Ce week-end, le duo Yacir Rami, au oud, et Antoine Morineau, au tombak iranien et au daff, a croisé les décibels avec le groupe jazz rock Slang. Une rencontre fusionnelle et colorée, propre au festival Jazz au Chellah. [jazz-chellah] Yacir Rami, joueur de oud et jazzman marocain, a fusionné avec le groupe belge Slang, vendredi soir. Dans le site ancestral du Chellah, une constellation d'artistes européens ont croisé la route de talents locaux ce week-end. Vendredi soir, Yacir Rami, oudiste et jazzman marocain, a fusionné avec le groupe belge Slang. Une rencontre où cuivres ont répondu aux instruments à vent, venus d'Inde, et aux percussions, aux saveurs iraniennes. Nous avons discuté avec Yacir Rami, qui a étudié et enseigné au Conservatoire national de Rabat, et s'est initié au oud depuis l'âge de 11 ans. Résident en France, il suit une formation de jazz dans un atelier à Paris, où il achève sa 4e année. Féru de sonorités du monde, il a joué quatre de ses compositions, « la Dabka », « Casa », « Alhambra » et « Bihlif », un cocktail jazzy aux influences arabo-andalouses, de mouachahat, et d'épices orientales. Quel effet cela fait-il de mêler le oud aux percussions iraniennes, à la flûte indienne, et aux sonorités jazzy du groupe Slang ? Au début j'étais un peu sceptique par rapport au oud et son rôle dans ce projet mais nous avons tous essayé d'établir un équilibre où chacun trouve sa place. Et comme j'ai constamment tendance à approcher le côté « swingueux » dans mes compositions, j'ai pu m'adapter au rythme de la rencontre. Le bansuri (flûte indienne) se rapproche du nay oriental et me parle aussi, et le son de râga indien correspond beaucoup aux makamat, c'est un système modal qui a passé de l'Inde jusqu'en Andalousie et conserve toujours des traces. Tout est possible dans la musique, il faut juste de l'écoute. Qu'en est-il des influences jazz dans vos compositions ? Faites-vous du jazz oriental ? Il n'y a pas de jazz oriental, il y a du jazz tout court. Pour moi le jazz implique le swing, et se définit par le groove. Il s'agit juste d'une harmonie jazz. L'avantage du jazz est qu'il réunit des musiciens d'univers différents. Dans la musique occidentale c'est la meilleure façon de se rencontrer, à l'opposé de la musique classique par exemple qui demande de l'écriture et plus de recherche en amont. Pour moi, le jazz est une possibilité de rencontres, plus qu'autre chose. Quand avez-vous monté le duo oud-percussions avec Antoine Morineau ? J'ai commencé le projet de duo avec Antoine il y a sept ou huit mois. Antoine joue des percussions iraniennes, ce qui est stimulant. Le zarb ou (tombak iranien) me permet de m'éloigner du son purement oriental de tarra ou de darbouka, justement pour aller plus vers l'inconnu. Nous avons eu l'occasion de jouer au festival du oud de Tétouan, et nous préparons pour l'année prochaine un projet de CD avec un quatuor français, Terca, dont un joueur de viole d'amour tunisien et un joueur de flûte bansouri. Pourquoi avez-vous choisi le oud turc versus le oud irakien ou autre ? Le mode et l'intensité du jeu me conviennent plus. J'aime bien le son rond, qui peut être tendre et lisse à la fois, et également agressif de temps en temps. Je me retrouve dans les sonorités turques mais j'intègre aussi les sonorités égyptiennes aussi, je cite Ryad El Soumbati, ou irakiennes, je cite Mounir Bechir. Je cherche surtout un son particulier inspiré des sons du Moyen-Orient ou de la musique arabo-andalouse, et je fais ma propre palette. Mêler toutes ces sonorités est une démarche qui vient avec le temps, et c'est ce mélange-là qui m'intéresse. Jazz thérapeutique Jazz au Chellah ne fait pas que feu de tout bois, ou de toute corde. Il prône aussi le partage et la solidarité. Porté depuis toujours vers les rencontres humaines et le soutien des institutions sociales de la région, il a organisé samedi soir un concert en soutien aux patients de l'hôpital psychiatrique de Salé, un des plus grands hôpitaux du genre au Maroc. Le groupe Slang accompagné du duo Yacir Rami et Antoine Morineau ont joué leurs partitions dans l'enceinte de l'hôpital, partageant un grand moment de détente avec les patients. Du jazz thérapeutique qui s'est clôturé en beauté par une medley de musique traditionnelle chantée par le directeur artistique du festival, Majid Bekkas. Un concert où le festif et l'humain ont primé. Signalons que des concerts de solidarité ont été donnés lors des éditions précédentes dans la prison de Salé et le cirque de Salé qui accueille les enfants en difficulté, les intégrant à l'Ecole nationale du cirque. Les recettes du festival sont, depuis toujours, versées aux associations caritatives, dont l'hôpital des enfants de Rabat l'année dernière, pour la mise en place de deux projets en vue de la réhabilitation de l'établissement. Du baume au cœur. * Tweet * * *