TRIBUNE DE L'AMBASSADEUR DE FRANCE, CHARLES FRIES La première conférence, en mars 2012, avait permis à M. Abdelillah Benkirane, qui venait de prendre ses fonctions de Chef de gouvernement, de rassurer les milieux d'affaires français sur sa volonté de poursuivre la coopération avec la France et d'y attirer toujours autant d'investisseurs étrangers. La seconde, en décembre dernier, avait été l'occasion pour le Premier ministre français, M. Jean-Marc Ayrault, de mettre l'accent sur le concept de « co-localisation industrielle ». Ce concept signifie tout simplement que les investissements effectués au Maroc par des entreprises françaises sont bons pour nos deux pays : pour le Maroc, parce qu'on y crée de l'activité, qu'on y transfère un savoir-faire et qu'on contribue à y former de la main d'œuvre ; pour la France, parce que de tels investissements peuvent avoir aussi des retombées positives pour notre économie en termes d'emplois, de recherche et de balance des paiements. Les exemples à Casablanca d'EADS et de Safran illustrent parfaitement ce partenariat gagnant-gagnant : la France contribue à faire du Maroc un pôle d'excellence dans l'aéronautique et, en même temps, ces investissements permettent de renforcer la compétitivité des maisons mères. Je crois que la visite du Président de la République et cette nouvelle rencontre avec la communauté d'affaires sera l'occasion de franchir un palier et de montrer qu'il y a entre nos deux pays de « nouvelles autoroutes de croissance » et que nos entreprises sont plus que jamais mobilisées pour répondre aux besoins et aux attentes du Royaume. Dans ce contexte, si nous voulons rester le 1er partenaire économique du Maroc, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers mais nous adapter à un Maroc en pleine mutation et savoir innover. A ce titre, dans le cadre d'une « diplomatie économique » qui se veut bénéfique pour le Maroc comme pour la France, je souhaite soutenir deux grandes orientations : 1) La France doit tout d'abord mieux se positionner sur de nouveaux secteurs stratégiques pour le développement du Maroc, plus particulièrement sur 3 secteurs : a) le développement des villes (ce que la ministre française du Commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, appelle le « mieux vivre en ville »). Cela recouvre notamment : les transports urbains où nous voulons nous appuyer sur les expériences en cours pour nous lancer dans de nouveaux chantiers (métro aérien de Casablanca, Bus à Haut Niveau de Service à Casablanca et Agadir) ; le développement des éco-cités et des villes vertes, qui englobe des thématiques où nous avons en France une forte expérience et des champions mondiaux et en faveur duquel nous sommes déjà mobilisés sur les projets pilotés par la CDG (éco-cité de Zenata) et de l'OCP (ville verte de Benguerir). b) l'agro-alimentaire (« mieux se nourrir ») : c'est un domaine d'excellence de la France et c'est aussi un des métiers mondiaux dont veut se doter le Royaume. Il me semble qu'on a là un secteur où nous pouvons sensibiliser davantage nos entreprises (notamment les PME) intéressées à exporter ou investir au Maroc, en s'appuyant sur les opportunités d'exportations permises par l'accord agricole UE/Maroc entré en vigueur en octobre 2012. Les investissements récents de Sofiproteol dans Lesieur Cristal et de Danone dans Centrale laitière illustrent cet intérêt français. c) les énergies renouvelables : c'est un chantier capital pour le Royaume. Si nos entreprises sont déjà bien présentes s'agissant de l'éolien, nous voulons nous impliquer davantage dans la mise en œuvre du plan solaire marocain et portons ainsi beaucoup d'espoir dans le prochain appel d'offres lancé sur la 2ème tranche de la centrale solaire d'Ouarzazate. 2) La France doit aider à promouvoir davantage les partenariats entre les entreprises françaises et marocaines. Cela recouvre plusieurs types d'actions : - Faire venir tout d'abord plus de PME au Maroc. C'est le rôle de la CFCIM. Des dizaines de nouvelles PME se sont implantées ici en 2012 grâce à son appui ; - Donner davantage de substance et de concret au concept de « co-localisation ». Nous devons travailler avec nos amis marocains à la façon d'optimiser la chaîne de valeur industrielle entre les deux pays. Au-delà des succès enregistrés dans l'aéronautique et l'automobile, il faudrait notamment examiner si de nouvelles opportunités ne peuvent pas se présenter sur les trois nouveaux métiers mondiaux annoncés en février dernier à Tanger (chimie, métallurgie/mécanique et pharmacie). - Faire venir aussi plus d'investisseurs marocains en France : au-delà des centres d'appel, il y a des opportunités dans de nombreux secteurs, notamment dans l'électronique et l'informatique. Les entrepreneurs marocains sont très bienvenus en France ! Je souhaite d'ailleurs organiser dans les prochains mois au Maroc une Journée « Investir en France » avec notamment le concours de la CFCIM et de l'Agence française pour les investissements internationaux. - Mettre l'accent sur le rôle des entreprises françaises en matière de formation professionnelle (sur le modèle des expériences menées par Renault ou l'Institut des métiers de l'aéronautique). L'objectif dans les prochains mois est ainsi d'apporter une aide (via l'AFD) en matière de formation dans deux secteurs : mise en place d'un Institut de formation aux métiers des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, création d'un Institut de formation aux métiers du ferroviaire, en lien avec le futur TGV. - Favoriser des projets communs d'entreprises marocaines et françaises en Afrique, en s'appuyant sur la stratégie d'expansion des banques (comme Attijariwafa Bank ou la BMCE) et des entreprises publiques (comme l'OCP ou l'ONEE) marocaines sur le continent. L'objectif est d'encourager les entreprises françaises à se développer en Afrique via leur partenaire marocain ou à utiliser le Maroc comme plateforme régionale pour couvrir leurs activités en Afrique subsaharienne (comme c'est déjà le cas avec Thales, Alstom, Gemalto, Air Liquide ou Sanofi). Des secteurs importants sont concernés par cette « nouvelle frontière africaine » dans notre partenariat économique : je pense en particulier au tourisme, à l'agro-industrie, aux services ou aux infrastructures [(logistique et BTP)]. Au total, il existe encore un véritable potentiel de développement pour les partenariats économiques franco-marocains. Nul doute que la visite du Président de la République sera l'occasion d'ouvrir de « nouvelles autoroutes de croissance » pour nos deux pays.