C'est une poupée russe qui se déploie, à grand jeu, avec ses surprises déboîtées l'une après l'autre. Elle ouvre un espace de questionnements d'un ordre inédit. Au point de nous inciter à l'interrogation majeure : la coalition gouvernementale survivra-t-elle à l'implosion programmée des partis ? Hamid Chabat réclame une refonte de la coalition gouvernementale. Deux de ses composantes, et non des moindres, traversent une grave tempête et sont menacées par le flot ravageur de la contestation. Le Parti de l'Istiqlal et le Mouvement populaire. Presqu'en même temps, ils connaissent une série de turbulences dont il faudra quand même tôt ou tard, prendre la réelle mesure. Le Parti de l'Istiqlal est la deuxième force de la coalition gouvernementale, et à ce titre le partenaire institutionnel privilégié du PJD. S'il a réussi le tour de force d'élire son secrétaire dans une apparente continuité, il n'a pas pour autant aplani les graves et profondes dissensions qui continuent à le caractériser. Et les sorties médiatiques de Hamid Chabat, triomphant de son débonnaire challenger, Abdelouahed El Fassi, les propos lancés à la cantonade ici et là, ces « coups de gueule » et ce style lapidaire n'ont-ils pas un petit air de revanche ? Les menaces de Chabat Revanche contre l'Establishment de son parti , les siens même, et contre tous ceux qui ont feint de mettre en cause son style et son langage ! Pendant sa campagne électorale, Hamid Chabat a usé de la carotte et du bâton. Il s'est fait à la fois rassurant et menaçant, déployant un discours manichéen. A Agadir, il n'a pas hésité à épingler – et ce fut à vrai dire déjà une manière d'annoncer la couleur – certains des ministres du Parti de l'Istiqlal, à qui il reprochait non seulement de soutenir son adversaire, mais de le dénigrer, révélant quelques unes de leurs pratiques. On comprenait qu'il mettait en cause un certain Mohamed El Ouafa, ministre de l'Education nationale, gendre de Allal El Fassi, ou encore un Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances qui, selon lui, aurait promis de rendre services à quelques uns en contrepartie de leur voix en faveur de Abdelouahed El Fassi. Le maire de Fès, tout à sa conquérante ascension, n'a pas lésiné pour arracher la victoire, et défiant les caciques de son parti, il a subtilisé le syndicat, l'UGTM, un certain dimanche pour s'imposer. Une manière de prise en otage que ses adversaires s'échineront à dénoncer, en vain ! Depuis maintenant un peu plus d'un mois, le nouveau secrétaire général de l'Istiqlal est constamment au créneau. Son leitmotiv, la dialectique aidant, est le sens de la participation de son parti au gouvernement dominé par le PJD. Il ne s'en accommode guère, il ne croyait pas si bien dire aussi lors de l'émission télévisée, « 90 minutes pour convaincre » de Medi 1 TV, quand il affirme : « Ne nous voilons pas la face, il y a effervescence dans la maison, les Marocains sont en colère, contre les inflations incessantes des prix des produits de consommation, auxquelles le gouvernement semble n'accorder aucune attention ». Pour la refonte des composantes de la majorité Une entrée en matière pour un réquisitoire accablant dressé contre le gouvernement de coalition, mais ciblant en particulier le PJD et encore plus directement Abdelilah Benkirane, son chef... Dans la foulée, il s'attaque à la méthode plutôt la non méthode – des responsables du PJD qui ne respectent pas la règle collégiale, opèrent leurs choix en catimini et ne s'encombrent d'aucun principe pour décider seuls. « Ils ne nous consultent jamais, lance-t-il, sur les mesures impopulaires qu'ils prennent et qui provoquent la gronde du peuple. Nous sommes aussi victimes, à leurs côtés, alors que nous formons en principe une même majorité ». L'interpellation de Hamid Chabat ne sacrifie pas à la rhétorique. Le coup de menton arrive pour lui faire dire : « Je veux que ce gouvernement parvienne au terme de son mandat quinquennal, mais il faut une refonte de ses composantes » en appelant ouvertement à un remaniement dès les premiers mois de l'année 2013... C'est donc dans ce contexte théâtralisé, dramatisé même, que prennent, à coup sûr, tout leur sens les multiples rumeurs colportées et persistantes sur le choix de Chabat porté sur Adil Douiri comme ministre de l'Economie et des finances, sur sa volonté de « dégommer » ses adversaires qui officient encore au sein du gouvernement de coalition et qui, en fin de compte, n'incarnent plus sa conception du pouvoir ou de la vie tout court.... La référence fréquente à son rêve mythique de « Si Allal venu une nuit lui confier la mission de sauver le parti des mains de ceux de ses proches ayant trahi son esprit contre le peuple », en dit long de cette culture cosmogonique superstitieuse érigée en doctrine politique et déclinant davantage un communicateur populiste qu'un docte. Le maire de la ville de Fès a réalisé son ascension magistrale, non pas au bluff comme ses adversaires s'acharnent à le dire, mais aux coups de théâtre répétés et aux barouds d'honneur calculés. Il peaufine constamment une stratégie de baroudeur, la phrase dépouillée de sa gangue et asséchée, à la limite du simplisme. Or, de nos jours, le prosaïque est devenu la règle des grandes politiques. Reprenant évidemment sans le savoir un certain Léon Gambetta, il serait tenté de dire que « la politique, c'est l'art du possible » ! Sauf qu'en ce qui le concerne, le « possible » est forcé, bousculé d'une main de maître, celui qui a compris que la règle de la politique a besoin d'être redéployée, reconfigurée aussi. On peut être opposé, fermement opposé à Hamid Chabat, mais on ne peut l'ignorer ou le mépriser. On peut également, le vague à l'âme, critiquer ses méthodes à la fois pour conquérir le parti de l'Istiqlal, asseoir son autorité, subjuguer au possible ses troupes, mais on n'y peut rien, pour lui opposer une autre parade, infléchir sa tactique. On peut même, et d'aucuns s'y adonnent, jouer les Cassandre, prophètes de mauvais aloi pour nous avertir que sa vision de l'avenir, c'est une sorte de capharnaüm ! Là aussi, la vigilance dressée comme un mât, le « patron » de l'Istiqlal se hisse de plus en plus comme un totem, installé pour de bon sur ses ergots. Chabat est affublé du titre méprisant de cycliste comme Jimmy Carter autrefois de marchand de cacahuètes, ou Reagan d'acteur de pacotille ou Zapatero de savetier... Et si l'on devait, à proprement parler, invoquer une opposition au PJD, aux islamistes en vogue, c'est Chabat qui l'incarne, il est aujourd'hui le seul qui use du langage idoine, emprunté de surcroît aux officines du parti au pouvoir. Autrement dit, puisant dans le lancinant répertoire du populisme...Il a porté l'estocade là où il est passé, remuant le couteau dans la plaie dans son propre parti en tombant la citadelle d'une élite cultivée, caparaçonnée des années durant dans ses mythes. Il se pose aujourd'hui comme le recours, maniant la gouaille et une redoutable intelligence où se mêlent bon sens populaire, caricature du combattant à principes, une sorte de César campant non plus en marge, mais au creux du pouvoir et de la politique qui doivent désormais compter avec lui et, qui sait, sur lui...L'homme qui a franchi le chemin aux multiples étapes de Fès à Rabat, qui a gagné le pari de renverser les jugements et les valeurs, n'a pas fini d'étonner. Au principe d'une radicale et profonde reconfiguration du paysage politique, il est à la fois le fusible et le transformateur ! La première étape de ce jeu de massacre en est l'éventuelle et plausible modification qu'il propose avec insistance au sein du gouvernement, sorte de Cheval de Troie.... El Ouardi demande à Chabat de s'excuser ! Le ministre de la Santé, El Hossein El Ouardi, a demandé au secrétaire général du parti de l'Istiqlal, Hamid Chabat, de s'excuser publiquement pour les propos qu'il a tenus lors de l'émission «90 minutes pour convaincre» diffusée jeudi dernier par la chaîne Medi1 TV, ajoutant qu'il se réserve, avec son parti, le droit de recourir à la justice. Rachid Talbi El Alami, un des dirigeants du RNI révélait dans cette émission télévisée que le ministre de l'Enseignement Lahcen Daoudi accusait son homologue El Hossein Ouardi d'avoir profité de son poste de doyen de la faculté de médecine à Casablanca pour falsifier les résultats des concours en faveur de certains étudiants ainsi que de détournement de fonds. Hamid Chabat, secrétaire général du parti de l'Istiqlal, invité principal de l'émission, avait alors demandé la mise de cette affaire à la disposition de la police judiciaire, pour enquête. Dans un communiqué relayé par l'agence MAP, El Ouardi est revenu sur les accusations formulées nommément à son égard par le SG de l'Istiqlal «concernant une lettre anonyme, non datée (…) donc sans aucune valeur juridique et ne pouvant être citée comme preuve».»Je dis à tous ceux qui croient en l'Etat des institutions qu'il existe dans notre pays une institution judiciaire capable de rendre justice aux ayants droit», a-t-il dit. Et le ministre d'indiquer qu'il publiera un communiqué conjoint avec son collègue El Habib Choubani, ministre chargé des Relations avec le parlement et la société civile pour mettre en évidence le fait qu'»il s'agit d'une lettre anonyme sans aucune valeur juridique et pour réaffirmer le climat de cohérence qui prévaut actuellement entre les différentes composantes du gouvernement». * Tweet * *