Les Marocains célèbrent demain jeudi 24 janvier, correspondant au 12 Rabia 1er de l'an 1434 du calendrier de l'Hégire, Al Mawlid Annabaoui, fête qui commémore la naissance du Prophète Sidna Mohammed. Cette fête est un jour de joie, de gaieté et de retrouvailles entre familles et amis. L'occasion de se mettre sur son 31 et de mettre ses plus beaux vêtements. Les préparatifs commencent bien sûr bien avant le jour J. Les parents, accompagnés de leurs enfants, font le tour des magasins pour faire leurs emplettes. C'est l'embarras du choix. « La fête du Mawlid est un grand jour. Chaque famille le fête comme s'il y a une naissance dans la maison. On achète de beaux vêtements aux enfants. Les mères ne sont pas oubliées. Elles s'offrent de nouveaux djellabas ou caftans pour célébrer dignement ce jour-là. Elles mettent le henné sur les mains et les pieds, le khol aux yeux…La famille se retrouve autour d'un plat délicieux pour célébrer ce Aïd. Dans certaines régions, les festivités durent sept jours », note Najima Tay-Tay Ghozali, présidente de l'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures. Chaque région célèbre cette fête selon ses coutumes. À Salé, c'est la procession des cierges, une cérémonie fastueuse et grandiose. Une fête d'une splendeur époustouflante. Le soir, la veille d'Al Mawlid Annabaoui, les habitants ont droit à un spectacle des mille et une nuits. Un défilé chandelles de cires colorées déambule les artères de la ville. Le cortège sort de «Dar Echmaâ» en médina. Les Chorfas de la Zaouia Hassouniya récitent la Fatiha avant de donner le coup d'envoi. La foule est en effervescence. Le défilé sillonne les petites ruelles sous des aires traditionnels gnaouis pour atteindre enfin le mausolée de Sidi Abdellah Benhassoun Abou Mohamed Abdellah Ben Hassan Alkhaldi Al Hassani Al Idrissi, plus connu sous le nom de Benhassoun. L'homme est le père spirituel de la Zaouia Hassouniya, qui perpétue cette tradition de génération en génération. Les habitants ne manquent pas le spectacle. Une foule immense accompagne le cortège. Des touristes font même le déplacement à cette occasion pour assister à cette manifestation haut en couleurs. « Cette tradition traduit l'attachement des Slaouis à leurs coutumes. Des soirées de psalmodies du Coran sont également organisées à cette occasion », poursuit Najima Tay-Tay Ghozali. Les préparatifs sont minutieux. La confection des bougies de différentes couleurs et tailles nécessitent plus d'un mois. La tâche exige un grand savoir-faire. Le cortège des cires, une tradition turque L'organisation du cortège des cires ou des bougies remonte au règne du Sultan saâdien Ahmed El Mansour Addahbi. C'était en l'an 990 de l'Hégire. Selon les historiens, la tradition des cierges est inspirée des coutumes et us turques. Le sultan était en voyage à Istanbul en Turquie. Il a assisté aux festivités organisées à l'occasion de l'anniversaire du Prophète. Les festivités étaient marquées par l'organisation de la procession des cierges. Le spectacle était impressionnant. De retour au pays, le sultan Ahmed El Mansour Addahbi décide alors d'organiser un Moussem de cierges. Il en fait une tradition annuelle. Aujourd'hui, la tradition du Moussem des bougies est ancrée dans les coutumes de la ville de Salé et constitue même la fierté de ses habitants. Des festivités grandioses L'anniversaire de la naissance du Prophète est dignement célébré par les différentes zaouias à Fès, Marrakech, Meknès… notamment la Zaouia Qadiriya Boutchichiya. Ces différentes confréries organisent de grandes cérémonies religieuses et des soirées de déclamation de versets du Saint Coran et de panégyriques du Prophète Sidna Mohammed au grand bonheur de milliers de visiteurs venus des différentes villes du pays et même de l'étranger. Al Mawlid Annabaoui constitue pour de nombreuses familles une occasion pour effectuer la circoncision de leurs enfants. Plusieurs opérations de circoncision sont organisées dans les différentes régions selon les us. Youyous, rires et pleurs sont au rendez-vous. Les familles se retrouvent autour d'un plat spécifique à cette occasion. Les traditions culinaires diffèrent d'une région à l'autre. Cependant, le couscous aux légumes demeure en tête du peloton. De bon matin, laassida (soupe à base de semoule fine) accompagnée de miel ou d'huile d'olive selon les goûts fait l'unanimité et les petits gâteaux sont aussi incontournables. Célébrer Al Mawlid Annabaoui : bidaâ ? La question de la célébration de l'anniversaire du Prophète Mohammed ne fait pas l'unanimité. Des islamistes extrémistes disent que c'est haram (interdit par la religion) car c'est une bidaâ (une innovation religieuse étrangère à l'Islam). Ses opposants la considèrent comme l'imitation des chrétiens fêtant l'anniversaire de Jésus. Que dit l'islam à ce sujet ? Certes, l'anniversaire du prophète Mohammed n'a jamais été célébré de son vivant, ni par ses compagnons après sa mort. Mais, les théologiens légitimant cette fête sont nombreux et appartiennent aux quatre écoles de jurisprudence islamique. « Les théologiens ont encouragé la célébration de l'anniversaire du prophète Mohammed en se référant au Coran et à la Sunna. Je m'explique. Dieu dit dans son Saint livre dans la sourate Younes « De la grâce d'Allah et de Sa miséricorde qu'ils se réjouissent donc ». Dieu nous ordonne de nous réjouir de la venue du Prophète à l'humanité », souligne Hassan Aitbelaid, professeur universitaire à Safi et conseiller religieux du groupe MFM. Selon ce prêcheur à la mosquée El Mohammadi du quartier Habous à Casablanca, les théologiens se référent également à la Sunna pour légitimer la célébration de la naissance du prophète Mohammed. « Le lundi est le jour de la naissance du prophète Mohammed. Il encourageait les musulmans à jeûner le lundi et le jeudi, poursuit-il. S'agit-il donc d'une bidaâ ? La réponse est que c'est une bonne bidaâ (bidaâ hassana) car les familles se retrouvent ensemble. Ce jour se caractérise par l'organisation des soirées religieuses et de psalmodie du Coran. La soirée est clôturée par des citations du livre Achiffaâ de Cadi Ayyad. Que du bien pour l'humanité». Selon les historiens, le premier qui a innové la célébration de la naissance de Sidna Mohammed est El-Mou'iz Li Dîne Allâh en l'an 362 de l'Hégire au Caire. Des traces de cette célébration existent également dans la tradition chiîte. La dynastie des Fatimides célébrait l'anniversaire du Prophète Mohammed, celui de Ali et de Fatima Azzahra ainsi que la naissance du calife au pouvoir. «En l'an 604 de l'Hégire, Ibn Dihia Al Kalbi a visité l'Iran. Il a entendu que les habitants de l'Orient célébraient l'anniversaire du Prophète. Les Fatimides célébraient également cette fête », ajoute Hassan Aitbelaid. Concernant le Maroc, cette fête a été officiellement introduite en 1292 de l'Hégire par le sultan mérinide Abou Yacoub Youssef el-Nasser. La célébration a été maintenue jusqu'à nos jours. Les soirées religieuses sont organisées dans les différentes mosquées pour marquer cette date sacrée. Outre le Maroc, la fête d'Al Mawlid Annabaoui est aujourd'hui célébrée par bon nombre de communautés musulmanes dans le monde, aussi bien sunnites que chiites. L'Arabie Saoudite fait l'exception.