Voilà bientôt trois ans s'éteignait Dennis Hopper, icône des sixties et de la contre-culture, qui, en plus d'avoir été un acteur et un réalisateur flamboyant de l'histoire du cinéma, s'essaya également (mais dans un mode mineur) à la poésie, à la peinture et à la photographie. Abonné aux films cultes, il dut ses débuts au génial Nicholas Ray qui lui fit tourner un petit rôle dans « Johnny Guitar », bien que son nom ne figura pas au générique... La suite, on la connaît. « La fureur de vivre » du même Nicholas Ray, tourné un an plus tard et qui fut une influence majeure de la culture rock ; « Easy rider », film emblématique de toute la génération hippie des années 60-70, qu'il co-écrit avec Peter Fonda, réalisa et interpréta à l'écran et dont il est question dans ces lignes ; « Apocalypse now » de Francis Ford Coppola où sa prestation proprement hallucinée marquera profondément ; jusqu'à « Blue velvet », l'un des plus grands films de David Lynch où il campera un vilain inoubliable, terrorisant sans relâche la très belle Isabella Rossellini. Premier long métrage de son auteur, « Easy rider » vaut en réalité plus que sa réputation de film culte générationnel et dépasse le credo baba cool et son contexte historique. Il possède, aujourd'hui encore pour le spectateur qui aura l'occasion de le découvrir, une force de captation proprement sidérante. D'un scepticisme certain, « Easy rider » se révèle une critique de mœurs juste et cinglante, sur un fond de liberté sauvage qui l'habite d'un bout à l'autre. Deux jeunes motards, Wyatt et Billy, dealers à l'occasion, réalisent une grosse vente de drogue et en profitent pour quitter Los Angeles pour la Nouvelle – Orléans, en vue d'y participer au fameux carnaval. Ils embarquent alors pour un long périple à travers les Etats-Unis durant lequel ils croiseront une communauté hippie qui les initiera à sa façon de vivre. Injustement accusés d'avoir pris part à une manifestation illégale, ils sont jetés en prison où ils font la connaissance de George Hanson, avocat spécialisé dans la défense des droits civiques. Il les rejoint bientôt pour le reste du voyage. Les trois acolytes effectuent une plongée dans l'Amérique profonde, xénophobe et puritaine, qui nie les bouleversements et les avancées des années 60. Filmé avec trois fois rien, « Easy rider » connut à sa sortie un immense succès et son aura ne cessa de grandir ensuite. Dennis Hopper et Peter Fonda utilisent la peur comme un finpoison, mettant fin à l'utopie d'indépendance et d'échappée. Ils offrent une critique violente de l'Amérique moyenne, autoritaire, austère et sinistre. Extrêmement noir, insolite et captivant dans sa construction, « Easy Rider » est un grand et authentique film d'auteur qui reste curieusement actuel, à la bande originale remarquable de bout en bout. Qui n'a pas en tête le morceau « Born to bewild » de Steppenwolf à la simple évocation du film ? Le titre est toujours aussi significatif du principal aspect du film, né pour être sauvage, il le demeure...