tant que l'éducation et la maturité politique de certains élus n'ont pas encore atteint le niveau d'autorégulation, nous avons besoin d'un encadrement légal pour éviter ces dérives de la vie politique. A l'approche des élections de 2012, êtes-vous confiant ? Je suis confiant parce que Sa Majesté le roi souhaite et œuvre pour des élections transparentes et saines, parce que le gouvernement s'est engagé à revoir les textes électoraux afin de combattre les pratiques malsaines et, aussi, parce que ce qui se passe dans le monde nous condamne à avoir des comportements citoyens de peur d'en subir les conséquences fâcheuses. Ne craignez-vous une désertion des électeurs comme ce fut le cas en 2007 ? Je pense que nous avons encore le temps d'envoyer des signaux positifs à notre jeunesse pour la réconcilier avec les urnes. Il s'agit d'agir vite et de montrer la détermination de tous à réhabiliter nos institutions représentatives. Quelle est votre lecture de la marche organisée le 20 février ? Le Bureau politique du Mouvement Populaire a sorti un communiqué dans lequel il saluait l'esprit responsable des initiateurs de cette marche, tout en condamnant les dérapages fomentés par des opportunistes et des fauteurs de troubles. Il a également relevé le haut degré de responsabilité de ces jeunes qui ont fait la différence entre la sauvegarde et la pérennité des constantes de la Nation et les attentes légitimes des citoyens, attentes que partage le Mouvement Populaire et qu'il a maintes fois exprimées. C'est cet esprit qui est le gage d'une réconciliation de la jeunesse avec le fait électoral si les décideurs accélèrent les réformes engagées et en lancent de nouvelles comme l'a rappelé Sa Majesté le roi lors de l'installation du Conseil économique et social. Propos recueillis par Mohcine Lourhzal