C'est un discours on ne peut plus pompeux que le ministre français de l'Ecologie, l'énergie, du développement durable et de la mer (rien que ça), Jean-Louis Borloo a prononcé lors de la cérémonie de signature, jeudi à Rabat, de conventions relatives à des dons et des partenariats entre les gouvernements français et marocain. Borloo n'a pas tari d'éloges sur l'engagement du Maroc pour le respect de l'environnement et le développement durable, cette avancée dans le secteur de l'énergie et ses «exploits» en matière de développement. «J'avais peur de ne pas pouvoir venir assister aux festivités de commémoration de la Journée de la Terre à Rabat. Je ne pouvais pas ne pas répondre à l'invitation de Sa Majesté le roi», a-t-il dit à la fin de son discours. Rarement, un ministre français, surtout dans le gouvernement Sarkozy, a été aussi élogieux envers le Maroc, son roi et son gouvernement. De telles déclarations peuvent être interprétées comme un témoignage d'amour et de respect pour le Maroc. Mais, en politique, rien n'est gratuit. Après Chrafat, la France pourrait briguer d'autres marchés, car plusieurs villes nouvelles sont destinées à être à faible consommation d'énergie. La nature des conventions signées et leur portée future montrent que si Borloo a été aussi élogieux dans son discours, c'est qu'il y a des opportunités d'affaires juteuses derrière pour les entreprises françaises. En d'autres termes, le ministre français est venu en éclaireur pour les opérateurs énergétiques de son pays. La première convention a été signée entre Borloo et son homologue marocaine Amina Benkhadra. La France s'engage en vertu de ce partenariat à verser la somme de 520.000 euros (environ 6 millions de DH) dans le cadre d'un fonds français d'étude et d'aide au secteur privé. Ce montant contribuerait au financement de la ville nouvelle pilote de Chrafat aux environs du port Tanger Med. Une ville qui sera classée à faible consommation d'énergie. Officiellement, les 6 millions de DH que donnera la France financeront les études de réalisation «d'un schéma directeur Energie dont les recommandations techniques seront reprises dans le Schéma directeur des autres villes nouvelles». C'est une entreprise française qui utilisera en partie cette somme pour réaliser des bâtiments pilote économisant de l'énergie. Ces bâtisses serviront de canevas pour la construction, après, de tout ou partie des ouvrages immobiliers de la ville. Si cette entreprise le fait, c'est sans doute pour vendre sa technique aux opérateurs immobiliers qui réaliseront la ville nouvelle. Elle pourrait également briguer d'autres marchés, car plusieurs villes nouvelles sont destinées à être à faible consommation d'énergie. La plus en vue d'entre elles est celle de Lakhyayta, dans la banlieue casablancaise. Voici une première affaire juteuse qui tombera certainement dans l'escarcelle des Français. Autre convention, signée cette fois-ci entre Saïd Mouline, président de l'ex-CDER devenu ADREE (agence de développement des énergies renouvelables et de l'efficience énergétique), et Philippe Van Der Maele, directeur général de l'Ademe française. C'est un mémorandum d'entente qui porte sur la mise en place «d'une coopération institutionnelle méthodologique et technique dans le domaine des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique et des technologies propres. Borloo l'a bien dit dans son discours. «Le territoire marocain représente l'avenir de l'Europe en matière d'énergie». Et la France entend bien se positionner. Il est clair que le ministre français est venu faire du lobbying officiel pour tenter de favoriser les entreprises de son pays dans le cadre du programme de production d'énergie solaire au Maroc. D'ailleurs, la ministre marocaine de l'Energie a révélé que «plusieurs entreprises françaises sont intéressées par la réalisation de projets d'énergie solaire au Maroc». Le lobbying de Borloo est légitime. Le marché marocain des énergies, notamment renouvelables, est l'objet de convoitises importantes de la part de plusieurs pays européens. Espagne, Allemagne, Pays-Bas et bien d'autres cherchent à y prendre pied. La France, premier partenaire économique du Maroc, ne veut pas être écartée par l'un de ses concurrents. Serait-ce également un moyen de positionner la France sur les projets qui seront menés au Maroc dans le cadre du projet pan européen Desertec ? A ce niveau, la ministre de l'Energie marocaine a précisé que Desertec ne prévoit que des échanges d'expérience et d'expertise entre les parties prenantes au projet. «Il n'y a pas de site à identifier ou d'opérateur à identifier pour réaliser un quelconque projet», note-t-elle. La dernière convention signée a trait, elle, à la cinquième et dernière tranche du financement du programme d'électrification rurale (PERG) par l'Agence Française de Développement (AFD). Cette tranche porte sur une somme de 30 millions d'euros (environ 350 millions de DH), portant le financement global dédié par l'AFD à ce programme à 335 millions d'euros (environs 3,5 milliards de DH).