Plus qu'elle ne l'a jamais été, notre Région est aujourd'hui au centre des préoccupations et des attentes de la Communauté des Nations. La rive sud de la Méditerranée connaît une mutation sans précédent tandis que l'Europe fait face à une crise économique et sociale dont l'ampleur et la profondeur ont compromis et parfois cassé les ressorts de la croissance. Cette crise a un coût politique dont il est urgent de prendre la juste mesure car il se traduit par un sentiment grandissant d'impuissance, et une montée inquiétante des extrémismes et des vertiges du repli identitaire. Le long des rives sud et est de la Méditerranée, les régimes autoritaires déchus ont laissé une scène où les acteurs en compétition s'emploient à instaurer une transition politique ouverte et plurielle. Pendant ce temps, le conflit israélo-palestinien reste dans l'impasse, et seules les 80 000 victimes de la tragédie syrienne ont pu le reléguer un temps à l'arrière-plan. C'est pourtant dans ce contexte où la frilosité et les doutes l'emportent sur les certitudes que se profilent les promesses d'un nouveau rendez-vous ambitieux, peut-être même paradoxal pour certains, pour une autre Méditerranée qui reste à nos yeux celle de tous les possibles. L'histoire de notre région s'écrit en effet désormais à partir d'un abécédaire méditerranéen qui a su depuis un peu plus de deux ans s'installer dans une dynamique des valeurs de dignité et de démocratie qui, sur la durée et dans une perspective historique, déterminera demain le fondement le plus sûr, le plus légitime et le plus prometteur d'un partenariat euro-méditerranéen où les mots de liberté, de diversité et d'altérité se conjugueront pour la première fois depuis très longtemps, de la même façon au nord comme au sud. Le Forum méditerranéen de la Fondation Anna Lindh se tiendra du 4 au 7 avril à Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013, et plus de mille organisations et institutions de la société civile provenant des quarante-deux pays de l'Union pour la Méditerranée y participeront. Les 6 et 7 avril, se tiendra, également à Marseille, le premier Sommet des présidents des parlements de l'Union pour la Méditerranée, sommet qui s'appuiera sur les résultats du Forum. Une quarantaine de présidents de parlements de l'Union européenne et des pays sud-méditerranéens participeront à cette rencontre. Cet événement est très important, car il s'agit du premier rassemblement politique de haut niveau de l'Union pour la Méditerranée organisé depuis le sommet de Paris, en 2008. L'objectif est clair : à l'instar de la coopération euro-méditerranéenne qui repose sur trois piliers, le partenariat économique, la mobilité et les marchés, le dialogue politique pour réussir, doit désormais s'articuler autour de la mobilisation des élus, de la société civile et des citoyens pour la Méditerranée. La récente enquête effectuée pour la Fondation Anna Lindh et Gallup sur les évolutions interculturelles a montré que les citoyens qui vivent autour de cette mer commune manifestent un intérêt grandissant pour la politique, l'économie et la culture de leurs voisins. Cette enquête, premier sondage d'opinion euro-méditerranéen réalisé après les soulèvements au Maghreb et au Machrek, révèle également que les citoyens de part et d'autre de la Méditerranée pensent que le Printemps arabe aura une incidence positive globale sur les relations euro-méditerranéennes. Mais, au-delà des sondages, cette mobilisation massive des deux côtés de la Méditerranée nous dit aussi que ces nouveaux citoyens n'accepteront plus d'être marginalisés s'agissant de leur propre gouvernance. L'universalité retrouvée des valeurs de liberté et de modernité au sud de la Méditerranée a remis en cause les idées reçues sur les sociétés arabes. Si nous partageons ces valeurs, les défis que nous devons relever nous sont aussi communs et ils doivent être clairement identifiés pour ce qu'ils sont. L'instabilité économique, les inégalités sociales, le chômage des jeunes et la dégradation de l'environnement nous concernent tous et nous devons désormais les considérer comme des enjeux communs. Une chose est sûre au regard des événements qui ont ébranlé les sociétés de la région : les structures de décision et autres formes conventionnelles d'autorité locale doivent fonder leur pérennité sur cette nouvelle donne et évoluer dans cette perspective inclusive, participative et solidaire. Dans un contexte international où les ressources économiques et matérielles se tarissent, les populations doivent plus que jamais avoir leur mot à dire sur les priorités qui leur sont proposées. Le potentiel de la région, qui tient autant à l'énergie et au dynamisme si féconds de sa jeunesse, qu'à son esprit d'entreprise et d'innovation, est immense et il nous dit une fois encore combien est légitime, opportune et fondée, cette perspective exaltante d'une destinée commune euro-méditerranéenne, en devenir, pour peu qu'elle soit pensée pour les citoyens, qu'elle participe de l'adhésion des citoyens, pour aboutir aux citoyens.