On dit prosaïquement « le fait de prince », et la digression relèverait du sacrilège si l'on invoquait aussi un fait de conseiller, dont le poids, plus il s'éclipse dans l'ombre, plus il s'alourdit paradoxalement et pèse fort aux yeux de l'opinion. Le métier de conseiller n'est pas comme les autres, celui de conseiller d'un roi ou d'un président encore moins. [conseiller-du-roi] Le cabinet royal compte une dizaine de conseillers du roi Mohammed VI, parmi lesquels à gauche de haut en bas : Fouad Ali Al-Himma, El Mostafa Sahel, Zoulikha Nasri et Mohamed Mouatassim. A droite, de haut en bas : Taieb Fassi Fihri, Omar Azziman, André Azoulay et Yassir Znagui. Au Maroc, la tradition d'instituer des conseillers royaux, dont les noms sont rendus publics, remonte au roi Hassan II qui, de par sa propre stature, avait conféré à la tâche une certaine dimension. Quatre ou cinq personnalités gravitaient autour d'un chef d'Etat puissants depuis des années, ils étaient présents mais fort éclipsés, les uns experts en politique – notamment Ahmed Réda Guédira et Ahmed Bensouda – les autres en économie, dont André Azoulay, les autres enfin en diplomatie, comme Ahmed Senoussi notamment qui a blanchi sous le harnois de la tour vitrée des Nations Unies. Une liste non exhaustive de conseillers L'avènement en juillet 1999 de Mohammed VI n'a pas modifié d'un iota la donne, il s'est entouré d'un certain nombre de personnalités, certes jeunes, mais qui évoluent au gré des événements. On en dénombre aujourd'hui une dizaine à peu près de ceux qui portent officiellement le titre ou qui peuvent être considérés comme ainsi : Fouad Ali Al-Himma, Rochdi Chraïbi, Zoulikha Nasri, Taieb Fassi-Fihri, Yassir Zenagui, André Azoulay, Mohamed Mouâtassim, Omar Azziman, Abdellatif Mennouni et Mustapha Sahel. Ils sont nommés par Dahir, détiennent une sorte de « lettre » de mission , confiée selon des modalités en cours, pas toujours les mêmes, mais avec le même mot d'ordre : la discrétion et l'obligation de réserve. On ne se prévaut jamais de son titre, on le tient pour un devoir et même, une sorte d'apostolat. On ne se répand jamais en indiscrétion ou conciliabule. C'est le roi qui nomme et qui démet, il est le seul « nominateur » de ce qu'on appelle, l'euphémisme à peine dit, le « gouvernement de l'ombre ». C'est en quelque sorte le fameux « Shadow cabinet », qui n'en est pas un à vrai dire ! Car, la fonction à la Cour royale est précisément délimitée et confinée dans une sorte d'enclos, où l'ingérence dans les autres institutions, gouvernement et Parlement, est strictement bannie. Sévèrement sanctionnée par le roi en personne. Qui a dit que « la démocratie irréprochable, ce n'est pas une démocratie où les nominations se décident en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences... » Un Conseiller ne prend jamais inopinément ses libertés comme un don acquis et encore moins ses rêves pour des réalités. Il ne parle jamais au nom du roi sans y être autorisé, encore moins en son nom propre...Au temps de Hassan II, quelque ministre des Affaires étrangères s'était cru autorisé à porter la parole – qui n'était que la sienne – au nom du roi auprès de l'ancien président sénégalais Abdou Diouf...Quelle ne fut la colère de feu Hassan II et quelle logique et sévère sanction pour Abdelouahed Belkziz, puisque c'est de lui qu'il s'agissait, qui croyait si benoîtement traduire la pensée et la parole du chef d'Etat...On ne déforme pas le propos royal, quand bien même, l'on a le sentiment d'avoir raison et le chef d'Etat tort...Le ci-devant chef de la diplomatie, tout à sa nocivité, tenait son assurance d'un certain puissant ministre de l'Intérieur de l'époque qui faisait et tombait les ministres à sa guise... Les nominations des Conseillers royaux relèvent du fait du roi ! Exclusivement, leur mission est définie par lui seul dans le cadre de l'exercice de son métier qui, à présent, évolue et change même. La nomination, outre le devoir plaisant qu'elle procure, reste au Maroc l'un des traits majeurs et significatifs de la monarchie. Elle est attendue, suivie, applaudie, elle suscite un vif intérêt auprès de l'opinion et des flots de commentaires qui confinent parfois au fantasme. La personnalité nommée par le roi est vite distinguée au plan social, parce qu'elle incarne elle-même un sentiment de pouvoir qui reste l'attraction la plus forte et la plus diffuse. L'ère du roi Mohammed VI Depuis son avènement en juillet 1999, le Roi Mohammed VI a pris en charge le processus de nominations des conseillers, de ses conseillers et, tout à la fois, fait évoluer la fonction elle-même. Meziane Belfquih décédé, sur les dix conseillers en activité, il en a nommé au moins huit, en commençant des les premiers instants par une femme, Zoulikha Nasri qui, force nous est de le souligner, a vu son destin se transformer. Ce ne fut pas seulement une innovation majeure dans les mœurs de la Cour royale, mais un signe emblématique de leur transformation. Une petite « révolution tranquille », inscrite dans l'esprit de l'époque, mais surtout annonciatrice du style et du ton que le nouveau roi allait désormais imprimer à la gouvernance. Ce fut aussi une rupture dans la tradition que Mohammed VI a opérée, ensuite un hommage à une femme marocaine, issue de l'Oriental, portée sur les « fonts baptismaux » du front social, celui qui constituera ensuite le champ privilégié de l'action royale. La Bruyère aimait à dire que « le plaisir le plus délicat (d'un roi ) est de faire celui des autres ». Il est des nominations qui vont de soi, il en est d'autres qui suscitent paradoxalement des réactivités injustifiées. Elles restent cependant confinées dans les cercles privés et la culture des chaumières. Fouad Al-Himma, outre les jeunes « févriéristes » montés sur leurs ergots, est passé sans les Fourches Caudines de certains membres du PJD, et pas des moindres, à commencer par son secrétaire général, aujourd'hui hissé au firmament du pouvoir. Les contempteurs de celui qui est considéré comme le plus du « prince » n'en démordent pas, quand bien même le concerné, à savoir Fouad Ali Al Himma aura quitté la scène gouvernementale officielle – le ministère de l'Intérieur – et celle de la politique partisane – du PAM ! Hissé au rang de conseiller au Cabinet royal, il n'en continue pas moins sa mission d'interlocuteur politique, affublé à tort ou à raison d'une amitié royale privilégiée. Il est le compagnon visible du roi, son ombre aussi ? Mais ne se hasarde jamais à anticiper sur sa pensée. Cela dit, il n'est pas le seul conseiller à avoir pignon sur rue. Mohamed Mouatassim, puisqu'il convient de définir les missions des uns et des autres, a mené les discussions sur la réforme de la Constitution pendant des mois avec les partis politiques, pendant qu'un futur conseiller, en l'occurrence Abdellatif Mennouni, planchait sur les textes. Comparaison n'étant jamais raison, notamment dans ce cas précis, les missions confiées aux conseillers par le roi relèvent de responsabilités consubstantielles à un ministère... * Tweet * * *