Depuis bientôt deux ans, les gouvernements des pays européens frappés de plein fouet par la crise économique et financière ont choisi comme programme politique et économique l'austérité. Il est d'ailleurs frappant de voir, qu'à l'exception des partis extrêmes, l'austérité ne semble guère créer de remous au sein des classes politiques qui, tout en se refusant souvent à la nommer, l'appliquent avec un zèle pour le moins surprenant. Elles sont encouragées dans cette voie par les instances européennes (Commission, BCE) ainsi que par le FMI qui semblent vouloir faire appliquer un schéma déjà construit et censé être transposable dans tout état touché par la crise. Or, cette dernière tire aussi sa force des différences économiques et financières de chaque pays : la Grèce et l'Espagne ont beau être touchées toutes les deux par la crise, la comparaison s'arrête là tant les deux pays divergent sur d'autres plans, l'Espagne ayant par exemple un poids plus important au niveau européen. Pour rappel, la Grèce ne représente que 3% du PIB européen, ce qui montre par ailleurs à quel point l'Europe manque d'outils pour se protéger, elle qui semble bien incapable de sauver un membre dont l'importance économique est relativement faible. L'austérité est donc présentée comme une solution évidente, et il n'y a quasiment pas eu de débat sur la question, hormis dans des cercles restreints et peu médiatisés. Il n'y aurait pas lieu de s'interroger si les mesures d'austérité prises par les gouvernements grec, italien, espagnol et françai entre autres, conduisaient à une situation meilleure pour l'économie des pays concernés. De même que l'on accepterait sans discuter l'austérité si elle permettait de rendre les Etats plus forts face aux attaques répétées et coordonnées des marchés qui sont pour l'instant les grands vainqueurs de la crise, adoptant une stratégie à la Janus très efficace : exiger une politique d'austérité des Etats jugés fragiles afin de les aider, du moins en théorie, à retrouver le chemin vertueux de la croissance tout en poursuivant leurs attaques contre ces mêmes Etats, leur pouvoir étant affaibli par la contestation de la rue. Car le problème est bien là : certes, d'un point de vue d'un expert-comptable, l'austérité doit être le dogme des gouvernements afin d'assainir leurs comptes et réduire leur déficit public, dans la plupart des cas très inquiétant car structurel. En ce sens, les gouvernements ont une grande part de responsabilité dans la crise car, en refusant de dire la vérité à leurs électeurs en mettant en place des réformes dures mais nécessaires à la compétitivité des entreprises, ils se sont comportés comme des petits gestionnaires, sans vision stratégique, avec pour seul objectif leur réélection. Il faut donc entreprendre des politiques économiques ambitieuses pour remettre ces pays sur les rails de la machine européenne, mais l'austérité, dure et brutale telle qu'elle est pratiquée actuellement, n'est pas la solution car elle fait fi de l'humain. En effet, les mesures prises et appliquées en Grèce et en Italie par exemple ont poussé les peuples de chaque pays à descendre dans la rue pour exprimer leur colère. Ce n'est pas qu'ils refusent de faire des efforts, la prise de conscience qu'un changement doit s'opérer est bien présente. Mais ils dénoncent ces politiques orchestrées sans discernement qui touchent toutes les catégories sociales et pénalisent surtout les plus pauvres et fragiles d'entre elles. En Italie par exemple, le gouvernement Monti a entrepris des réformes importantes, en matière fiscale surtout, mais à vouloir les appliquer trop vite, il a provoqué un mécontentement massif au sein de la population. Mais plus que tout, la justice fiscale, qui devrait être le maître mot de la stratégie économique des Etats, semble être un concept à géométrie variable, tant il semble facile de faire pression sur les plus fragiles et compliqué d'imposer aux riches un effort supplémentaire, pourtant à leur portée et qui répondrait d'un impératif de solidarité compréhensible de tous. Peut-être conviendrait-il d'essayer ce que plusieurs économistes présentent comme une relecture de Keynes en relançant la croissance via la consommation et des aides étatiques, quitte à creuser les déficits pour un temps, tout en procédant à des réformes structurelles dans un second temps. Cette solution aurait au moins le mérite de ne pas créer de blocages pour des peuples qui ont le droit de vivre décemment et de ne pas être simplement considérés comme des données financières. C'est un cercle vertueux du rapport Etat / entreprise / citoyen qui doit être repensé. Il en va de la cohésion des Etats : les manifestations de citoyens désespérés sont un signal adressé aux gouvernements. Une autre voie est possible, mais elle demande du courage politique et des idées ambitieuses pour sortir les Etats de la crise qu'ils traversent.