Ce week-end, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) organise à Salé une série de projections cinématographiques destinées au grand public. Le Soir échos a donné la parole à Marc Fawe, chargé des relations extérieures au UNHCR. Marc Fawe : « Le rejet de l'autre peut notamment s'expliquer par la mauvaise conjoncture économique, et par une peur de la différence aussi ». Souvent sujet à confusion, un rappel de la définition du mot « réfugié » s'impose tout d'abord. Qu'est-ce qu'un réfugié ? Un réfugié est une personne qui répond aux critères définis par la Convention de Genève relative aux réfugiés, ainsi qu'à son protocole additionnel. Ces documents expliquent que les personnes persécutées dans leur pays peuvent être qualifiées de « réfugiés » si elles répondent à certains critères. Ce sont des personnes qui ne peuvent pas vivre en sécurité dans leur pays d'origine, du fait d'une menace qui plane au dessus de leur tête. Il faut également que les autorités de leur pays ne soient pas en mesure de les protéger, ou qu'elles soient justement la raison à ce manque de sécurité. Le réfugié est aussi une personne qui a quitté son pays pour une de ces raisons : appartenance à un mouvement politique, à mouvement religieux, à une ethnie ou une nationalité particulière, ou enfin à un groupe social particulier. Comment définir ce groupe social ? Le groupe social est souvent difficile à délimiter, contrairement au mouvement politique ou religieux par exemple. Le groupe social est une notion plus floue. Prenez par exemple une femme, promise à un mariage à l'âge de 12 ans, et qui n'a pas envie de se marier. Ce sont là des critères de reconnaissance d'un réfugié. Qui est chargé de trancher sur le statut de réfugié ? Normalement, c'est aux Etats qui ont ratifié la convention de Genève de le faire. C'est avant tout une obligation de ces Etats. Qu'en est-il du Maroc ? Le Maroc a ratifié la Convention en 1957, de même que le protocole additionnel. Seulement, il n'est toujours pas en mesure de s'en charger par manque de législation. C'est donc au HCR que revient cette tâche. Même s'il y aurait un moyen pour que le Maroc procède lui-même à l'analyse des dossiers, puisqu'un dahir royal datant de 1957 prévoit la présence d'un bureau pour les demandeurs d'asile et les apatrides au sein du ministère des Affaires étrangères. Ce bureau n'existe toujours pas. La loi 02-03 relative au séjour des étrangers au Maroc pourrait également être utilisée, mais ces textes sont dépassés aujourd'hui. Quelle est la situation des réfugiés au Maroc, sachant qu'ils ne sont pas reconnus ? Leur situation est toujours difficile. Ils n'ont pas de cartes de séjour marocaines, ce qui constitue d'ailleurs l'un de nos grands chevaux de bataille. Un problème accentué du fait de l'absence de loi, et par le fait que ce n'est pas l'administration marocaine qui procède aux entretiens et à l'analyse des dossiers. Il faudrait normalement que ceux reconnus comme réfugiés par le HCR le soient automatiquement par l'Etat marocain. Nous avons par contre gagné un élément crucial, qui est la non-expulsion des demandeurs d'asile par le Maroc. Donc même sans carte de séjour, ils ne sont pas expulsés. Mais sans cette carte, ils ne peuvent pas signer un contrat de bail, et ne peuvent pas légalement avoir accès à l'éducation ou aux centres de santé publique. Même si dans la pratique, ces enfants sont tous scolarisés grâce à des dirigeants d'établissements très collaboratifs. « Le monde engendre plus rapidement des déplacements de populations qu'il ne produit des solutions », a récemment affirmé António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Quelles peuvent être les solutions ? Ce qu'il a certainement voulu dire, c'est que nous sommes dans le réactif plutôt que dans la planification. Dans le monde, plusieurs conflits assez graves se développent, et il n'existe pas suffisamment d'endroits sûrs pour accueillir les gens qui nécessitent une protection. Le HCR a mis en place un concept qui n'est pas encore développé au Maroc et qui pourrait pourtant être adapté à certains réfugiés. Il s'agit de la protection temporaire. Dans le cas d'un conflit temporaire dans leur pays d'origine, comme dans le cas de la Côte d'Ivoire par exemple, il n'est pas nécessaire de leur donner le statut de réfugié. Le pays d'accueil peut leur accorder une protection temporaire, puis la lever dès qu'il estimera que la situation dans le pays d'origine s'est améliorée et que la personne n'est plus en danger. Ces derniers jours, plusieurs affaires de violence à l'encontre d'étrangers sont relatées par la presse, qui parle d'un racisme ambiant. Quel est l'avis du HCR sur cette question ? Ce que nous essaierons de faire à Salé ce week-end, c'est de montrer à la population qui sont ces gens qui vivent près d'eux, et qui leur paraissent si différents. Les gens font souvent l'amalgame entre des migrants irréguliers et les réfugiés, et cet amalgame se fait dans tous les pays, pas seulement au Maroc. On leur explique que maintenant, le Maroc est leur pays à eux aussi, en détaillant les raisons de leur venue. On entend en effet beaucoup lire ces derniers temps dans la presse des articles traitant les marocains de racistes. Ils ne sont pas racistes. C'est simplement qu'au sein de la communauté marocaine, des actes racistes sont perpétrés. Mais ce n'est pas dans la nature intrinsèque du peuple marocain d'être raciste. Ce rejet de l'autre peut notamment s'expliquer par la mauvaise conjoncture économique, et par une peur de la différence aussi. Les comportements racistes s'expliquent souvent par la peur de l'autre, sans vouloir dire pour autant qu'ils sont tous racistes. * Tweet * * *