Pour un diagnostic de la Culture. C'est l'intitulé de la conférence organisée par le département de Bensalem Himmich, ce vendredi 30 avril à Rabat. Même si le ministère le réfute, tout laisse croire que cet évènement intervient en réaction au Pacte national de Abdelatif Laâbi. Curieuse coïncidence. Le département de Bensalem Himmich organise, ce vendredi 30 avril, une conférence pour faire le diagnostic de la Culture au Maroc. Cette rencontre intervient trois jours après la parution de l'appel de l'intellectuel Abdelatif Laâbi sur les colonnes de la presse. Des observateurs du milieu culturel y voient une réaction instantanée au Pacte national que propose l'écrivain (voir page 21). Le ministère de la Culture assure, lui, que cette rencontre n'est nullement une réponse à Abdelatif Laâbi. «Cela fait quelque temps, plus précisément après les polémiques nées au dernier Salon de l'édition et du livre de Casablanca, que nous réfléchissons à l'instauration d'un cycle de conférences pour discuter des différents chantiers de la Culture», déclare Bachir Znagui, conseiller à la communication au ministère. Ce dernier précise néanmoins qu'il y a eu un retard dans la programmation de cette rencontre «pour la simple et unique raison qu'il fallait se mettre d'accord sur la formule, on devait choisir entre des réunions en interne et une conférence ouverte au public». Finalement, le chois aura été porté sur la seconde formule. Si l'équipe de Bensalem Himmich avoue travailler sur l'organisation de cette conférence depuis une vingtaine de jours, force est de constater que l'annonce de la tenue de cet évènement n'a été faite que mardi 27 avril, à savoir trois jours avant. Ce qui conforte la thèse de la réaction au Pacte de Laâbi. Mieux, plusieurs intervenants n'ont été contactés qu'en début de semaine, nous confie une source souhaitant garder l'anonymat. Dans le communiqué de presse du ministère, il est précisé que cette conférence sera le coup d'envoi «d'une série de réunions périodiques pour, à la fois, donner une nouvelle dimension à l'animation culturelle du département de la Culture et faire le diagnostic du secteur, réfléchir à ses besoins et à sa gestion et enfin contribuer au renouvellement et à la régénération des thèmes de débat public». Le cycle de conférences s'arrête, en tout cas pour l'instant, à cette seule et unique conférence du vendredi. Les grands axes de ce cycle existent, enseignement de la musique, arts plastiques, patrimoine. Cependant aucun planning n'a été établi. «Nous n'avons pas encore établi de programme, tout dépend du planning du ministre», justifie Bachir Znagui. En tout cas, dans son dernier appel, ou plutôt dans les propositions de son Pacte national, Abdelatif Laâbi ménage le ministère de la Culture en suggérant la création d'un Haut comité scientifique interdisciplinaire. C'est à ce même comité auquel sera confiée la mission d'établir l'état des lieux dans les domaines de l'éducation, de la Culture et de la recherche scientifique. Autre suggestion de Laâbi : face au manque cruel des infrastructures culturelles il faudrait lancer un plan visant à doter le pays de bibliothèques publiques, maisons de culture, salles de cinéma, théâtres, conservatoires de musique, écoles de formation des gestionnaires et des animateurs des structures précitées. Le ministère de la Culture peut souffler un peu puisque, même si l'intellectuel déclare que l'Etat doit en être le maître d'œuvre, ce plan nécessite un partenariat avec les acteurs de la société civile présents sur le terrain. Pour mettre en place ce plan, Abdelatif Laâbi souligne qu'il faudrait des mesures fiscales et l'implication des mécènes. Laâbi inquiet, préoccupé, mais optimiste Abdelatif Laâbi propose une fois de plus que la Culture soit placée au centre du débat national. Cet écrivain souligne qu'il n'a pas cessé de le réclamer. Ce qui l'a poussé à conclure que «le déni persistant de l'enjeu de la culture met en danger les quelques acquis à forte portée symbolique de la dernière décennie et peut conduire, à terme, à la panne du projet démocratique dans son ensemble». Mais malgré cela, l'intellectuel reste optimiste. «Les jeux ne sont pas faits. J'ose croire qu'une autre feuille de route est possible si le besoin et la conviction s'imposent d'un changement de cap, d'une refondation de la Maison marocaine sur des bases humanistes, porteuses de progrès social, matériel et moral, d'une gouvernance au service du bien public».