Le mois de Ramadan n'est pas qu'un mois de spiritualité, mais aussi de militantisme. Quatre débats constructifs autour du patrimoine architectural de Marrakech ont réuni esprits aiguisés et architectes, sous la houlette de l'association Al Muniya. La question de la restauration du palais Badiia à Marrakech reste toujours en suspens. Dans le cadre d'une série de conférences sur « Les enjeux du patrimoine islamique et sa protection », l'association Al Muniya de Marrakech a tenu quatre rencontres dans la médina de la ville ocre autour de la préservation du patrimoine, dont la dernière en date, mercredi dernier. L'échange lors des débats a mis en avant l'état des lieux, souvent désastreux, d'un certain nombre de monuments dans la médina. Discussion avec le président de l'association, Jaafar Kansoussi. Comment évaluez-vous l'état des monuments de Marrakech, à la lumière des rencontres du mois de Ramadan ? La ville de Marrakech, à l'instar d'autres villes du royaume, pâtit d'une situation déplorable. Certes, les organisations publiques font leur travail mais ce n'est jamais assez et les effort sont rarement concluants ou aboutis. La lenteur et la faiblesse des interventions publiques et surtout le manque de qualifications des personnes concernées rend est le processus timide. Le patrimoine de Marrakech souffre d'une myopie culturelle, d'une indifférence généralisée et d'un manque d'intérêt cruel. Il est vrai que les ministères s'activent, dont le ministère de la Culture et le ministère des Habous et des affaires islamiques, ainsi que la wilaya et le secteur privé, mais la dégradation reste déplorable, et le travail n'est pas suffisant. Chaque organisme public travaille dans son petit coin. Par exemple, la municipalité restaure actuellement les murailles de Marrakech et beaucoup d'architectes supervisent des travaux de restauration, mais il n'y a pas de vraie structure qui prospecte et fait avancer réellement les choses. Quels sont les principaux monuments touristiques concernés ? Je citerai principalement la Menara, la Medersa de Marrakech, le palais El Badiaa et le palais de la Bahia qui connaît aujourd'hui une restauration mais qui a été pendant des années délaissé et traité avec mépris. Qu'en est-il du débat autour du palais El Badiaa ? La question qui se pose autour de ce palais est la suivante : « Allons-nous le laisser sous forme de ruines ou faire participer tous les acteurs et trouver une solution ? Ce palais, qui se présente au public sous forme de vestiges, va-t-il garder le même aspect ou fera-t-il l'objet d'un chantier de restauration ? «. Ce monument appartient au patrimoine arabo-musulman et ne peut être comparé aux monuments historiques tels que le Colisée de Rome ou les ruines de Baalbeck, laissés sous forme de vestiges. Bientôt, nous organiserons des débats autour de la destinée de ce palais qui présente un statut particulier. Dans quelle mesure la situation de la médina de Marrakech est-elle désastreuse ? Les évènements qui ont poussé récemment des extrémistes à des actes de vandalisme au Mali montrent qu'il y a une indifférence générale et une attitude idéologique défectueuse envers le patrimoine de la part de la société civile, non seulement à Tombouctou mais en Egypte, en Libye, au Maroc et dans d'autres pays. Une perception objective du patrimoine serait structurante pour l'ensemble de la population. Si ce patrimoine est intégré dans la vie culturelle et la vie économique de la population, ça sera du pain béni. Quand on va au cœur de la médina on se croirait dans le tiers-monde. Il y a un taux record de chômage et un taux élevé d'analphabétisme. Comment opérer la circulation de ces biens symboliques et les transformer en richesse économique ? Malheureusement, ce n'est pas avec des hôtels et des boîtes de nuit qu'on va remédier à ce problème économique de Marrakech. Quels sont les résultats de ces assises ? Quand on parle de patrimoine, il faut une réelle volonté politique et une vision claire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Urbanistes, archéologues, artistes et historiens ont beau se réunir, s'il n'y a pas de concertation structurante à tous les niveaux, le patrimoine continuera à se dégrader. Malheureusement, les choses se font aujourd'hui à des niveaux médiocres. Al Munya, une oeuvre pour la culture Présidée par Jaafar Kansoussi, Al Muniya est une association culturelle, qui promeut la préservation du patrimoine. L'association organise des rencontres et des débats réguliers sur les questions du patrimoine, portant sur la région du Maghreb et de l'Andalousie, dans un esprit méditerranéen. Parmi ses activités, l'association programme un « Majlis adabi » ou salon littéraire dans la médina de Marrakech qui regroupe des dizaines d'adhérents et se clôture souvent par des concerts et des rencontres musicales, incluant des chants soufis, des concerts de melhoun, de luth ou de samaâ. L'association Al Muniya programme également une rencontre internationale annuelle, souvent empreinte de spiritualité, dans l'esprit du samâ, concoctant des débats sur la connaissance du patrimoine et de la musique. * Tweet * *