par jawad kerdoudi président de l'imri (institut marocain des relations internationales) jawad kerdoudi Les Etats-Unis et la Russie viennent de finaliser le 28 mars 2010 l'Accord Start sur la réduction des armes nucléaires, qui sera signé officiellement ce 8 avril 2010 à Prague. La principale disposition de cet Accord est la réduction par chaque pays des ogives nucléaires à 1.550, et des vecteurs (transporteurs d'armes nucléaires) à 800. Peut-on en conclure que la menace nucléaire est éradiquée ? Loin de là. Certes, les Etats-Unis et la Russie disposent de 90 % des stocks d'armes nucléaires. Mais d'une part, le quota résiduel d'armes nucléaires encore détenu par ces deux puissances est largement suffisant pour détruire toute la planète. D'autre part, certains pays disposent aussi de l'arme nucléaire : Grande-Bretagne, France, Chine, mais également Inde, Pakistan, Israël et Corée du nord. D'autres pays poursuivent des programmes nucléaires, dont le plus notoire est l'Iran. Ceci, malgré les efforts de désarmement nucléaire commencés dès 1953 par le Président Eisenhower dans le cadre du programme «Atom for Peace». En effet, les deux bombes atomiques lancées par les Etats-Unis en 1945 sur Hiroshima et Nagasaki ont été extrêmement destructrices, et ont causé la mort d'environ 400.000 personnes et la destruction quasi-totale de ces deux villes du Japon. La communauté internationale s'est vite rendu compte du risque systémique que présente l'arme nucléaire pour toute l'humanité. D'où en 1957, la création de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) dont le siège est à Vienne, et qui a pour rôle le contrôle de la prolifération nucléaire dans le monde. D'où également en 1963, la signature par les Etats-Unis, l'URSS, et la Grande-Bretagne du Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires. Plus important fût en 1968 le Traité de non prolifération nucléaire (TNP), entré en vigueur en 1970, et qui est ratifié actuellement par 189 pays, sauf l'Inde, le Pakistan et Israël. Ce Traité fondateur pose trois principes : les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité ont le droit de conserver l'arme atomique, mais s'engagent à procéder à leur désarmement nucléaire, les autres Etats signataires n'ont pas le droit de fabriquer ou de tenter de se procurer l'arme atomique, enfin l'énergie nucléaire civile est autorisée pour tous les Etats. Conformément au TNP, plusieurs Accords de réduction des armes nucléaires ont été signés, notamment entre les Etats-Unis et l'URSS : SALT en 1972 et 1979, START en 1991 et 1993. La France a proposé en 1995 un Traité pour l'interdiction de la production des matières fissiles, et les Etats-Unis ont appuyé cette initiative et ont demandé l'ouverture de négociations sur ce Traité en 2008. Enfin les 12 et 13 Avril 2010, est prévu à Washington un Sommet sur la sécurité nucléaire. Quel rôle joue l'arme atomique dans les relations internationales ? Elle fait partie des armes de destruction massives (ADM) à côté des armes bactériologiques et chimiques. Mais elle reste l'arme absolue qui confère à l'Etat qui la détient, une puissance extrême et un prestige certain. C'est pour cela, que malgré les velléités de désarmement total, il est peu probable que les membres permanents du Conseil de Sécurité se dessaisissent de cette arme. Considérée pendant la guerre froide comme une arme de dissuasion, elle est maintenant présentée par l'Occident comme pouvant être utilisée pour la protection des «intérêts vitaux» et pourquoi pas d'une manière préventive. Elle peut servir également de chantage par des pays d'importance moyenne, souhaitant attirer l'attention sur eux, ou ayant l'ambition de devenir une puissance régionale. C'est le cas de la Corée du Nord qui disposerait de dix têtes nucléaires, et qui tente de négocier son désarmement nucléaire par l'obtention d'avantages politiques et économiques. C'est le cas de l'Iran qui dispose d'un site d'enrichissement d'uranium à Natanz, et qui a construit un deuxième site souterrain en 2009. Par la possession de l'arme atomique, l'Iran veut s'imposer comme une puissance régionale au Moyen-Orient. Malgré les efforts de l'Occident pour l'en dissuader, l'Iran maintient contre vents et marées son programme nucléaire. Enfin le dernier risque de chantage provient de la possibilité par un groupe terroriste de s'emparer de l'arme nucléaire, notamment miniaturisée, avec une courte portée et un transport facile même par valise diplomatique. Quant aux trois autres pays (Inde, Pakistan et Israël) également détenteurs de l'arme atomique, l'objectif poursuivi est la recherche de la survie face à un environnement hostile. L'Inde et le Pakistan se disputent depuis toujours le Cachemire, et l'arme nucléaire leur sert de dissuasion contre toute confrontation totale. Israël de son côté a recherché la possession de l'arme atomique dès 1960, aidé par la France. Il est maintenant reconnu que ce pays dispose de plusieurs ogives nucléaires, et qu'il risque de les utiliser contre ses voisins si sa survie est en cause. Ce qu'on peut reprocher à l'Occident, c'est la politique de deux poids deux mesures. Alors qu'il se mobilise avec détermination contre l'Iran pour l'empêcher de posséder l'arme nucléaire, il ferme les yeux sur Israël qui la possède déjà. En conclusion, l'Accord Start conclu entre les Etats-Unis et la Russie ne résout en rien la menace nucléaire qui plane sur toute l'humanité. Outre l'agression volontaire, il y a le risque d'accident, l'erreur humaine ou informatique, la mainmise de l'arme nucléaire par un groupe terroriste. Le risque de prolifération nucléaire n'est pas également éradiqué : si l'Iran se dote effectivement de l'arme nucléaire, l'Arabie Saoudite et l'Egypte tenteront également de s'en procurer. Aussi, la seule solution est le désarmement nucléaire total, en commençant tout d'abord par la région explosive du Moyen-Orient qu'il faut absolument dénucléariser. Si Israël désarme, il serait facile d'obtenir le désarmement nucléaire de l'Iran.