Les préparatifs pour la fête de Achoura vont bon train. L'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures commémorera cette année «Baba Achour» selon la tradition meknassi. Les Marocains tiennent toujours à perpétuer des traditions séculaires liées à Achoura. Ce week-end, le Maroc vit au rythme du grand événement religieux attendu aussi bien par les petits que par les grands. Il s'agit de Achoura. Cette manifestation festive sera commémorée cette année le dimanche 25 novembre correspondant au 10 Moharram, premier mois du calendrier musulman. L'occasion pour l'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures de ressusciter le personnage mythique de la mémoire collective marocaine « Baba Achour ». Après Rabat, Casablanca, Tétouan, Fès, Salé et Témara, Baba Achour atterrit cette année à Meknès. Sur sa charrette « magique » transportant cadeaux et « tyafer » de fruits secs et henné, il défilera avec son cortège sur les artères de la capitale ismaélienne, pour semer la joie et le bonheur chez les Meknassis. « Nous allons célébrer cette année Achoura selon les traditions meknassis », précise Najima Tay-Tay Ghozali, Présidente de l'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures, qui se félicite du fort succès des précédentes éditions. Que la fête commence ! « Baba Achour est un personnage qui n'a jamais existé dans la réalité mais il est inspiré de la mémoire populaire. On le retrouve dans les traditions orales, les chants et les contes d'autrefois. Et puisque les enfants ne croient plus au virtuel, mais à ce qui est palpable, nous avons décidé de le personnifier. Nous avons alors créé Baba Achour qui exauce les vœux et apporte la joie où il passe », poursuit cette passionnée des traditions ancestrales. Ne manquez donc pas l'événement ! À 10 h du matin, l'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures donnera le coup d'envoi de cette 7e édition des festivités de l'Achoura. Le cortège de Baba Achour se mettra en marche vers le Mausolée de Cheikh El Kamel abritant le tombeau de Sidi Mohamed Ben Aïssa pour se recueillir. Baba Achour ira à la rencontre des habitants de la ville en faisant le porte-à-porte et en distribuant des cadeaux. Fruits secs, jouets, friandises…pour les petits et même les mamans. Achoura c'est également la fête des mamans puisqu'au cours de cette journée, les femmes se libèrent des tâches ménagères. Elles se font une beauté, se réunissent autour d'un couscous à la viande sèche « Guedid », chantent et dansent. Sous les rythmes des « Taârija » (petites percussions) et des «bandir», elles chantent en chœur « baba aïchour, alik hallit ch'ouri». Le moment le plus fort de cet événement est le grand carnaval déguisement qui défilera dans les ruelles de la médina. L'événement aura lieu le mercredi 28 novembre. Baba Achour se fera escorter par des enfants et des femmes de plus en plus nombreuses. La ville vibrera aux rythmes des taârija et tambours. Des personnages comme Boujloud seront également de la fête, qui se prolongera tout au long du mois de Moharram. « Au programme figurent également plusieurs activités comme des visites de Baba Achour à l'hôpital des enfants pour distribuer des cadeaux aux malades et leur offrir un moment de joie. Des visites à la prison et à des associations locales sont également prévues. Notre objectif est de perpétuer les valeurs de Achoura qui sont le partage, la solidarité et la joie », insiste la Présidente de l'Association Conte'Act pour l'éducation et les cultures, qui organise à cette occasion un concours de déguisement. Petits et grands sont invités à y participer. La meilleure œuvre sera récompensée. Les femmes ne seront pas oubliées puisqu'un concours leur est destinée. Il s'agit de choisir la « Soltana de Baba Achour ». « Il ne s'agit pas de la plus belle ni de la plus svelte des femmes mais de la plus engagée pour le bien-être de sa société ou de son quartier. Il s'agit d'un geste symbolique pour récompenser d'une part l'engagement de la femme dans l'action sociale et d'autre part perpétuer les valeurs d'humanisme et de solidarité dans la société marocaine ». Les incontournablesCouscous et henné Les Marocains tiennent toujours à perpétuer des traditions séculaires liées à Achoura. La veille, les familles se réunissent autour d'un couscous. Chaque région a sa propre spécificité. Certaines régions le préparent à la viande sèche (Guedid) d'autres à la diyala comme Oujda. « À Oujda, les femmes préparent le couscous à la boulboula et à la diyala. Elles préparent également un plat très spécifique. Il s'agit de Berkoukech mélangé au terfas et klila. Les femmes mettent une datte au fond du plat. La famille se réunissent et comment à manger. La personne qui trouvera la datte sera frappée par la malchance », raconte un Oujdi. Les incontournables de Achoura resteront les fruits secs (amandes, noix, dattes...). Le soir, on allume un grand feu et on l'accompagne de chants et de danses toute la nuit, au grand bonheur des enfants qui restent éveillés jusqu'à une heure tardive. Fête oblige ! Le lendemain, c'est Zem Zem. Les enfants aspergent d'eau leurs proches. Les passants dans le quartier n'échappent pas non plus à la douche. Toutefois, ce rite a été interdit dans certaines régions suite à certains incidents. Au lieu de l'eau propre, on aspergeait les passants surtout les filles d'eau de javel ou d'eau sale. Les jouets à risques À quelques jours de l'Achoura, le commerce des jouets fleurit. Poupées, instruments de musique (taârijas, bendirs), pistolets à eau et… les pétards et fusées. Bien qu'interdits par les autorités, ces jeux de feu se vendent encore comme des petits pains dans les commerces. D'ailleurs, le son des explosions retentit depuis plusieurs jours. Une source policière affirme également que les services de police ont récemment procédé à la saisie d'une importante quantité de pétards. Plus de 400 000 unités. Huit personnes ont également été présentées à la justice. Ainsi, les services de police ont saisi un lot de 80 875 pétards à Témara , 80 000 explosifs à Moulay Rachid à Casablanca, 224 730 à Douar Lahraouyine. À Marrakech, les éléments de police ont procédé à l'arrestation de deux personnes, dont un mineur vendant des explosifs à l'occasion de Achoura. Selon les professionnels de la santé, ces jeux de feu représentent un véritable danger pour les enfants, eux mêmes, qui subissent les conséquences de leur insouciance. Sorcellerie et magie À l'occasion de Achoura, les pratiques de la sorcellerie s'accentuent au grand bonheur des chouaffas et fkihs qui se frottent les mains à l'approche de cette fête religieuse. « Le mot de Achoura est toujours collé à la pratique de sorcellerie. C'est la raison pour laquelle on milite pour effacer tout ce qui n'est pas bon dans notre tradition et pour mettre en exergue tout ce qui est beau. Achoura fête des valeurs de solidarité, du partage et de la joie. À travers Baba Achour, nous tentons de faire du marketing culturel », souligne la Présidente de l'association Conte'Act pour l'éducation et les cultures. Et de poursuivre : « Vous savez que les femmes se libèrent de toute tâche ménagère le jour de Achoura car elle croit que si elle fait le ménage quelque chose de malheureux lui arrivera. C'est de la superstition. Les femmes mettent du khol et swak, ce soir là pour rester belle toute l'année. Ce n'est pas vrai. Elles vont chez les chouaffas pour faire des talismans, croyant que leurs maris les aimeront toute l'année ». Une fête pour les sunnites, un deuil pour les chiîtes Si Achoura signifie la joie pour les musulmans sunnites, elle représente pour les musulmans chiîtes un jour de deuil. Achoura est dérivée de «achara» (dix en arabe) qui correspond au dixième jour du mois de Muharram. Cette date commémore le massacre du Imam Hussein, petit-fils du Prophète Mohamed et fils de Ali Ibn Abi Talib et des membres de sa famille par le Califat des Omeyyade ( Amaouiyine ) en l'an 61 de l'Hégire à Kerbalaâ en Irak. Depuis, les chiîtes, en signe de deuil, s'auto-flagellent en public jusqu'au sang. Les fidèles chiîtes se recueillent également devant le tombeau de l'Imam Hussein, devenu un lieu saint. Pour les sunnites, Achoura est une occasion de faire la fête, d'effectuer des visites familiales, de distribuer la zakate, de se recueillir dans les cimetières sur les tombes de leurs proches…et de jeûner. Oui, notre prophète recommande de jeûner deux jours, le jour de Achoura et la veille. Que dit l'histoire à ce sujet ? Eh bien, en l'an 622, « le Prophète Mohamed et ses disciples quittent la Mecque vers Yathrib. L'une des tribus installées dans l'oasis était juive et célébrait Yom Kippour (jour du Grand Pardon). Ce jour-là, les juifs jeûnent et ne travaillent pas. Ils demandent ainsi pardon à Dieu pour tous les péchés commis », explique un théologien avant de poursuivre : « Le Prophète Mohamed leur demanda alors la signification de ce jour de jeûne. Ils répondirent, qu'ils commémoraient la sortie d'Egypte des Hébreux sous la conduite de Moïse ( Sidna Moussa). Le prohète Mohamed affirma être plus en droit de jeûner ce jour. « Ana aoula min moussa » dit-il. Le prophète Mohammed recommanda alors à ses compagnons de jeûner le jour de Achoura et la veille pour se différencier des juifs. * Tweet * *