Profitant de la déprime du compartiment actions, le marché de la dette privée monte en force, drainant de plus en plus d'émetteurs et de volumes. Mardi 15 décembre Attijariwafa bank obtient le feu vert du CDVM pour l'émission d'un nouvel emprunt obligataire subordonné. Montant à lever : 1 milliard de dirhams, remboursable sur une échéance de 7 ans. Réservée exclusivement aux investisseurs institutionnels, l'opération est structurée en quatre tranches (deux cotées et deux non cotées) et promet une prime de risque de 80 points de base. Un jour plus tôt, c'est un autre opérateur qui se jettait dans le bain «obligataire». Il s'agit du groupe de Mohamed Nafekh Alami Lazrak, Alliances Développement Immobilier. Soumise à l'assemblée générale mixte des actionnaires, la décision de lancer un emprunt obligataire est vite validée. ADI est désormais autorisée à lever jusqu'à 2 milliards de dirhams sur le marché obligataire. Une opération qui se fera en deux temps, avec un montage pour le moins ingénieux. Une moitié en obligations ordinaires et l'autre en obligations convertibles en actions. Première sortie du groupe immobilier : février 2010. Comme pour Attijariwafa et Alliances, nombre d'opérateurs économiques, petits ou grands, publics ou privés, ont choisi cette année de recourir au marché de la dette privée pour se financer. Une année où la Bourse déprime, mais où le marché obligataire est plus que jamais actif. À la date d'aujourd'hui, ce sont pas moins de sept emprunts qui ont été lancés depuis début 2009, pour un montant global de 8,75 milliards de dirhams. L'opération Attijariwafa bank, qui devrait être clôturée le 24 décembre, portera ce chiffre à 9,75 milliards de dirhams. Un niveau certes inférieur à celui de 2008 (10,5 MdDH levés en neuf opérations), mais qui représente quand même le double des montants empruntés sur le marché en 2006 et en 2007. Les banques, premiers emprunteurs À la ruée des émetteurs vers le compartiment obligataire répond l'engouement des investisseurs pour ce type de placement. Un engouement dont les raisons sont évidentes : l'attractivité des primes de risque offertes par les émetteurs et la manque d'opportunités de placement sur d'autres marchés en ces temps d'atonie du compartiment actions. Les établissements bancaires continuent à être les principaux émetteurs sur ce compartiment. En comptant la prochaine opération d'Attijariwafa, ils auront émis pour 6,4 milliards de DH de titres obligataires, soit 66% du volume global du marché. Attijariwafa bank n'en est pas à sa première opération de l'année. Elle a déjà émis en début d'année un emprunt subordonné d'un montant de 1 milliard de DH, dont une tranche est cotée à la Bourse de Casablanca, sur une maturité de 10 ans. La Banque centrale populaire (BCP) a pour sa part levé 1,5 milliard, dont également une tranche cotée en Bourse sur 7 ans. Idem pour Société Générale, qui a émis pour près de 2 milliards de DH en obligations subordonnées sur 10 ans. Quant à BMCE Bank, elle vient de boucler récemment un emprunt perpétuel (sans durée de remboursement déterminée) pour un montant de 1 milliard de DH. On voit ainsi que la majeure partie des 6,4 milliards levés est constituée d'obligations subordonnées. L'intérêt que portent les banques à ce mécanisme est à lier avec leur besoin pressant en fonds propres. L'objectif est double : se conformer aux règles prudentielles de Bank Al-Maghrib (le ratio de solvabilité est passé de 8 à 10% en 2009 puis à 12% en 2010), tout en poursuivant leurs stratégies d'investissement (extension du réseau et développement à l'international). Le «Oui, mais» de Fitch Ratings Les banques ne sont pas les seules à se laisser séduire par le marché obligataire. D'autres opérateurs économiques, publics et privés, ont également levé des fonds sur ce compartiment. Autoroutes du Maroc a émis pour 1,5 milliard de DH d'obligations sur deux maturités, 10 ans et 20 ans. La SNI, dans l'objectif d'accompagner la croissance de l'opérateur télécoms Wana, a également levé 1,5 milliard sur une maturité de 10 ans. Enfin, la Compagnie minière de Touissit a lancé un emprunt obligataire convertible en actions d'une maturité de 5 ans, pour un montant de 250 MDH. Toutes ces opérations ont été bouclées avec succès et dans la plupart des cas, les souscriptions ont dépassé l'offre. Il faut dire que pour un risque quasiment nul, les taux d'intérêt offerts ont de quoi séduire : ils ont varié entre 4,38% et 5,60%, incluant des primes de risque allant jusqu'à 125 points de base ! Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes pour le marché des obligations privées ? Rien n'est moins sûr. Certes, l'agence internationale de notation Fitch Ratings n'a pas manqué de souligner, dans un rapport consacré à la région Maghreb, que «le marché obligataire marocain est le plus liquide d'Afrique du Nord». Elle précise cependant que «ce compartiment a encore un long chemin à parcourir pour atteindre une certaine maturité». Les analystes de Fitch notent à ce titre que son encours reste faible, représentant à peine 1,3% du PIB (contre 65% pour la dette bancaire), et qu'il est toujours dominé par les grandes entreprises avec un nombre peu élevé d'opérations. Mehdi Michbal