Il faudra au moins dix ans pour reconstruire Haïti. C'est le diagnostic fait par Pierre Duquesne, ambassadeur chargé de la coordination interministérielle française de l'aide et de la reconstruction, lors d'une conférence organisée lundi à la mairie de Paris à l'occasion du premier anniversaire du tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui avait fait plus de 230.000 morts. Plus d'un million d'habitants sinistrés vivent encore dans des camps, souvent dans des conditions précaires. rès de 10 milliards de dollars (environ 7,7 milliards d'euros) ont été promis par des donateurs internationaux lors d'une conférence sur la reconstruction d'Haïti organisée en mars dernier à New York. Mais l'organisation Médecins du monde estime, dans un communiqué, que les Etats membres de la communauté internationale, "loin d'avoir tenu leurs promesses, ne semblent envisager l'assistance à Haïti qu'au travers des programmes d'urgence". En ce qui concerne la France, Philippe Duquesne ne partage pas cette analyse. Selon lui, la lenteur de la reconstruction s'explique notamment par le manque d'institutions étatiques, décimées au moment du séisme. "Il n'y a pas de ministère du Logement, pas de ministère de l'Enseignement supérieur, pas de financement du système de santé", souligne-t-il notamment, en ajoutant que la campagne électorale actuelle dans le pays "n'aide pas à la prise de décision". Pour Laënnec Hurbon, directeur de recherche au CNRS et spécialiste d'Haïti, cette "dégringolade" ne date pas du 12 janvier 2010 puisque selon lui l'Etat s'est écroulé il y a déjà plusieurs années avec la dictature. Le séisme de magnitude 7,3 a été "l'estocade finale de l'Etat" qui reste aujourd'hui d'"une fragilité extrême", souligne-t-il. Philippe Duquesne assure cependant que "la reconstruction n'est pas en panne" mais qu'elle prend du temps. "Au total, 1,4 milliard de dollars (1,1 milliard d'euros) a été versé à Haïti en 2010, ce qui me paraît conforme aux capacités d'absorption du pays", souligne-t-il, en précisant qu'il fallait engager les fonds progressivement. "Il n'est pas vrai et il est contre-productif de dire qu'il ne se passe rien", affirme-t-il. Niels Scott, qui travaille pour l'Office de coordination des affaires humanitaires des Nations unies à Genève, rappelle notamment que plus de quatre millions de personnes ont reçu de la nourriture, et que 2,2 millions de personnes ont bénéficié d'un abri d'urgence. M. Scott, qui a passé cinq mois à Haïti, concède toutefois qu'"il y a des faiblesses dans la coordination de la gestion humanitaire", avec "trop de réunions, pas assez de résultats, de décisions". François Grünewald, directeur général et scientifique du Groupe Urgence-Réhabilitation-Développement (URD), reconnaît qu'il y a eu "un manque de leadership humanitaire" et estime aussi que les humanitaires, souvent habitués à gérer des camps, "ne savent pas travailler en ville", ce qui posait problème à Port-au-Prince, la capitale. Mais il insiste sur "l'extraordinaire résilience des Haïtiens" qui, "très vite, ont essayé de s'en sortir", et sur le rôle important joué par la diaspora, notamment au Canada et aux Etats-Unis. "On ne peut pas compter sur l'Etat qui s'est effondré", constate également le Dr Daniel Duré, qui tente d'enrayer "l'épidémie de choléra qui fait rage" actuellement en Haïti (plus de 3.000 morts), notamment en raison "des problèmes d'hygiène" dans les bidonvilles. La France, qui a engagé des fonds notamment pour la reconstruction de l'hôpital universitaire d'Etat et deux quartiers de Port-au-Prince, a aussi accueilli depuis le séisme 1.015 enfants dont les procédures d'adoption avaient été lancées avant le 12 janvier 2010. "Vingt-cinq familles sont encore en attente car la procédure d'adoption n'est pas assez avancée", souligne Jean-Paul Monchau, ambassadeur chargé de l'adoption internationale au ministère français des Affaires étrangères. "Il n'y a pas eu de nouvelles procédures engagées après le 12 janvier 2010, car les conditions d'adoption ne nous paraissent pas réunies", a-t-il précisé. La mise en place d'un organisme officiel chargé des adoptions à Haïti pourrait permettre de relancer le processus, mais le pays est confronté actuellement à d'autres priorités. (AP)