Gigantesque fresque de près d'une quarantaine de toiles impressionnantes sur lesquelles l'artiste – eh oui, l'artiste ! – a travaillé depuis des lustres, dont quelques unes exposées rarement voire même pour la première fois. Et c'est bel et bien d'une cohue qu'il faut parler qui a accouru pour découvrir l'autre face de l'homme politique, l'ancien ministre de la défense du roi Hassan II, le fondateur du Mouvement populaire (Haraka ach-châabia), le compagnon de Abdelkrim al-Khatib et l'irrépressible défenseur de la monarchie marocaine. Nous sommes dans les années soixante-dix, un visiteur étranger séduit par la peinture de Mahjoubi Aherdan, ne connaissant ce dernier ni d'Eve, ni d'Adam, lui exprime son admiration pour ses travaux de peinture ! Et dans la foulée lui recommande, dans le cas où il aurait une activité de tout abandonner pour ne se consacrer qu'à la peinture ! Et de lui poser la question : « A part la peinture, que faîtes–vous dans la vie ?… » ! Mahjoubi Aherdan, pince-sans-rire répond : « ...Je suis ministre de la Défense et je ne peux abandonner ma fonction pour me consacrer à la peinture... ». Le propos reflète à vrai dire le personnage ! Au point que l'on peut se demander quelle est la part dominante chez ce personnage qui a dominé la scène politique et artistique avec cette double articulation d'être à la fois un leader populaire, un harangueur hors pair, un patriote comme on n'en fait plus et un artiste de grande valeur. La peinture comme la politique le précèdent, c'est une double force de la nature. Il peint comme il parle, avec spontanéité et , à coup sûr, une sincérité qui ne se dément jamais. Du haut de ses quatre-vingt quinze ans, sans ride, il est jugé sur la panthéon des leaders emblématiques. Le sourire malicieux, un tantinet amuseur, convaincu et s'efforçant de convaincre les autres, il ne déroge pas à la tradition de parler vrai, la langue de bois dans sa poche, prête à être usitée à des moments précis...Car, comme il nous dit, « la politique, c'est l'art de convaincre par tous les moyens... » ! Entre deux moments d'échange avec un public nombreux et même envahissant , nous lui posons la question de savoir ce que signifie de nos jours à ses yeux la politique ? C'est l'engagement total, rétorque-t-il...Il répond que la « vérité est désormais chez les jeunes ... ». Et le vieux briscard de s'extasier à la vue de l'un de ses petits enfants, arrivé dans les bras de ses parents, assister à la signature du livre qui accompagne son exposition, intitulé « Aherdan Ezzayegh » que Othman Benjelloun, président du groupe BMCE Bank et Laila Benjelloun Mezian, présidente de la Fondation BMCE Bank sponsorisent. L'Espace BMCE Bank est comble d'un public varié et bigarré de tous les âges, de tous les genres, les styles et goûts...Artistes, banquiers, assureurs, avocats, et – comble d'un succès qui ne dit pas son nom – pas moins de cinq ministres et d'anciens ministres, qui se sont déplacés de Rabat, ensuite le porte-parole du Palais Royal, un ancien Conseiller du Roi Hassan II... La salle est ornée de bout en bout de tableaux et de toiles, certaines suspendues à même les plafonds et nous donnent l'impression d'être dans une sorte de Sixtine, célèbre fresque du plafond de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange entre 1508 et 1512 ! Là, Mahjoubi Aherdan a signé son livre, réalisé avec Stéphane Guibourgé , journaliste, écrivain et photographe ! Il ne s'est jamais découragé pour satisfaire à toutes les demandes de dédicaces et aux exigences d'un protocole qu'il a enfreint plus d'une fois pour se mêler aux hôtes... Il y a plusieurs personnes en Aherdan ! Le propos vient de son compagnon d'armes, le Dr. Khatib qui précisait : « Il y a l'artiste et le combattant, ils sont indéfectiblement liés par le ressenti... ». On a dit de lui qu'il était « indomptable » , mais à quoi, contre quoi et qui s'est jamais hasardé à le dompter, lui l'homme, descendu des hauteurs de l'Oulmès, qui a combattu dans les rangs de l'armée française, qui a inscrit sur son fronton la devise de la fidélité au Trône et aux Rois du Maroc...Il ne s'est jamais senti aussi libre et plus libre que lorsqu'il affiche, un brin provocateur souvent, son amazighité et sa fierté d'être un cosmopolitain de culture...Sa présence au Mouvement populaire ? Inentamable, irréprochable et, dit-il, « active par les conseils et le dialogue maintenu avec les équipes... » ! Il est à ce titre significatif de constater l'arrivée à la cérémonie de jeudi de ministres, comme Mohamed Ouzzine, de cadres du MP qui lui vouent toujours l'admiration céleste et lui doivent beaucoup...Il les a adoubés, ils incarnent à ses yeux la relève au sein du parti, et leur présence au gouvernement actuel constitue à ses yeux une étape, une étape nécessaire, parce que le pays « traverse de graves moments et qu'il est confronté à des manœuvres de déstabilisation... ». Il a toujours soutenu que le Maroc, c'est le Trône et le peuple... En dépit de l'âge et peut-être du recul que lui imposent les diverses activités, Mahjoubi Aherdan est demeuré fidèle à son image : un esprit caustique, un coagulateur d'énergies , d'hommes et de projets, celui qui , au pouvoir ou en marge, ne cesse de nourrir le débat politique. On mesure que cet archétype d'hommes n'existera pas, que son humour et son franc parler appartiennent à une époque, ne s'interchangent jamais...Comme un cavalier assidu, accroché à sa monture, il ne quitte jamais du regard la plaine et les montagnes, éclaireur, veilleur aussi...Comme en politique, il est resté vif et vigilant, armé du bon sens et de la gouaille...Il observe du haut de son panthéon la vie politique et l'agitation qui la caractérise... « Tout ce qui est bien pour mon pays, est bien pour moi.... », nous dit-il....