Les échanges culturels entre les pays africains sont modestes. Mis à part le cinéma et les arts contemporains, la présence des artistes marocains a besoin de plus de visibilité. Les échanges culturels dans la coopération Sud-Sud sont balbutiants. C'est ce que révèlent des responsables du ministère de la Culture. «Des conventions sont signées avec divers pays de l'Afrique Subsaharienne, le dernier dans la liste étant le Bénin, mais ces accords restent lettre morte», témoigne une source du département de la Coopération internationale du département de Benssalem Himmich. Si des musiciens de renom comme Youssou Ndour, Mory Kante, Alpha Blondy se déplacent régulièrement au Maroc pour des concerts, les artistes marocains eux ne sont guère nombreux à être invités à des festivals musicaux en Afrique. «Il y a un manque de moyens et d'infrastructures, inviter des artistes cela nécessite toute une logistique et au moins un budget de 800.000DH tout dépend du calibre des artistes programmés», ajoute la même source de la division de la Coopération. «Par ailleurs, il existe quelques événements en Afrique, même s'ils ne sont pas nombreux, dans lesquels les Marocains ont une assez bonne visibilité ». Les observateurs du milieu artistique pensent automatiquement aux arts contemporains et au cinéma. «Il y a des biennales d'art contemporain auxquels participent des artistes marocains, mais ils sont invités directement par les commissaires d'exposition, ils ne transitent pas par le ministère de la Culture», souligne Mohamed Benyâacoub chef de la division des Arts plastiques au ministère de la Culture. Les artistes peintres marocains et les photographes ont la cote dans les plus prestigieuses manifestations d'art contemporain. C'est le cas de la Biennale africaine de la photographie de Bamako (Mali). Lors de la huitième édition qui s'est déroulée en septembre 2009, quatre artistes marocains ont fait partie des 40 artistes internationaux au programme. Il s'agit de Malek Nejmi, André ElBaz, Majida Khettari et Mounir Fatmi. Une autre manifestation culturelle de grande envergure à l'échelle de l'Afrique a pour habitude d'inviter des artistes marocains. C'est la Biennale de Dakar. Plusieurs lauréats de l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan ont eu l'occasion d'y montrer leurs œuvres. On cite, à titre d'exemple, Younes Rahmoun et Jamila Lamrani. Tous deux lauréats de l'Ecole des beaux-arts de Tétouan et tous deux fins amateurs d'installations artistiques. Il ne se passe pas une édition sans la présence d'artistes marocains. Pour la prochaine édition qui aura lieu du 7 mai au 7 juin 2010, Fatiha Zemmouri et Nabil El Makhloufi feront le déplacement à Dakar. Ils auront l'occasion, à leur tour, d'y exposer leur travaux et d'évoquer leurs expériences. Une autre manifestation avait été annoncée en grande pompe l'année dernière et qui devait assurer une très bonne visibilité aux artistes marocains. C'est le FESMAN. Le Festival mondial des arts nègres. La première édition devait avoir lieu en décembre 2009. «On avait travaillé sérieusement sur ce projet, on avait émis une série de propositions à l'ancienne ministre, Touria Jabrane, mais finalement la première édition de ce festival a été reportée à la demande du Président de la République sénégalaise, Abdoulaye Wade.», confie Mohamed Benyaacoub. Dans le programme qui avait été établi par le ministère de la Culture, figuraient des troupes de danse folklorique, un groupe de designers marocains ainsi que quelques musiciens marocains. «Ce programme a été mis en stand by quand on a appris le report de cette manifestation et actuellement on ressort le dossier FESMAN», précise la même source. L'équipe de l'actuel ministre de la Culture planche sur le dossier afin de le remettre à jour et d'y apporter de nouvelles propositions marocaines, cette grande manifestation est prévue du 3 au 18 décembre 2010. Une autre tentative d'échanges culturels se matérialise à travers la dernière réunion des pays de la CEN SAD, qui regroupe des Etats sahéolo-Sahariens, au Tchad en 2009. «C'était un sommet des ministres de la Culture et, après cette réunion, chaque pays devait rédiger un document dans lequel serait donnée la liste de tous les festivals et toutes les manifestations culturelles », déclare Mohamed Benyaacoub. Ce dernier avait représenté le ministère de la Culture à cette réunion. Le document a été rédigé et envoyé aux organisateurs, mais aucune proposition concrète n'a été émise. « Ils nous ont demandé de leur envoyer une liste de festivals pour que les pays membres de la CENSAD puissent éventuellement y favoriser la circulation des artistes, mais il n'y a pas eu de feed back », précise la même source. Pour revenir à l'art contemporain, une biennale d'art contemporain s'est déroulée, en mars, à Johannesburg. Safaa Erruas, Hassan Darsi et André El Baz ont participé à cet événement et y ont exposé leurs œuvres. Plus : Safaa Erruas a même pu vendre six de ses dernières œuvres, une fondation du Nigeria s'en est portée acquerreur. «Ce qui est bien dans ces événements c'est que cela facilite les rencontres artistiques et d'exporter l'art marocain en Afrique Subsaharienne, c'est magnifique », se réjouit un critique d'art de la place ayant souhaité garder l'anonymat. A côté des arts plastiques, le cinéma marocain a aussi la cote en Afrique Subsaharienne. Au Burkina Faso surtout. «Les films marocains ont une bonne visibilité au Burkina Faso à travers le FESPACO, plusieurs réalisateurs du pays ont même été primés à plusieurs reprises », déclare Tarek Kalami de la division de la Coopération internationale au Centre cinématographique marocain. Lorsque le FESPAC est évoqué, les critiques cinématographiques pensent automatiquement à tous les prix que les cinéastes marocains ont décrochés à ce festival panafricain du cinéma et de télévision de Ouagadougou. En 2005, Hassan Benjelloun avait remporté le grand prix avec son film «La chambre noire». Plus récemment, en février 2009, le court métrage «Sellam et Demetan » de Amin Benamraoui a été primé. D'autres films, cette fois-ci, dans la section longs-métrages ont participé à l'édition de 2009 : «Les jardins de Samira» de Latef Lahlou, «Adieu Mères» de Mohammed Ismael, «What ever Lola Wants» de Nabyl Ayouch, «Tu te souviens d'Adil» de Mohamed Zineddine et «Nos lieux interdits» de Nabila Kilani. Concernant les accords de co-production, les pays Subsahariens signataires sont le Mali et le Sénégal, le Burkina Fasso avec lequel les liens sont forts n'est pas signataire de ces accords. Le théâtre marocain absent des planches africaines Le parent pauvre des échanges culturels entre le Maroc et les pays de l'Afrique Subsaharienne est le théâtre. S'il est considéré comme le père des arts, ils est néanmoins absent des échanges artistiques. A part quelques troupes sénégalaises qui se déplacent au Maroc pour quelques représentations qui sont plutôt du domaine des arts vivants que du théâtre, nos planches ne sont pas exploitées par ces pays. Les troupes marocaines ne vont pas en Afrique. «Les metteurs en scène et les comédiens marocains sont invités à des festivals en Tunisie et en Algérie mais en Afrique Subsaharienne nous sommes absents», déclare Hassan Nafali, le président du Syndicat des professionnels du théâtre, probablement pour des raisons de langue.