L'alimentation de luxe. Le 20 mai, Rob Cox, chroniqueur à Breaking Views, a déclaré que «les allées de la fortune et de la finance vibrent d'un optimisme nouveau». Qu'est-ce qui lui fait dire ça ? Whole Foods a annoncé un trimestre solide, «le meilleur que nous ayons eu depuis des années» selon les termes de son PDG, John Mackey. La hausse des ventes à périmètre comparable a atteint 8,6% et Whole Foods a dynamisé ses perspectives pour toute l'année. Le cours de l'action a doublé sur les douze derniers mois. Les maisons de luxe. «Les ventes de demeures de luxe s'enflamment de nouveau» s'emballe un gros titre du Wall Street Journal de vendredi dernier dans un article sur les logements haut de gamme. A San Francisco comme à Manhattan, explique le quotidien, le nombre de logements vendus à plus de 2 millions de dollars au premier trimestre 2010 -49 et 402, respectivement- a dépassé les chiffres de 2005 pour la même période. Les babioles de luxe. Jeudi, Tiffany a annoncé un excellent premier trimestre, avec une augmentation de son chiffre d'affaires mondial de 22%. La plus grande partie de cette hausse est à attribuer à la découverte toute récente par les Américains du charme fou des boîtes bleu pâle -et des petits bouts de métal excessivement chers cachés à l'intérieur. «Les ventes de la boutique phare de New York ont bondi de 26% et celles de filiales américaines comparables ont augmenté de 13%. Les ventes par Internet et sur catalogue sur le continent américain ont connu une croissance de 23%». A quelques rues au Sud sur la cinquième avenue, Saks déclare qu'après sept trimestres de baisse consécutifs, son chiffre d'affaires à périmètre comparable a fini par augmenter de 6,1% dans les résultats du premier trimestre. Son chiffre d'affaires global se monte à 667 millions de dollars. Chez Nordstrom, le chiffre d'affaires à périmètre comparable au premier trimestre était supérieur de 12% à celui du premier trimestre 2009 et le chiffre d'affaires net se montait à 1,99 milliard de dollars, soit 17% de plus qu'au même trimestre de l'année précédente. Les très riches n'ont jamais disparu.Ces données laissent à penser que les riches sont de retour. Mais de retour d'où, au juste ? L'ensemble Whole Foods-appartements à 2 millions de dollars-Tiffany-Saks-Nordstrom connaît une relance en actif, en valeur nette et en egos (si les ventes de Botox et de chirurgie esthétique commencent à augmenter, cette relance se verra aussi ailleurs). Mais les chiffres des ventes à périmètre comparable peuvent être trompeurs. En réalité, les vraiment riches ne sont jamais vraiment partis, même au plus profond de la récession. Et ces grandes marques de luxe ne s'adressent pas uniquement à des milliardaires et à des magnats des hedge-funds -ils ne sont pas assez nombreux pour faire vivre des centaines de boutiques. Non, les clients qui ont permis aux commerces de luxe de masse de prospérer, ce sont les pas-tout-à-fait-riches, les gens cools qui gagnent 250.000 dollars ou plus et nient appartenir à la classe des fortunés, la haute bourgeoisie qui fait souvent semblant d'être riche et ceux qui ne sont pas riches du tout et ont utilisé leur capital immobilier et leur carte de crédit pour faire illusion dans certaines boutiques. S'ils ont émergé de la stupéfaction dans laquelle ils ont été plongés, ces clients-là n'ont pas encore récupéré toutes leurs capacités. 2007 ne reviendra pas de sitôt. Le chiffre d'affaires de Tiffany s'élevait à 633,6 millions de dollars au premier trimestre, soit à peu près la même chose qu'au premier trimestre 2007. Chez Saks, le chiffre d'affaires du premier trimestre 2010 était encore inférieur de 23% à celui du premier trimestre 2008. Neiman-Marcus avance que si ses ventes du trimestre dernier se sont bien redressées, elles restent néanmoins de 19% inférieures aux chiffres du premier trimestre 2008. Et ainsi de suite. En termes de valeur des logements et pour les commerçants de luxe -tout comme pour la bourse d'ailleurs- les résultats de 2007 pourraient bien représenter un jalon qui ne sera pas dépassé avant de nombreuses années. Pour retrouver une pleine santé financière, ces entreprises vont devoir convaincre leur public principal, celui qui est rongé par l'inquiétude, qu'il n'y a aucun problème à claquer 130 dollars en légumes bio ou 475 dollars pour une paire de chaussures. Et malgré la croissance de l'économie, beaucoup d'entre eux sont encore angoissés -par l'instabilité de leur plan d'épargne retraite, l'insécurité du marché de l'emploi et la valeur de l'immobilier. Certes, ils se sentent beaucoup mieux qu'en 2009. Mais il faudra une ou deux autres années de solide croissance, de gains financiers et de bonus bien gras avant qu'ils ne recommencent à se lâcher comme en 2007.