Les drapeaux turcs pavoisent les rues et les cafés et nouveaux-nés baptisés de noms turcs. Gaza a déjà célébré le Hezbollah, le Venezuela ou l'Irak, crédités d'avoir tenu tête à Israël. L'organisation de bienfaisance islamiste turque IHH, qui a affrété le navire amiral de la flottille, a distribué des jouets aux orphelins des martyrs gazaouis tués par l'armée israélienne. Quand quelqu'un nous aide, le moins que nous puissions faire c'est de l'encourager», explique Atef Akkila, à la terrasse d'un débit de jus de fruits sur la principale avenue de Gaza, dont la façade arbore un alignement d'étendards palestiniens et turcs. «Ils ont versé leur sang pour nous, nous leur devons bien ça», poursuit le jeune homme, qui s'occupe de l'installation et de la décoration de plusieurs établissements, au sujet des neuf Turcs tués par l'armée israélienne lors de l'arraisonnement de la flottille internationale d'aide pour la bande de Gaza. «Nous connaissons bien les Israéliens, mais la flottille était imposante, alors nous espérions qu'elle réussisse à forcer le blocus» d'Israël, renforcé depuis que le Hamas a pris le contrôle sans partage du territoire en 2007, ajoute-t-il. «Cela peut paraître étrange d'afficher des drapeaux sur la devanture d'un café, mais toute notre existence est politisée», rappelle Atef Akkila. La faveur pour la Turquie se décline sous bien d'autres formes: plusieurs nouveaux-nés ont été nommés en l'honneur du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, un café à l'enseigne «Istanbul» vient d'ouvrir à Gaza, où se joue une pièce de théâtre historique intitulée «Constantinople». Implantée à Gaza, l'organisation de bienfaisance islamiste turque IHH, qui a affrété le navire amiral de la flottille, a distribué des jouets aux orphelins des «martyrs» gazaouis tués par l'armée israélienne. Erdogan s'est attiré une popularité aussi immédiate que spectaculaire dans les Territoires palestiniens, en affirmant qu'Israël devait être «puni» pour son «crime». Le rédacteur en chef palestinien du quotidien arabe Al-Quds al-Arabi, Abdel Bari Atwan, a salué «un langage qui n'a plus été entendu depuis la mort de Gamal Abdel Nasser», l'ancien président égyptien. En janvier 2009, une floraison de drapeaux vénézuéliens dans les territoires avait suivi la rupture par le président Hugo Chavez des relations diplomatiques avec Israël en réaction à son offensive meurtrière à Gaza. Baromètre très sensible de l'opinion à Gaza, les incontournables boutiques de souvenirs de la famille Abou Dayyah, spécialisée dans la fabrication et la vente de drapeaux, gardent la trace de ces modes. «La popularité de la Turquie ne date pas d'aujourd'hui, il y avait déjà des hôpitaux et de l'aide humanitaire», souligne le père, Talal, dans son magasin dont l'entrée s'orne de drapeaux turcs et de portraits de Erdogan. «Mais ces jours-ci, on ne vend quasiment plus que des drapeaux turcs. Les gens le mettent chez eux à côté du drapeau palestinien», témoigne-t-il. «Nous avons même fait une réduction en raison de la quantité. Au début, le prix était de 40 shekels (10 dollars), nous l'avons abaissé à 30 shekels (8 dollars)», précise Talal Abou Dayyah. Derrière le comptoir de sa propre échoppe encombré d'une pile de fanions turcs, son fils, Tareq, dévoile la méthode de l'entreprise familiale. «Je suis l'actualité en permanence. Quand j'ai entendu les informations sur le bateau turc et la flottille, nous avons préparé des centaines de drapeaux, et en fin de compte nous avons vendu des milliers de drapeaux turcs». «C'était pareil pour les drapeaux libanais et du Hezbollah en 2006, les drapeaux français quand Jacques Chirac est venu à Gaza en 1996, ou même américains au moment de la visite de Bill Clinton en 1998», se souvient-il. Mais le filon est sur le point de se tarir face à la concurrence d'autres drapeaux, qui fleurissent à travers les territoires palestiniens: ceux des 32 participants à la Coupe du Monde de football, pour laquelle la Turquie n'est pas parvenue à se qualifier.