Jusqu'où ira le bras de fer entre les importateurs de véhicules non-européens et le gouvernement sur les droits de douanes ? Chacun campe sur ses positions. Après une année 2009 critique, le marché automobile marocain est encore en dépression. Les dernières statistiques de l'Association des importateurs de véhicules automobiles au Maroc (AIVAM) du mois de février confirment cette tendance baissière. Les ventes de voitures neuves de tourisme (importés et montées localement) n'ont pas dépassé les 6700 unités en février, s'inscrivant ainsi en baisse de 10% par rapport à la même période l'année dernière. Pour remédier à cette baisse les importateurs multiplient les actions de promotion et les offres de financement. Sur le volet juridico-économique, une prime à la casse a été proposé , à l'instar de celle instaurée chez nos voisins européens, et des incitations fiscales. S'ajoute une baisse des droits de douanes opérée début mars dans le cadre de l'accord de libre échange avec l'Union européenne. Et c'est là que le bât blesse. La baisses des droits de douane sera bénéfique aux importateurs européens, mais pour les autres, le préjudice sera notable. Sorties médiatiques Les importateurs de véhicules d'origine asiatique ont décidé de livrer bataille contre ce régime préférentiel. Honda, Toyota, Jeep, Subaru, Hyundai, Mazda, Kia et d'autres marques qui ont vu leur chiffre d'affaires dégringoler ces dernières années ont ainsi créé en 2008 le Groupement des importateurs de véhicules pour l'équité tarifaire (Givet) pour plaider leur cause. L'enjeu est de taille : les statistiques de l'AIVAM montrent un déclin considérable des parts de marché de ces importateurs ces dernières années (6% en 2009) et la baisse se fera sentir davantage entre 2010 et 2012, année où les droits de douane seront de 0% pour les importateurs de véhicules provenant du vieux continent. Pour faire entendre sa voie, le Givet, présidé par Adil Bennani, DG de Toyota Maroc, n'a pas hésité à multiplier, ces deux dernières semaines, les sorties médiatiques. Son argumentaire : la taxe appliquée aux importations en provenance des pays tiers, sauf partenaires commerciaux comme l'UE, sera de 17,5% en 2012, alors que l'Europe les taxe déjà à 10% et les États-Unis à 2,5%. Conclusion : le Maroc protège le marché des véhicules d'origine européenne plus que ne le font les Européens eux-mêmes. Le Givet demande donc un amendement de la Loi de Finances 2010 et l'application d'un droit de douane de 10% pour tous les véhicules non européens. Fermeté ministérielle Mais Ahmed Reda Chami, ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, reste ferme. «Me demander de vous accorder des avantages par rapport à vos concurrents européens, c'est me demander de changer de métier», a-t-il récemment déclaré. Cette sortie du ministre ne décourage pas les membres du Givet. Pour arriver à ses fins politiques, le groupement qui représente 50% du marché marocain des véhicules importés compte frapper à toutes les portes pour obtenir gain de cause. Il a notamment frappé à la porte d'autres membres du gouvernement, sollicitant Abdellatif Maazouz, ministre du Commerce extérieur, Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances et Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales. San réponse. «A ce jour, aucun ministère n'a répondu à notre demande», nous déclare Adil Bennani, président du Givet. En véritable lobby, le groupement ne compte pas s'arrêter là. Des réunions sont prévues avec Mohamed Hourani, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et les membres de la commission des finances au parlement. Le groupement cherche également des appuis extérieurs au sein des ambassades du Japon, de la Corée, de la Chine et de l'Inde pour exercer une pression sur les pouvoirs publics. Face à ces sorties médiatiques du Givet, les importateurs de marques européennes n'ont pas tardé à répliquer. La réponse est tombée, laconique, à travers un communiqué. «L'Union européenne a signé un accord d'association avec le Maroc et à ce titre, les véhicules fabriqués en Europe, quelle que soit leur marque, peuvent être exportés vers le Maroc à des taux préférentiels», martèlent-ils, ajoutant que l'UE est le principal partenaire commercial du Maroc, comparaison avec les partenaires japonais ou chinois à l'appui. Quid du client marocain, friand de 4X4 et pick-up dont les modèles asiatiques sont les plus prisés. Affaire à suivre. Mohamed Amine Hafidi Mourad Belgnaoui, DG de Scandinavian Auto, importateur exclusif de la firme suédoise Volvo au Maroc, se montre confiant pour cette année. «Le Maroc s'en est bien sorti malgré la crise» Le Givet réclame une meilleure équité tarifaire. Quelle est votre réaction sachant qu'en tant qu'importateur européen vous profitez du démantèlement douanier ? Ce n'est pas une question simple. Si nous nous plaçons dans le débat sur l'équité, nous risquons de l'interpréter d'une manière erronée. Nous faisons entièrement confiance aux autorités compétentes pour trouver le bon compromis entre les intérêts de tout un pays par rapport à un segment distinct du secteur automobile. Le marché automobile marocain est en baisse continue, en particulier, les ventes de voitures neuves. Comment l'expliquer ? La crise financière mondiale à impacté de plein fouet l'industrie automobile dans le monde entier. Le marché marocain a ressenti partiellement l'onde de choc de cette crise avec une baisse d'investissement des sociétés étrangères et une réduction des budgets d'exploitation. Mais le Maroc s'en est bien sorti malgré une baisse de vente de 10% en 2009 par rapport à 2008 et cela grâce à la croissance interne. Quelles seraient les répercussions du rachat de Volvo Cars par le Chinois Geely ? Il n'y aura aucune répercussion directe sur le marché marocain. Ceci relève surtout d'intérêts financiers et stratégiques au niveau mondial. Cela se traduira par une augmentation importante de la production, et donc des économies d'échelle qui amélioreront certainement notre offre à nos clients actuels et potentiels. Comment se porte la marque Volvo au Maroc ? Depuis la reprise de la marque en 2003 par le groupe, Volvo gagne des parts de marché de plus en plus importantes dans le segment Premium. Les progressions enregistrées ces dernières années reflètent la bonne santé de Volvo au Maroc. En 2009, vous avez réalisez un chiffre d'affaires de près de 100 MDH. Quel est votre objectif pour l'année 2010 ? Notre objectif pour l'année 2010 est d'écouler prés de 350 véhicules. A fin mars 2010, nous avons doublé nos ventes par rapport à la même période l'an dernier, ce qui augure une progression positive pour 2010. Les résultats de 2009 ont enregistré une progression de 112% par rapport à 2008 et de 37% de 2007 à 2008. Pour l'année 2010, nous maintiendrons notre stratégie qui consiste en un réel repositionnement de notre offre, la diversification de notre gamme et le développement du réseau de vente. Le salon de l'automobile de Casablanca se tiendra le mois de mai prochain. Quelles seront vos offres ? Nous proposerons une offre diversifiée et nous profiterons de cet événement pour exposer le prototype du dernier né de Volvo, la S60, dont la production sera lancée après l'Auto Expo. Elle sera exposée à Casablanca avant Madrid et le Mondial de Paris, ce qui démontre toute l'importance du marché marocain pour Volvo. Propos recueillis par M.A.H.