La France s'est expliquée dimanche sur l'intervention armée qui a échoué à sauver deux jeunes Français retrouvés morts dans le Sahel, 24 heures après un enlèvement probablement perpétré par une branche d'Al Qaïda. Agés de 25 ans et originaires du nord de la France, Antoine de Léocour et Vincent Delory ont été enlevés vendredi à Niamey, capitale du Niger. Les autorités françaises soupçonnent Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). L'opération de sauvetage manquée, menée par des forces nigériennes et françaises, a été ordonnée par Nicolas Sarkozy "en étroite coordination" avec le Premier ministre François Fillon et le ministre de la Défense Alain Juppé, a dit ce dernier dimanche. "Nous l'assumons pleinement", a-t-il ajouté. Alain Juppé se rend ce lundi à Niamey à la demande de François Fillon pour rencontrer les autorités du pays et la communauté française à Niamey. Le Premier ministre recevra de son côté lundi en fin d'après-midi les présidents des deux assemblées, des groupes parlementaires et des commissions de la Défense et des Affaires étrangères des deux chambres pour les informer "des mesures prises, tant en France que dans la région, pour assurer la sécurité des Français face à la menace terroriste", a annoncé Matignon. En visite aux Antilles, Nicolas Sarkozy a dénoncé l'"assassinat particulièrement odieux" des deux Français. "C'est la Nation toute entière qui s'associe à la douleur des familles et des proches des victimes", a-t-il dit en Guadeloupe, ajoutant que la France n'accepterait "jamais le diktat des terroristes et du terrorisme". "NE RIEN FAIRE, C'ETAIT PRENDRE UN DOUBLE RISQUE" Invité du journal de 20 heures sur TF1, Alain Juppé a expliqué pourquoi les autorités françaises, chef de l'Etat en tête, avaient décidé d'intervenir militairement pour libérer les otages. "Ne rien faire c'était prendre un double risque : d'abord voir nos otages amenés par leurs ravisseurs dans une de leurs bases refuges du Sahel, et on sait ensuite comme il sont traités, (et puis) ne rien faire c'est donner un signal que la France, finalement, ne se bat plus contre le terrorisme", a dit le ministre de la Défense. "La décision était grave, était lourde, nous l'avons prise et nous l'assumons pleinement", a-t-il ajouté. Il a affirmé que les deux Français avaient sans doute été exécutés par les preneurs d'otages. "Tout donne à penser aujourd'hui qu'ils ont été exécutés par les ravisseurs", a dit l'ancien Premier ministre. "Pour en avoir la preuve formelle, il faut que l'enquête judiciaire, l'enquête de médecine légale (...) puisse aboutir à des conclusions définitives." Cette thèse a été corroborée par un haut responsable militaire nigérien. "Les ravisseurs ont trouvé la mort à bord de leur véhicule. Selon les renseignements en ma possession, ils en étaient les seuls occupants au moment de l'accrochage. Donc l'exécution des otages, c'était bien avant l'accrochage" a-t-il déclaré. Le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l'état-major des armées, a jugé quant à lui "probable" l'implication dans cette drame de l'organisation Aqmi, qui a revendiqué d'autres enlèvements d'Occidentaux au Sahel, dont cinq Français détenus depuis septembre. PLUS AUCUN ENDROIT N'EST SÛR AU SAHEL, DIT PARIS Sur son site internet, le ministère français des Affaires étrangères recommande "la plus grande vigilance et la plus extrême prudence" à ses ressortissants voyageant dans les pays du Sahel - Mali, Mauritanie, Niger -, où "aucun endroit ne peut désormais plus être considéré comme sûr". Les deux Français tués étaient originaires de Linselles, dans la métropole lilloise. Antoine de Léocour vivait depuis deux ans en Afrique, où il était employé par une ONG française, Aide médicale internationale. Il devait épouser une Nigérienne la semaine prochaine. Vincent Delory, son ami d'enfance, ingénieur de profession, venait de le rejoindre dans la capitale nigérienne pour participer aux festivités. L'Elysée a fait savoir que Nicolas Sarkozy rencontrerait les familles des deux hommes, enlevés vendredi soir par quatre hommes armés et vraisemblablement arabophones alors qu'ils dînaient dans un restaurant de Niamey. Il s'agit du premier enlèvement de ce genre dans la capitale du Niger, perpétré à des centaines de kilomètres des zones désertiques où les islamistes opèrent. Ces décès portent à trois le nombre de ressortissants français tués au Sahel en l'espace de six mois. En juillet dernier, Aqmi avait exécuté l'otage français Michel Germaneau en réponse à une opération militaire mauritanienne menée avec l'appui de l'armée française qui n'avait pas permis de libérer cet homme de 78 ans. En septembre, sept personnes dont cinq Français ont été enlevés à Arlit, dans le nord du Niger. Ils seraient actuellement détenus au Mali. (Reuters)