Ce qui devait être une séance ordinaire des questions orales à la Chambre des conseillers s'est transformé en une scène de conflit entre le président du groupe de l'Union constitutionnelle et le ministre de la Justice et des libertés. Que s'est-il passé ? Mustapha Ramid s'est emporté après que les chefs des groupes de l'opposition aient dénoncé dans le cadre du « droit d'informer » l'intervention musclée contre des manifestants notamment des greffiers au sein de différents tribunaux. « Des comportements inappropriés ». C'est ce dont accusent les conseillers de l'opposition à la deuxième Chambre du Parlement le ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid. Alors que la première séance des questions orales de la nouvelle législature venait à peine de commencer, mardi 16 octobre, un conflit a rapidement imposé sa suspension pour plusieurs heures. « Le ministre a eu une attitude indigne de sa personne et du gouvernement. Il n'admet pas les critiques et ne fait pas preuve de sang-froid », déclare au « Soir échos » le président de la séance, Mohamed Faouzi Ben Allal, premier vice-président de la Chambre des conseillers. Les prémices du conflit Profitant de leur « droit d'informer » que leur garantit le règlement interne dans son article 128, les présidents des groupes de l'opposition ont pris la parole avant d'entamer la séance des questions orales. En trois minutes chacun, ils ont, en majorité, dénoncé l'intervention musclée contre des manifestants notamment des greffiers au sein de différents tribunaux, dans la nuit du lundi à mardi. Mustapha Ramid, présent, pour répondre à la question programmée au cours de la séance sur « le principe de l'indépendance de la justice et son rôle dans l'édification d'un Etat de droit et d'institutions » quitte son siège en silence quelques minutes avant de revenir à la fin des interventions. Ensuite, un point d'ordre, qu'accorde l'article 129 du règlement interne en deux minutes, est revendiqué par le président du groupe de l'Union constitutionnelle, Driss Radi. Ce dernier y soulève l'application de l'article 100 de la Constitution appelant le chef du gouvernement à répondre aux questions de politique générale. Pour Driss Radi, la mise en œuvre de cet article pose problème et évoque des divergences d'interprétation nécessitant l'intervention du Conseil constitutionnel. « Nous avons adressé une question au chef du gouvernement à laquelle il devait répondre au cours de cette séance, mais nous constatons qu'il n'est pas présent et qu'il a transféré notre question au ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la société civile. Nous demandons au chef du gouvernement de saisir le conseil constitutionnel pour trancher une fois pour toute sur l'exécution de cet article », lance-t-il. Et d'estimer que le Parlement et le gouvernement ont pour première obligation la mise en œuvre de la Constitution « Sinon, ils commettraient une trahison vis-à-vis du citoyen !» s'exclame-t-il, avant de reprocher à Ramid de hocher sa tête en signe de désaccord. En réaction, le ministre se lève pour crier son droit à la liberté de s'exprimer. Et le conflit éclate... Une dispute éclate alors entre les deux hommes suscitant la colère d'autres conseillers, en particulier le président du groupe fédéral FDT, Mohamed Daidaa, et le président du groupe PAM, Hakim Benchammas. Ce dernier insiste même pour prendre la parole : « Monsieur le ministre, vous avez le droit d'être en colère, mais pas de manquer de respect aux conseillers. C'est une atteinte grave pour laquelle nous revendiquons des excuses sinon, nous demandons la suspension de la séance », prévient Benchammas. Pas d'autre alternative face aux esprits qui s'échauffent et aux accusations qui s'échangent, pour le président de la séance que de la suspendre. « Le ministre n'a pas à nous traiter avec mépris. S'il n'a pas apprécié le droit d'informer des conseillers, il n'a pas à réagir de la sorte. Le gouvernement doit comprendre que l'opposition ne renoncera pas à son droit constitutionnel », déclare au « Soir échos » Hakim Benchammas. « Le ministre utilise des méthodes qui ne conviennent ni à son poste ni à cette étape décisive supposée démocratique. Le ministre devrait démissionner », confie Mohamed Daidaa au « Soir échos », soulignant que les conseillers adresseront une lettre de protestation au président de la Chambre des conseillers qui devrait de son côté la remettre au chef du gouvernement. Médiation vaine Au terme de la réunion des groupes de la deuxième Chambre tenue tout de suite après la suspension de la séance, une lettre de protestation a été produite et signée par l'ensemble à l'exception du groupe istiqlalien. « En toute sincérité, ce que je revendique est tout simplement le respect et de ne pas faire usage d'abus de pouvoir », affirme au « Soir échos » Driss Radi qui se dit indigné d'avoir été traité de « corrompu » par le ministre à la sortie de la séance. Plusieurs heures n'ont pas suffi à désamorcer la crise dans laquelle Mohamed Faouzi Ben Allal a été le médiateur. « Le ministre a refusé catégoriquement de présenter des excuses », regrette-t-il. La séance n'a repris qu'à 17h30 passée et n'a duré que 20mn, 18h heure d'interruption de la diffusion par la SNRT. L'opposition a imposé une condition : boycotter les questions adressées à Ramid jusqu'à ce que ce dernier présente ses excuses. Que dit l'article 100 de la Constitution ? « Une séance par semaine est réservée dans chaque Chambre par priorité aux questions des membres de celle-ci et aux réponses du gouvernement. Le gouvernement doit donner sa réponse dans les vingt jours suivant la date à laquelle il a été saisi de la question. Les réponses aux questions de politique générale sont données par le chef du gouvernement. Une séance par mois est réservée à ces questions et les réponses y afférentes sont présentées devant la Chambre concernée dans les trente jours suivant la date de leur transmission au Chef du gouvernement. » * Tweet * *