Le Conseil National de l'Ordre des architectes ne cesse de faire parler de lui. Mardi 8 janvier lors d'une conférence de presse organisée au siège du Conseil, le CNOA a menacé de recourir à une démission collective si le projet de loi 65-12 est approuvé. Que cache bien ce projet de loi ? L'ordre national des architectes ne cesse de faire parler de lui. On se souvient encore du désaccord sur les conditions d'attribution des marchés publics en 2011 ou encore les élections tumultueuses mettant en cause même la légitimité du Conseil National de l'Ordre des Architectes (CNOA). Ces élections qui en cachent autant d'enjeux avaient découlé vers des poursuites judiciaires. Toutefois, les ennemis d'hier sont devenus des alliés aujourd'hui. Et pour cause, un projet de loi sème la tempête au sein de la profession. Il s'agit du projet de loi n° 65-12 qui complète la loi n° 16-89 relative à l'exercice de la profession d'architecte et à la création de l'ordre national des enseignants d'architecture. « Ce texte intervient pour la résolution du problème de l'Ecole supérieure de l'architecture de Casablanca, et devrait ainsi contribuer à parer au manque avéré en terme de cadres supérieurs en la matière, les architectes en particulier, sachant que le Maroc a besoin de pas moins de 3 000 architectes pour espérer accompagner les chantiers ouverts dans plusieurs secteurs vitaux », avait indiqué le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, à l'issue du Conseil de gouvernement qui avait adopté ce projet de loi en décembre 2012. « Le gouvernement ne nous prend pas en considération » Le CNOA, lui, s'estime lésé et veut bloquer le circuit législatif de ce projet de loi à cause de l'article 4. Cet article ouvrira la porte à « n'importe qui » pour être habilité à former et dispenser un enseignement en architecture, nous déclare Jamal Loukhnati, président du CNOA lors d'un point de presse organisé à Rabat, le mardi 8 janvier. « Nous sentons « l'Hogra ». Ce gouvernement ne prend pas en considération nos doléances. Est-ce qu'il faut sortir dans la rue pour crier comme tout le monde. Avant de décider de l'avenir et de la réglementation du secteur, il faut se concerter avec nous et dialoguer », lance Loukhnati. L'Ordre serait-il inquiété par la concurrentiabilité que pourrait créer le secteur privé, ceci tout en sachant que le secteur de l'enseignement public ne dispose pas d'assez de moyens et d'installations pour former les futurs ingénieurs ? En tout cas, pour Nabil Benabdellah, ministre de l'habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville, le problème est résolu. « Nous avons parlé de cette problématique et nous avons eu des réunions. Le CNOA peut être tranquille puisque les problèmes qu'ils existaient au sein de l'école de Casablanca ne vont plus se reproduire dans d'autres écoles », nous confie Benabdellah. Cependant, le président du CNOA dément catégoriquement qu'un terrain d'entente aurait été trouvé avec le gouvernement. « Le cas de l'école de Casablanca est un cas particulier. Nos demandes sont d'ordre global. Nous voulons savoir si l'Etat dispose réellement de visibilité et de stratégie de développement du secteur de l'enseignement privé pour les architectes. Nous demandons une réforme globale du secteur », déclare pour sa part Loukhnati. Ce dernier nous confie que si le gouvernement ne retire pas ce projet de loi, une démission collective aura lieu au Conseil national de cet Ordre. Une menace qui en dit long sur les enjeux de cet article 4 qui sème la discorde entre les professionnels et le gouvernement. L'affaire semble cacher beaucoup d'enjeux, le gouvernement ne veut pas lâcher prise et les professionnels veulent faire valoir leurs droits ou plutôt leurs intérêts, surtout lorsqu'on sait que le domaine demeure très lucratif et la chasse-gardée de certains bureaux d'architectes qui brassent des millions de dirhams grâce aux contrats attribués par l'Etat… A suivre. Jamal Loukhnati, président du Conseil national de l'ordre des architectes. 3 questions à Jamal Loukhnati, président du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) Quelles sont vos principales doléances ? Il faut que le projet de loi 16-89 soit pris en main par tous les partenaires notamment la profession avec ses composantes régionales et nationales. C'est un projet qui constitue un référentiel juridique. Il faut modifier certains articles qui constituent des entraves au secteur et maintenir d'autres. Vous savez, la gouvernance fait défaut dans le secteur. Ça fait plus de 30 ans que le Maroc n'a pas réussi à mettre en place des écoles indépendantes. A l'échelle de la profession, nous avons demandé le renforcement de l'infrastructure des écoles et de doter les écoles de tous les moyens. Nous avons demandé au ministère de réaliser une dizaine d'écoles d'architectes au Maroc. Nous ne sommes pas contre la privatisation, mais nous sommes contre la manière. L'école nationale doit être au cœur du développement économique du pays. Le problème de l'enseignement public doit être aujourd'hui débattu et discuté. Pour revenir au projet de loi, la loi donne des pistes non maitrisables. Au niveau de l'article 4, il ouvre des pistes à tout le monde et n'importe où et comment. Et pourtant, il existe des cahiers des charges bien précis à respecter… Allez voir ce qui se passe au niveau de l'école d'architecture de Casablanca et vous pouvez établir une idée. Pour la formation d'architecte, il faut prendre toutes les garanties car ça touche d'une manière directe à la sécurité de nos citoyens. Que demandez-vous concrétement à l'Etat ? Il faut que l'Etat s'investisse d'une manière claire, volontariste et sérieuse. On ne peux pas arriver à une véritable formation de nos futurs architectes avec des moyens réduits et un manque d'infrastructures. Il faut faire un benchmark international et s'inspirer des expériences réussies. Il ne faut pas opter seulement pour le privé. L'Etat doit doter le secteur de moyens sérieux et développer des écoles qui respectent les standards internationaux et il faut être exigeant au niveau de la formation de base. Vous pointez du doigt le clientélisme, soyez plus précis… Il y a aujourd'hui des architectes qui disposent de milliers de commandes. C'est pas normal. Je ne sais pas comment la CDG et d'autres opérateurs publics travaillent, mais nous avons des architectes qui ont des marchés de plusieurs villes au Maroc et d'autres qui n'ont rien…. * Tweet * * *