Pasternak avait un jour écrit ceci : « L'image est le produit naturel de la rièveté de la vie de l'homme et de l'immensité de la tâche qu'il s'est assignée. C'est cette incompatibilité qui le contraint à tout considérer de l'œil enveloppant de l'aigle, à traduire par brefs éclats son appréhension immédiate. Telle est l'essence de la poésie.» Et toute l'œuvre d'André du Bouchet verse dans cette quête du fragmentaire. Tout comme ces aînés qui ont façonné ses premiers élans poétiques, René Char ou encore Saint John Perse, l'apophtegme, l'aphorisme, l'instant sera son expression. Une écriture de l'essentiel où le peu compte plus que le beaucoup, où les mots se réduisent pour atomiser leurs sens et donner à sentir le non-dit. Une approche qui fera en une vie d'écriture que le poète arrive à «Peser de tout son poids sur le mot le plus faible pour qu'il s'ouvre et livre son ciel.» Et l'ouverture durera des décennies où le poète vivra sa bi-paternité l'ittéraire avec tant d'autres poètes et surtout peintres et sculpteurs. Le 14 juillet 1958, le même Boris Pasternak écrit : «Mon cher André du Bouchet, quand un rayon de soleil se fait jour à travers le jardin ombragé ou par les ténèbres de la forêt, chaque fois qu'il me brûle et m'éblouit, je pense à vous». Et plus loin, Pasternak dit à propos du recueil de poésie de Du Bouchet, Dans la chaleur vacante : «à cause de l'air aveuglant, à cause des lignes «Avant que la blancheur du soleil soit aussi proche que ta main... -que le jour, en s'illuminant, m'ait découvert ici... Avant que le ciel ne soit asséché...» à cause de tout ce qui est dit du mur et dans les pages «Du bord de la faux». La vie est belle, mon frère, il n'est que de fermer l'œil pour s'en repaître. Un hommage est rendu au poète le dimanche 4 mars, en clôture du salon par Bernard Desportes. Brève biographie Né à Paris en 1924, l'auteur de Dans la chaleur vacante passe son adolescence aux Etats-Unis où sa famille s'exile au début de la Seconde Guerre mondiale. Etudiant à Harvard puis professeur d'anglais, André du Bouchet revient en France à la fin des années 1940. Influencé par René Char et Pierre Reverdy, il publie dans diverses revues ses premiers poèmes, réunis dès 1951 dans un premier recueil, Air. Suivent de nombreux recueils de poèmes, dont Dans la chaleur vacante et Ou le soleil. Parallèlement, le poète entreprend d'importants travaux de traductions, parmi lesquels figurent des textes d'auteurs tels que Paul Celan, Friedrich Hölderlin, James Joyce, William Faulkner et Ossip Mandelstam, et prend part à la fondation de la revue littéraire l'Ephémère en 1967, à laquelle participent Yves Bonnefoy, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, Paul Celan et Gaétan Picon. André du Bouchet, auteur d'un essai sur Alberto Giacometti, sera également attentif aux réflexions sur la sculpture et la peinture. Il meurt en 2001. Présence de Bernard-Marie Koltès Très vite passé Pour ceux qui ne le connaissent pas, il faut faire vite. Bernard-Marie Koltès est un dramaturge français qui aura marqué en un rien de temps le paysage théâtral mondial. Né à Metz en 1948, il s'essaye à l'écriture durant sa jeunesse sans trop insister. Il pensait que l'écriture n'était pas pour lui. Mais le jour où il va à une représentation de Médée dans une mise en scène de Jorge Lavelli, il se met à écrire comme talonné par la mort, qui, d'ailleurs viendra le cueillir très tôt. La rencontre avec le théâtre se fait en 1970 et Koltès se met alors à l'écriture théâtrale. En 1977, il publie un long monologue, «La Nuit juste avant les forêts», qui est monté au Festival Off d'Avignon. Ses pièces suivantes seront montées en étroite collaboration avec Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers de Nanterre : «Combat de nègre et de chiens», «Quai Ouest», «Dans la solitude des champs de coton», «Retour au désert». L'enfant qui pensait n'avoir aucun intérêt pour l'écriture devient un monument et ses œuvres sont jouées dans le monde entier. Quand il meurt en 1989 à l'âge de 41 ans, c'est un auteur culte qui quitte la scène. Dans le cadre du salon de Tanger, c'est d'abord une pièce de théâtre : «La nuit juste avant les forêts» qui est jouée le mercredi 28 février dans une mise en scène de Moni gréco avec Yves Ferry à la cinémathèque de Tanger. C'est aussi un documentaire intitulé : Bernard-Marie Koltès, comme une étoile filante 1948-1989 dans la collection Un siècle d'écrivain qui vient montrer à quel point Koltès était en avance sur son temps.