La France déclenche l'opération Serval le 11 janvier 2013 alors que le président François Hollande avait affirmé trois mois jour pour jour auparavant, le 11 octobre 2012, qu'« on peut donner un appui matériel, on peut former, mais la France n'interviendra pas ». Il ajoutait lors d'un entretien donné à des journalistes de France 24, RFI et TV5 Monde qu'« il n'y aurait pas d'hommes au sol, pas de troupes françaises engagées » Ce renversement politique reçoit un soutien quasi-unanime de la classe politique et de l'opinion française. En contraste, il convient de noter les prises de position réservées de Dominique de Villepin et Valéry Giscard d'Estaing à droite et de Noël Mamère (EELV) et Jean-Luc Mélenchon (PG) à gauche ainsi que l'opposition d'Olivier Besancenot (NPA) à l'extrême gauche. Dominique de Villepin estime qu'« aucune des conditions de la réussite n'est réunie ». Valéry Giscard d'Estaing, tout en approuvant l'arrêt de l'avancée vers Bamako des forces djihadistes, met en garde contre des frappes aériennes qui toucheraient les populations civiles et contre ce qu'il appelle « une évolution (...) de type néo-colonialiste ». Le 16 janvier, Alain Juppé émet des doutes sur la pertinence d'une opération au sol. La direction du NPA (Olivier Besancenot, Philippe Poutou et Christine Poupin) publie, le 21 janvier dans Libération, une tribune dans laquelle ils font part de leur opposition totale à la guerre. Pour renforcer la surveillance du territoire face aux menaces terroristes, le plan Vigipirate, déjà au stade rouge de par le passé, est « renforcé », le Premier ministre informe le Parlement le 16 janvier 2013 du déroulement des opérations. Un nouveau débat devrait avoir lieu le 27 février au Parlement. Après une concertation triangulaire Bamako, Paris, siège de l'ONU, le gouvernement français lance l'opération Serval à plus de 4000 kilomètres de la France. La bataille pour Bamako commence. Le terrain montre qu'elle doit se terminer sur l'axe Diabali, Tombouctou, Gao pour contrôler les passages du Niger, disposer à son nord d'aérodromes et avoir ainsi une solide base de départ à livrer aux forces de la CEDEAO chargées de l'offensive vers le nord. La guerre arrive et, avec elle, le militaire ouvre les préconditions du dialogue de recherche de la paix pour le diplomate. Le Qatar, qui n'a, jusqu'à présent, pas démenti cette information, avait, rappelle-t-on, exprimé son désaccord vis-à-vis de l'intervention militaire française, au Mali, après avoir proposé d'assurer la médiation avec les djihadistes armés se trouvant au nord de ce pays. Pour rappel, quatre « humanitaires » qataris avaient été signalés au nord du Mali. Ce qui avait a été confirmé par Mickael Sibdiga, chef d'antenne de la Croix-Rouge à Kidal. Les quatre « humanitaires » qataris étaient, ajoute-t-on de source malienne locale, arrivés de façon non officielle, c'est-à-dire sans informer le comité international de la Croix-Rouge. « Ils ont dit qu'ils sont venus pour faire l'appréciation des besoins des populations », a ajouté Mickael Sibdiga. Aujourd'hui, le Sahara est aussi une zone stratégique pour ses ressources pétrolières et minières. On envisage d'y faire passer un gazoduc qui reliera le Nigeria au marché européen via les côtes algériennes. On rêve d'y implanter des centrales électriques solaires gigantesques. Les riverains du Nord du Sahara sont en moyenne plus riches que ceux du Sud mais ont infiniment moins d'eau, de terres agricoles et d'élevage que ceux du Sud (Kadhafi ne voulait-il pas produire son riz au Niger et au Mali ?). Précurseur, le Maroc propulsé par Sa Majesté Mohammed VI a compris que l'Afrique de l'Ouest est remplie d'opportunités économiques pour ses entrepreneurs et a conclu un accord commercial avec l'UEMOA. Voilà sept ans que le roi Mohammed VI ne s'était plus rendu en Afrique subsaharienne. Ce voyage est loin d'être une première. L'Afrique, c'est la marque de son règne. Depuis son accession au trône en 1999, le monarque a toujours tenu à encourager les relations avec le reste du continent. Une différence notable par rapport à son père, plus tourné vers l'Est et le Nord. Cette fois encore le voyage servira à renforcer les relations économiques mais aussi à parler politique. Le Sénégal est un allié historique du royaume, proche culturellement avec son importante confrérie tidjane, mais aussi politiquement. Un voyage qui devrait également servir à décrocher de nouveaux contrats. Ces dernières années, de nombreuses entreprises marocaines se sont implantées en Afrique noire, à l'image de Maroc Telecom, actionnaire majoritaire de Gabon Telecom. Ou encore d'Attijariwafa bank qui a des filiales dans sept pays du continent. Le Sahara et le Sahel sont sillonnés de flux intenses d'armes et d'ex-combattants mais aussi de migrants qui ont fui la guerre en Libye. Si l'on parle beaucoup des armes lourdes venues de Libye, il ne faut pas oublier les très importants stocks d'armes qui sont entrés en Afrique de l'Ouest lors de la crise ivoirienne ; ces armes circulent et iront là où on en a besoin, notamment avec des groupes telles que : BokoHaram, Mujao, les Shebab, Aqmi, le Polisario, Ansar Dine, et Touaregs. Aujourd'hui, le maillon le plus faible de l'arc saharo-sahélien est le Mali. Or, c'est très exactement là que se produisent actuellement des évènements dont les conséquences risquent d'être catastrophiques en raison de la proximité de ces trois autres foyers de déstabilisation que sont le nord du Nigeria avec la secte fondamentaliste BokoHaram, la région du Sahara nord occidental avec Aqmi et les confins algéro-maroco-mauritaniens avec le Polisario. L'éparpillement des Touaregs d'un bout à l'autre du Sahara, par-delà des frontières irréelles, notamment celle entre Algérie et Mali, remémore la réapartitions des Pachtouns de part et d'autre de la Ligne Durand, limite illusoire entre Afghans et Pakistanais, en effet les Etats postcoloniaux ont tenté de se construire sur un enchevêtrement de tensions, ressentiments, partages territoriaux et revendications identitaires. Il est curieux de noter que si les services secrets pakistanais (ISI) ont été à l'origine de la création du mouvement des Taliban, les services secrets algériens ont créé au Sahara, jadis, au moment de la guerre civile, certains des groupes extrémistes qui sévissent aujourd'hui (Polisario, Aqmi). Si, du fait de révolutions, de subversions, les verrous de l'Algérie et du Maroc sautent, nous serons confrontés quasi directement à un immense désordre. En définitif, la fin ultime de notre présence militaire dans le Sahel est d'éviter que les troubles ne se répercutent au Maghreb.