Un ton provocateur et des critiques acerbes. Le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a fini par céder à la pression qui montait au fil de la séance mensuelle des questions de politique générale, vendredi 7 décembre, à la Chambre des conseillers. Consacrée à la sécurité alimentaire, la séance devait servir de débat autour de la politique du gouvernement dans le secteur agricole et sa mise à niveau, mais des extrapolations auxquelles s'est ajouté le retrait de deux groupes l'ont transformé en règlement de comptes. « Nous aurions souhaité débattre, aujourd'hui, de la stratégie de la sécurité alimentaire dans notre pays avec le chef du gouvernement. Mais vos déclarations à la dernière séance mensuelle de la Chambre des représentants (...) nous ont convaincus que la sécurité dont nous avons besoin est celle de garantir les droits économique, social et syndical de la classe ouvrière », lance le président du groupe fédéral de l'unité et de démocratie –FDT, Mohamed Daidaa. Avec virulence, le représentant syndical justifie le retrait de son groupe dénonçant la décision de prélèvement sur les salaires des grévistes et l'interdiction des marches pacifiques prévue le lendemain, samedi 8 décembre, dans différentes villes. « Nous ne comprenons toujours pas ce qui pousse le chef du gouvernement à faire de la classe ouvrière un adversaire au lieu d'un allié stratégique dans la lutte contre la corruption et les abus et dans la mise en œuvre d'une justice sociale », déclare-t-il. Le groupe fédéral FDT interpelle ainsi Abdelilah Benkirane sur les raisons pour lesquels le gouvernement n'a pas ratifié la convention 87 de l'OIT concernant les libertés syndicales ni aboli l'article 288 du code pénal. « Pourquoi n'avez-vous pas encore mis en place le fonds pour l'indemnisation de la perte d'emploi ? » Des questions suite auxquelles Daidaa annonce le retrait de son groupe pour protester contre «l'asphyxie des libertés syndicales ». Benkirane réitère ses convictions pour défendre la politique de son gouvernement, rappelant qu'il ne cèdera jamais aux provocations. «Durant les 50 dernières années, des habitudes se sont ancrées au point qu'il est devenu difficile de les changer », affirme-t-il, réitérant aux conseillers que la décision des prélèvements sur le salaire des grévistes est maintenue, malgré le risque qu'elle représente sur sa cote de popularité. « Je le répète : je ne compte pas dépenser l'argent de l'Etat (...) Si les Marocains veulent que je parte, je le ferai, mais je ne serai jamais l'allié du déséquilibre », martèle-t-il. Avec autant de virulence que ses interlocuteurs, Benkirane souligne que son gouvernement n'est pas responsable d'un état des lieux dont les origines remontent à bien longtemps. « Si vous croyez qu'au moyen de complots et de certains médias vous nous vaincrez, vous avez tord ! », met-il en garde suscitant un vent violent de contestations au sein du groupe PAM dont le président, Hakim Benchammas, n'a pas tardé à réagir par le retrait de toute l'équipe. « Vous devriez respecter les ministres, il en va du respect de votre pays », recommande Benkirane à Benchemmas qui conteste « l'attaque contre son groupe». Le rappel à l'ordre du président de la deuxième Chambre n'a pas réussi à baisser la température. Le chef du gouvernement n'a pas hésité à exprimer sa colère contre le président du PAM pour avoir, deux jours auparavant, porté de graves accusations contre le ministre délégué chargé du Budget, Idriss Azami. Benchammas lui avait reproché des « grimaces méprisantes » à l'égard des conseillers, avant de mettre en doute la transparence du gouvernement. Ce dernier aurait, selon lui, introduit des amendements concernant les comptes spéciaux sur l'article 18bis du Projet de loi de finances 2013 après son approbation par la première Chambre. Une enquête a été ouverte par le ministère de l'Economie et des finances pour déceler le mystère de ces amendements. Pour le chef du gouvernement, c'est une tentative de l'opposition de mettre des bâtons dans les roues de son équipe. « Le plus grand danger qui guette notre pays n'est pas de savoir si nous assurons la sécurité alimentaire, mais c'est ce genre de personnes qui croient encore disposer du pouvoir de gouverner (...) C'est contre eux que le Mouvement du 20 février a envahi les rues. (...) Les Marocains ont trois revendications : Ils veulent leur roi, la stabilité et la réforme ».