Le roi Hassan II avait coutume de dire que « la langue arabe est notre langue de culture et le français, notre langue d'ouverture » ! Il ne croyait pas si bien dire. Non sans une certaine perspicacité, il décrivait ainsi la problématique identitaire d'un Maroc, pays arabe et musulman, mais intégré – colonisation et interdépendance culturelle oblige – dans le giron francophone ! La langue française au Maroc a toujours incarné l'un des moyens de s'exprimer, à côté de l'arabe, le véhicule de la culture, l'autre face de notre identité. De notre double identité, à vrai dire, façonnée par la cohabitation et les échanges générationnels ! La langue française n'a jamais quitté notre histoire et encore moins notre mémoire qui en reste d'autant plus empreinte que de nos jours, la demande du français par le public semble resurgir des catacombes dans lesquelles certains semblaient l'enterrer. Le réseau scolaire français au Maroc est le plus important à l'étranger avec 32 établissements qui ont accueilli en 2012, 26 000 élèves dont plus de 15 000 marocains. Les jeunes avides d'apprendre le français La demande de l'apprentissage du français se fait pressente. C'est ce que nous explique Mohamed Malki, longtemps enseignant du français et de la littérature française, ensuite inspecteur général de français au ministère de l'Education nationale. « A la lumière de la mondialisation, de l'économie internationalisée, du rapprochement avec l'Union européenne, du développement de l'offshoring, les langues étrangères se renforcent et, pour ce qui est du Maroc, le français est le véhicule historique de notre accès à l'Europe... ». L'argument ne manque pas de portée, ni de poids. Il justifie pour ainsi dire ce que le roi Hassan II affirmait sur l'ouverture. Sibawayh Vs Molière L'Institut français du Maroc (IFM), décliné sur des Instituts français régionaux, est sous le comble, à la fois au niveau des demandes et de la pression constante d'un public demandeur de la langue française. « Les jeunes marocains sont de plus en plus avides d'apprendre la langue française, et la demande excède l'offre... ». C'est une réalité nouvelle qui dément , en grande partie, les pronostiqueurs désabusés d'une mort programmée de la langue de Molière. Jusqu'ici le grief principal relatif au recul de la langue française a été lancé communément contre l'Istiqlal, le premier à partir en croisade contre la langue française et à promouvoir l'arabisation à outrance. Menée tambour battant, prenant une dimension quasi idéologique, politisée à l'envi, l'arabisation a creusé pendant des décennies un grave fossé, tant et si bien qu'à terme, il s'en est trouvé deux mondes opposés, face à face, et une génération qui ne sait parler bien ni le français, ni l'arabe. Ce décalage, résultat d'un idéologisme exacerbé, porte la responsabilité du déphasage auquel nous assistons au niveau du monde arabe. Et, de fait, la mondialisation, la révolution technologique, avec l'expansion du numérique et du multimédia – Internet, Smartphones et autres nouveautés – ne portent pas la signature de l'arabe. L'objection, qui est plutôt un constat navrant, que la langue arabe n'est pas en phase de l'évolution actuelle du monde, peut sans douter choquer plus d'un. Mais elle nous interpelle néanmoins sur une réalité tangible : la culture d'aujourd'hui est dominée par les nouvelles technologies. Et les langues universelles qui leur sont consubstantielles sont anglo-saxonnes ou francophones, en attendant d'être chinoises ou brésiliennes... Ce qui nous ramène encore à l'autre paradigme posé par Hassan II selon lequel « l'analphabète de nos jours est celui qui ne parle qu'une seule langue » ! Les arabisants exigeants et exigus dans leur certitude, ne peuvent pas ne pas intégrer la nouvelle donne, celle de la langue étrangère – européenne ou anglo-saxonne – qui joue le rôle de complément. D'un témoignage à l'autre, contredisant les hypothèses de départ que nous formulions, nous apprenons qu'il existe de nos jours un regain de la langue française et anglaise chez les jeunes. Mais également espagnole, parce que la dimension d'ouverture se trouve portée par ces langues qui, pour être « étrangères », n'en sont pas moins le pont d'accès à d'autres mondes et le point d'appui de l'ouverture. Plutôt qu'une interrogation , il faut formuler le vœu que la tendance se renverse dans un monde « mondialisé ». Le démon de l'ethnocentrisme linguistique On parle d'ouverture, mais aussi de diversité culturelle et linguistique. En son article 5 la nouvelle Constitution spécifie une telle exigence et , cohérence et cohésion patrimoniale exigent, le vieux démon de l'ethnocentrisme linguistique – autrement dit de l'arabe – voit son cou se tordre impitoyablement par la monté en puissance des spécificités socio-culturelles et l'affirmation identitaire... L'universalisme n'est pas l'anti-thèse du repli sur soi, mais la parade, à la limite la complémentarité, et la langue est son véhicule. Le regain du français traduit une volonté individuelle, même si officiellement l'on prend conscience du décalage entre l'arabe et le français dans un pays qui érige les deux langues, officiellement, dans le privé comme dans le public. On donnera la parole à Charles Fries, ambassadeur de France au Maroc qui affirme que « le réseau scolaire français au Maroc est le plus important réseau français à l'étranger avec 32 établissements relevant de la tutelle de l'Agence pour l'enseignement français à étranger (AEFE) et de l'Office scolaire et universitaire international (l'OSUI), accueillent 26 000 élèves dont plus de 15 000 élèves marocains ». Et d'ajouter que pour la rentrée 2012, l'effectif des élèves inscrits dans ces établissements a augmenté de 2,8 % soit plus de 700 élèves supplémentaires, a-t-il précisé. Ce partenariat est exemplaire et doit rester une référence. « Ce réseau, précise-t-il, est régi par la Convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement du 25 juillet 2003 qui fixe la liste des établissements et détermine les conditions de leur fonctionnement sur le territoire marocain ». Dont acte ! * Tweet * * *