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L'Afrique théâtrale à Avignon
Publié dans Le Soir Echos le 19 - 07 - 2013

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Pour cette 67e édition de l'incontournable festival d'Avignon, l'accent est mis sur les créations émergentes du théâtre africain. Forte de 21 créations et 12 premières en France, la programmation met en avant des metteurs en scène qui viennent de Brazzaville, Kisangani, Ouagadougou, Lagos, Le Cap. Parmi ces pointures, le Congolais Dieudonné Niangouna a fait sensation. Premier artiste-associé africain du festival, il signe une sorte d'épopée en trois parties : « peur », « solitude », « urgence ». Ces trois états rejoignent complètement les trois actes de la pièce, et le leitmotiv de ses personnages. « Ecrire Shéda, qui est l'une des plus grandes pièces de ma vie, c'était aussi une manière de visiter toutes mes angoisses, mes peurs, mes beautés du théâtre », a-t-il déclaré à France 24.
La pièce oscille entre théâtre, poésie et performance. Une forme théâtrale ambiguë – mélange en swahili de «shida» («transaction louche») et de «shéta» («diable», «démon») – accentuée par un jeu d'acteurs fougueux, à la lisière de la folie et une musique puissante. L'écriture de Dieudonné Niangouna est déconcertante : pas de trame linéaire, pas de narration, à peine une évolution des personnages. Au centre du cirque, une ville morte et son gardien, un servant au regard fou qui profère des paroles incompréhensibles en tournant en rond entre les décors : une marre aux crocodiles, une maison de chats et une cheminée de fonderie. Des cris résonnent au loin, plusieurs acteurs de la troupe courent en cadence sur les bords du précipice. Les grossièretés rebondissent à chaque phrase, et les monologues, digressions et emportements donnent lieu à des moments forts de théâtre.
Une écriture sauvage et intense
Même décousue, la pièce est portée par des acteurs dont le jeu frise la virtuosité. Shéda se joue à « Nulle part », un endroit qui s'appelle Kakouma en Swahili. Les habitants n'y sont pas nés, mais tombent littéralement du ciel. Ils viennent d'horizons différents, d'époques différentes, de cultures différentes. Tous ces personnages qui ne se connaissent pas, et que rien ne lie « Le père Francis de Saint-Aimé », le « mécanicien des étoiles », « le Seigneur » créent une vraie dynamique, parfois sismique et cherchent à inventer la vie dans ce « désert de pierres où tout est très difficile ». Interrogé par France 24 sur son écriture erratique, le metteur en scène répond : « Le théâtre appartient à celui qui le fait. Ce n'est pas figé sur une page, ce n'est pas une formule. Dès qu'on dessine un théâtre avec des contours, ce n'est plus du théâtre, ça devient une science. Le théâtre vient de l'impulsion, de la sensibilité et de l'imagination d'une personne ». Shéda n'évoque pas les problématiques d'un pays africain, mais revient sur des situations universelles, qu'on peut trouver en Afrique comme ailleurs. Voilà pourquoi les rôles sur scène sont attribués à des comédiens de Brazzaville, sénégalais, camerounais, roumains. « Shéda parle des influences de beaucoup de cultures, de gens de ma génération qui ont traversé des guerres, des crises. C'est autour de cela que va se baser la pièce pour chercher à se reconstruire à partir des violences qu'ils ont vécu, pour s'en sortir et trouver une humanité », martèle le metteur en scène.
Quand le vécu parle
Pour comprendre l'écriture de Niangouna, il convient de comprendre son vécu de rescapé de guerre. Lorsque la guerre civile battait son plein au Congo, le metteur en scène a échappé d'une fusillade et a survécu grâce au théâtre. S'il a imaginé des hommes tombant du ciel – dans la pièce des mannequins en tissus projetés depuis la falaise, haute de plusieurs dizaines de mètres « justement parce qu'il a vu des avions et des obus tomber du ciel à quelques mètres de lui. Il faut dire que le festival reflète le vécu, le travail et la spécificité des artistes africains, notamment leur façon d'appréhender le théâtre, d'écrire, de chanter, de danser. Au festival d'Avignon, il s'agit plus de célébrer le théâtre qu'un continent ». La programmation reflète moins un travail « ontologique » que des écritures personnelles qui racontent l'Afrique, et des visions émergentes du monde et de l'âme humaine. Citons L'édition 2013 du Festival d'Avignon met les pleins phares sur les artistes émergents en Afrique et les nouvelles écritures théâtrales qui s'y créent. Les temps forts des nouvelles écritures théâtrales: Faustin Linyekula du Congo et sa chorégraphie «Drums and Digging», DeLaVallet Bidiefono militant de la danse contemporaine et son spectacle «Au-Delà», Qudus Onikeku du Nigeria qui présente Qaddish. Des expressions d'une force rare qui tentent désespérément d'exprimer le chaos du monde


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