L'époque n'invite plus à la plaisanterie ! Elle est grave et peut-être même désespérée. Il semble que le Maroc traverse aujourd'hui l'une des plus grandes crises de son histoire : celle de la confiance ! L'affaire de grâce accordée et retirée au pédophile espagnol par le Roi a secoué notre pays. Mais, au moins, nous a-t-elle révélé quelque chose : le sursaut de la société civile et des jeunes. C'est la société civile et la jeunesse qui ont joué le rôle de fédérateur, l'aiguillon critique et le poil à gratter du conformisme ambiant. Ils ont brisé la glace de l'indifférence et combattu la culture de la langue de bois...Plus que les partis politiques, endormis et frileux, la société civile a réveillé les consciences... Nous sommes donc interpellés par cette nouvelle réalité. La société civile constitue aujourd'hui une force , numérique d'abord, sociale et politique ensuite. Elle occupe une place primordiale sur les sites numériques, s'exprime avec un autre langage, une franchise caractéristique d'une époque qui refuse le mensonge et érige le franc parler comme le seul moyen du dialogue. Pendant deux semaines, les innombrables associations des droits de l'Homme, qu'elles soient organisées ou spontanées, ont porté haut la voix de la vérité. Une vérité qui dérange. Le Maroc tout entier a découvert qu'il a une force sociale, même inorganisée, souterraine mais présente. Cette force, ce sont les jeunes qui n'ont pas lâché prise. Ils ont fait preuve de lucidité et de persévérance, convaincus que l'ère de la langue de bois est révolue. Le monde entier salue la conscience aiguë des jeunes marocains et le patriotisme dont ils ont fait preuve pendant la première semaine du mois d'août. Leur revendication s'est inspirée du bon sens, et même d'une exigence morale : préserver le Maroc d'une dérive, ne donner aucun prétexte aux adversaires de notre pays qui se font un plaisir malin d'instrumentaliser leur protestation ou de s'en servir à des fins opportunistes et déstabilisatrices. Ce que, en vérité, ni gouvernement de coalition, ni chefs de partis ou de syndicats, ni ministres , hauts responsables ou autres leaders n'ont compris et se sont refusés d'exprimer ! Ce qu'ils n'ont pu faire, les jeunes de la société civile l'ont honoré. Dans cette affaire de grâce retirée, le Roi a compris les enjeux et pris la réelle mesure des choses. Plus que jamais frileux, l'Establishment a abandonné le Roi face à la protestation. Mais le Roi est allé plus vite que les autres forces pour rectifier le tir et assumer sereinement une situation dont certains ont cru faire leurs choux gras. C'est sur la base des réactions de la société civile, qu'il a compris la nécessité de réagir et d'ajuster les choses. C'est en prenant aussi conscience de la réactivité de la jeunesse qu'il a réagi , comme un gardien des valeurs nationales. On a assisté donc à une sorte de consensus bipolaire entre le chef de l'Etat et les forces de la société civile qui ont constitué le pouls et le révélateur du malaise politique et social. Or, aucune autre force, gouvernementale, partisane ou autre ne s'est exprimée pour le soutenir spontanément, quand ce n'est pas pour rejeter la responsabilité de la bavure sur lui. C'était comme on dit « Motus et bouche cousue » ! Mais c'était aussi une leçon significative pour nous : comprendre enfin que les partis politiques et les responsables du gouvernement perdent la voix dans les situations graves, et leur crédibilité par conséquent. Ils se font donner les leçons de courage par les jeunes qui, l'expérience le montre, apprennent à juger, s'engagent à défendre les valeurs de leur pays, s'exposent même pour nous montrer que dans le combat de dignité, il n'y a pas de compromis, il n'y a pas de calcul. Nous avons célébré la Fête de la jeunesse, et le Roi a prononcé un discours d'une tonalité critique, comma jamais il ne l'a fait auparavant. Il faut donc revoir notre conception de l'éducation et du rôle des jeunes au sein de la société. Il faut anéantir les préjugés selon lesquels les jeunes devraient être le relais des vieux! Qu'ils devraient aussi accepter d'être les disciples d'on ne sait quelle génération de vieux et on ne sait quelle fadaise encore ! Chaque époque comporte ses héros et ses figures emblématiques ! Aujourd'hui, les héros de ce Maroc nouveau qui bouge, ce sont les jeunes ! Ils nous ont donné la preuve de leur maturité, leur engagement nous prend en défaut. La jeunesse marocaine comprend des femmes et des hommes, à parité égale, du moins sur le papier, en attendant qu'elle s'impose sur le terrain , économique, politique et social...Les responsables sont aujourd'hui interpellés par cette réalité nouvelle que les jeunes sont plus que des spectateurs, mais des acteurs engagés. Ils sont la force et le véhicule de la pérennité de ce pays, le socle sur lequel s'édifie son avenir et s'articule tout vision de progrès. Dans les discours que le Roi a prononcés depuis son accession au Trône en juillet 1999, les jeunes ont représenté une grande priorité de sa politique. Il n'a pas cessé d'inaugurer des projets en leur faveur, de donner ses instructions pour leur encadrement, de lancer les Maisons de jeunes, des centres de formation, des instituts de réinsertion pour les jeunes détenus, leur intégration dans le tissu productif, de favoriser les partenariats dynamiques entre la Fondation Mohammed V et les autres fondations, notamment la Fondation MJID, d'établir des passerelles institutionnelles, certes, mais aussi directes et populaires... Rien n'est plus hasardeux et dangereux qu'une jeunesse oisive, livrée à elle-même et aux démons de la récupération par les forces obscures ou des divers trafics ! Les trois dernières années nous ont fourni, à coup sûr, le plus mauvais exemple de ce que pouvait être une jeunesse désœuvrée, en attente ou dans le désespoir, en Tunisie, en Libye, en Egypte. Une jeunesse malléable et corvéable à merci, récupérable et instrumentalisée politiquement. On se console que les jeunes marocains, attachés aux idéaux de la démocratie, expriment leurs doléances et leurs revendications dans le cadre d'une société civile, aguerrie, expérimentée, diversifiée à travers ses différents courants, mais unie sur le principal objectif, le vivre ensemble !