La Journée mondiale de l'aide humanitaire a été célébrée dimanche 19 août sous le thème « Nous sommes des travailleurs humanitaires ». Une occasion pour mettre la loupe sur les activités humanitaires de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) au Maroc à travers cet entretien avec son coordinateur général, David Cantero. David Cantero, coordinateur général de Médecins sans frontières au Maroc. Médecins sans frontières s'implante la plupart du temps dans les zones de conflit, qui-est-ce qui motive votre présence au Maroc, un pays stable ? Effectivement, Médecins sans frontières est présent au Maroc depuis 1997. MSF est une organisation médicale humanitaire qui apporte son aide aux populations victimes de conflits armés. Nous intervenons également en cas d'épidémies, de choléra, de la rougeole ou de l'ébola en Ouganda en ce moment, dans les catastrophes naturelles mais aussi avec des populations en situation précaire. Au Maroc, nous travaillons avec des migrants subsahariennes, une population très vulnérable avec des besoins humanitaires et médicaux spécifiques à cause de sa situation particulière et leurs conditions de vie. Nous menons notre travail toujours de façon indépendante sans aucune discrimination raciale, religieuse ou politique. La prise en charge des immigrés constitue un point focal dans vos projets. Pouvez-vous nous faire un état des lieux ? MSF développe un projet à Rabat et un autre dans la Région de l'Oriental. À Rabat, les principales activités menées sont la prise en charge médicale et psychologique des victimes de violences sexuelles, la délivrance de soins médicaux dans les jours suivant l'agression sexuelle ; l'inclusion des survivants de violences sexuelles dans les programmes de suivie prénatale, accouchement, contrôle postnatale, et Programme nationale de lutte contre le Sida. En 2011, MSF a pris en charge 175 victimes de violences sexuelles et a réalisé 106 consultations psychologiques. MSF veut améliorer l'état de santé des migrants subsahariens les plus vulnérables ainsi que leurs conditions de vie et leur dignité. Au cours de l ́année passée, MSF a effectué plus de 1 000 consultations médicales et environ 970 accompagnements des différentes structures de santé à Oujda. Les équipes médicales ont aussi répondu à plus de 130 urgences médicales. Les femmes et enfants migrants subsahariens sont particulièrement exposés à toutes sortes de violence et d'abus au cours du voyage et à leur arrivée au Maroc. Les survivants de violences sexuelles ont besoin de soins de santé, incluant la prévention de l'infection VIH et autres infections sexuellement transmissibles (IST) ainsi que les vaccinations contre l'Hépatite B et le tétanos. En 2011, MSF a traité 43 cas de violence sexuelle à Oujda, dont 77% ont survécu à au moins deux épisodes de violence. . Au total, MSF a fourni une assistance psychologique à 900 personnes environ. En collaboration avec une association marocaine, la Fondation Orient-Occident, MSF a commencé des activités psycho-sociales avec les premiers ateliers de cuisine pour les femmes MSS et les activités groupales pour les mineurs non-accompagnés (ateliers informatiques et autres). Est-ce que MSF développe d'autres programmes pour d'autres catégories de la société marocaine? MSF démarre en 1999 avec un projet d'amélioration de la santé materno-infantile dans un quartier de la commune de Mers el Kheir à Temara, où nous avons construit la maternité. Par la suite, en 2002, nous avons lancé à Casablanca un projet d'amélioration des conditions socio-sanitaires de la femme en situation de marginalisation socio-économique, destiné aux mères célibataires, aux professionnelles du sexe et aux petites bonnes. C'est seulement en 2003 que MSF commence à travailler avec les migrants subsahariens (MSS), en raison de leur vulnérabilité et le manque des organisations qui travaillaient avec eux à cette époque. Toujours cherchant à porter secours et assistance aux populations les plus vulnérables. Est-ce que vous collaborez avec des structures sanitaires et des associations dans vos activités ? Bien sûr, notre stratégie prioritaire est toujours de travailler main dans la main avec des structures de santé marocaines. A Rabat, nous sommes membres de la Plate-forme Protection des Migrants formé par dix organisations nationales et internationales qui travaillent dans ce domaine. Nous travaillons de concert pour améliorer la prise en charge, le suivi et l'accompagnement médical, psychologique et judiciaire des migrants. Aussi, en vertu d'un accord de partenariat signé avec le Ministère de la Santé, nous collaborons avec les Unités de prise en charges des femmes victimes de violences de Rabat. Au niveau d'Oujda, nous travaillons très étroitement avec la délégation régionale de Santé de l'Orientale. Nous avons une très bonne relation avec l'Hôpital Al Farabi et la Protection Civile et nous travaillons en réseaux avec les organisations marocaines non gouvernementales qui travaillent dans cette région. Rencontrez-vous souvent des entraves dans votre mission ? Le fait de travailler avec une population considérée « illégale » rend notre travail plus difficile, surtout dans certaines zones du pays, comme c'est le cas à Nador où on a eu des difficultés d'accès l'année dernière. Quels sont actuellement les défis majeurs de MSF ? Accroître notre présence ainsi que celle des autres ONG à Nador pour pouvoir mieux faire face aux besoins des migrants surtout venir en aide au grand nombre de blessés depuis juin. Nous allons essayer d'améliorer notre coordination avec les autorités de Nador pour mieux assister les migrants qui vivent une situation difficile. A Oujda, les besoins sont aussi énormes. Nos aides humanitaires ne sont pas suffisantes et les ONG présentes ont des ressources très limitées. Nous faisons un appel aux bailleurs de fonds pour qu'ils fassent un effort pour appuyer ces organisations qui travaillent dans la région. * Tweet * *